La Révolution française est née d'une crise fiscale sans précédent. Après dix ans d'improvisation (nationalisation des biens de l'Église, banqueroute, rançonnement des pays occupés...), le gouvernement du Directoire se résout à réhabiliter l'impôt et met en place des solutions pérennes.
Dominique Ramel, dit Ramel de Nogaret, député de l'Aude et ministre des Finances du Directoire, remet à plat le système fiscal hérité de la Révolution.
Après la « banqueroute des deux tiers », il instaure le 24 novembre 1798 un nouvel impôt sur les portes et fenêtres, qui a l'avantage de pouvoir être établi depuis la rue par les agents du fisc sans contestation possible. Il fait référence à un précédent britannique du XVIIe siècle et mieux encore à l'ostiarum, un impôt créé par Jules César !
Croyant à une mesure temporaire, le gouvernement français réhabilite à cette occasion le nom ancien d'impôt au lieu du nom plus convenable de « contribution » introduit par l'Assemblée Constituante dix ans plus tôt. Dans les faits, le nouvel impôt ne sera aboli que par le Cartel des gauches, en 1926.
C'est que cet impôt a l'immense avantage d'être très facile à établir : il suffit aux agents du fisc de compter de la rue le nombre d'ouvertures de chaque maison ou château.
Très impopulaire outre-Manche et dans les pays européens où les armées révolutionnaires vont l'introduire, il a pour effet de réduire le nombre d'ouvertures dans les habitations, au détriment de la santé publique.
En Angleterre, le terme de « fenêtre » n'ayant pas été défini avec précision par le fisc, une simple aération de garde-manger oblige les propriétaires à mettre la main au porte-monnaie. Suite à une forte hausse de l'impôt en 1820, les immeubles collectifs, à Londres, deviennent pratiquement aveugles, avec pour conséquence le développement du rachitisme, aussitôt qualifié de « mal anglais ».
En France, autre conséquence dommageable : les fenêtres à meneaux héritées de la Renaissance sont détruites en masse car, pour les agents du fisc, elles équivalent à quatre fenêtres !
On peut mesurer le rejet de ce système dans l'opinion publique à ce passage des Misérables (1862) de Victor Hugo : « Il y a en France treize cent vingt mille maisons de paysans qui n'ont que trois ouvertures, dix-huit cent dix-sept mille qui ont deux ouvertures, la porte et une fenêtre, et enfin trois cent quarante mille cabanes qui n'ont qu'une ouverture, la porte. Et cela, à cause d'une chose qu'on appelle l'impôt des portes et fenêtres. Mettez-moi de pauvres familles, des vieilles femmes, des petits enfants, dans ces logis-là, et voyez les fièvres et les maladies ! Hélas ! Dieu donne l'air aux hommes, la loi le leur vend ! »
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