Richard II est le dernier roi de la dynastie des Plantagenêts, qui s'est installée en Angleterre deux siècles et demi plus tôt, avec le couronnement d'Henri II et Aliénor.
Il est le petit-fils du roi Édouard III, le vainqueur de Crécy, et le fils du Prince Noir Édouard de Woodstock, qui a de son côté vaincu les Français à Poitiers.
Son père étant mort prématurément, il n'a que dix ans quand il monte sur le trône à la mort d'Édouard III, le 21 juin 1377. Il n'en aura que trente-deux quand il va abdiquer le 29 septembre 1399, sous la pression des barons anglais et des représentants des Communes, au terme d'un règne aussi troublé que fascinant.
Un règne troublé
Lorsque Richard II monte sur le trône, la situation du royaume est critique.
Sous l'effet des contre-offensives victorieuses de Du Guesclin, l'Angleterre a perdu la plupart des provinces qu'elle avait conquises en France pendant la première période de la guerre de Cent Ans.
Cela fait beaucoup de revenus en moins pour la noblesse.
Le nouveau roi, n'ayant que dix ans à son avènement, doit laisser la régence à son oncle, Jean de Gand, un baron avide et détesté du peuple.
Il va lever de nouvelles taxes pour pallier l'appauvrissement de la noblesse. C'est l'origine de violentes secousses sociales et politiques.
À l'été 1381, dans le Kent, dans le Sussex et dans d'autres régions d'Angleterre, les paysans se soulèvent pour différentes raisons : taxe inique, oppression seigneuriale.... Ils se répètent les vers d'un poète révolutionnaire ô combien en avance sur son temps, John Ball. Celui-ci écrit en particulier ce verset séditieux :
« Quand Adam bêchait et Eve filait
Qui était le gentilhomme ? »
« When Adam delved and Eve span,
Who was then a gentleman ? »
Un soldat du Kent dénommé Wat Tyler prend la tête des paysans. Londres est assiégée et pillée après bien d'autres villes. Mais le jeune roi joue d'astuce.
Richard II rencontre Wat Tyler dans la prairie de Mile End le 14 juin 1381 et s'engage tout à la fois à affranchir les derniers serfs du royaume et accorder des hausses de salaires aux manouvriers. Il promet en sus une amnistie aux insurgés. Le lendemain cependant, des insurgés reprennent les pillages. Les représentants du roi demandent un nouveau rendez-vous à Wat Tyler pour s'en expliquer. Comme le chef rebelle se fait insolent, il est tué par le maire de Londres, Sir William Walworth.
La révolte va dès lors tourner court. Une dizaine de jours plus tard, l'ordre seigneurial est rétabli. John Ball est lui-même exécuté à Saint Adams le 15 juillet 1381.
On peut noter qu'au même moment, de l'autre côté de la Manche, le jeune roi de France Charles VI se trouve aussi placé sous la détestable tutelle de ses oncles avec les mêmes conséquences sociales.
Comme si les révoltes sociales ne suffisaient pas, l'establishment anglais doit aussi supporter la contestation religieuse. Celle-ci vient d'un vénérable docteur en théologie d'Oxford, John Wyclif.
Dans ses prédications, il n'hésite pas à contester la présence effective du Christ dans l'hostie lors de la communion eucharistique. Il s'interroge aussi sur le sacrement de la pénitence et la pratique des indulgences.
John Wyclif finit ses jours en paix en 1384 grâce à des protecteurs haut placés. Mais ses idées qui ont un parfum d'hérésie sont condamnées à titre posthume en 1415 au concile de Constance. La condamnation vient trop tard !
L'entourage tchèque de la reine Anne de Bohême, première épouse du roi Richard II, a déjà véhiculé ces idées à Prague où elles ont inspiré un autre prédicateur de talent, Jan Hus.
Jan Hus, moins chanceux que Wyclif, est brûlé vif à Constance. Mais un siècle plus tard, l'Allemand Martin Luther marche sur ses traces avec davantage de succès. Ses prédications provoquent en effet une scission durable dans l'Église catholique.
Le règne de Richard II est marqué par des événements plus souriants comme la publication des Contes de Cantorbery, un ouvrage grivois inspiré par le Decameron de l'Italien Boccace.
L'auteur est Geoffrey Chaucer, un immense écrivain qui donne à la langue anglaise ses lettres de noblesse. Il meurt en 1400 (comme Richard II). C'est le premier homme de lettres inhumé à l'abbaye de Westminster.
Pouvoir absolu
Fort de son succès face à Wat Tyler, le jeune Richard II ne tarde pas à se séparer de Jean de Gand et à gouverner par lui-même. Tout paraît lui sourire. Mais il a le tort de mal s'entourer et se laisse griser par la gloire. Plusieurs barons menés par Thomas de Woodstock, duc de Gloucester, lui imposent de se séparer de ses favoris en 1388.
Richard II prend sa revanche huit ans plus tard, en 1396, après son remariage avec Isabelle de France, la fille du roi Charles VI : il se débarrasse de la tutelle des barons et du Parlement et fait exécuter plusieurs barons dont le duc de Gloucester. Il dépouille aussi de son héritage le fils de Jean de Gand, son cousin Henri Bolingbroke, duc de Lancastre, et le condamne à l'exil.
Henri se réfugie en France où le parti anti-anglais dirigé par le duc Louis d'Orléans l'aide à constituer une armée.
Le roi brusque pendant ce temps son opinion publique en tentant de se rapprocher de la France et en levant de nouveaux impôts en vue de conquérir l'Irlande.
Cette guerre va lui être fatale : pendant qu'il combat en Irlande, son cousin Bolingbroke revient d'exil à la tête de son armée. Revenant en hâte d'Irlande, le roi est fait prisonnier par traîtrise et livré à son rival. Il est interné dans la Tour de Londres. Les représentants des Communes, qui lui en veulent d'avoir limité leurs prérogatives, exigent son abdication.
Il meurt en captivité l'année suivante dans le château de Pontefract, au sud-est de Leeds, sans doute assassiné sur ordre de son successeur. Shakespeare lui a consacré en 1595 une tragédie, Richard II, où il met en scène l'enchaînement fatal qui l'entraîna dans le malheur.
Henri de Lancastre devient roi sous le nom d'Henri IV et fonde la dynastie des Lancastre, en-dehors de toute règle dynastique. Son fils va relancer la guerre contre la France et à l'issue de celle-ci, les descendants des différents enfants d'Édouard III en reviendront à s'affronter dans la guerre des Deux-Roses.
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L'État issu de Guillaume le Bâtard se singularise par la primauté du droit sur l'arbitraire, dans les relations entre le souverain et les différentes classes sociales.
Cette société de confiance est à l'origine de la puissance anglaise...
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