Tandis que Napoléon Ier et la Grande Armée sont embourbés dans la campagne de Russie, les esprits, à Paris, s'agitent.
Dans la nuit du 22 au 23 octobre 1812, un intrigant, le général Claude François de Malet (58 ans), s'échappe de la « maison de santé » du docteur Maubuisson, où il avait été enfermé en 1810 pour s'être compromis dans un complot républicain contre l'empereur. Il se lance dans un coup d'État grandguignolesque qui va basculer dans la tragédie.
D'abord commandant de la garde nationale de Dole (Jura) puis capitaine de l'armée du Rhin en 1792, Malet a gagné ses galons de général de brigade en 1799. D'origine noble, il n'en est pas mois un farouche républicain. Il s'oppose au coup d'État de Bonaparte et à l'instauration de l'Empire, ce qui lui vaut d'être emprisonné en 1807 puis en 1808, avant d'être interné dans une maison de santé, pour cause d'instabilité psychique.
C'est alors que s'étant échappé avec deux comparses, il se présente en uniforme à la caserne de la garde nationale Popincourt en annonçant la mort de l'empereur. Les soldats et les officiers ne se montrent pas surpris outre-mesure.
Cinq compagnies suivent le général à la prison de la Force, dans le quartier du Marais, au centre de Paris. Là, Malet fait libérer deux généraux, Lahorie et Guidal, qui, sans trop comprendre ce qui leur arrive, comprennent que l'Empereur est mort et qu'il faut un nouveau gouvernement à la France ; républicain, cela va sans dire.
Au petit matin, les comparses arrêtent au saut du lit le préfet de police Pasquier, le ministre de l'Intérieur Savary et le chef de la police secrète Desmarets. Ils les conduisent à la Force.
Le préfet du département de la Seine Frochot ouvre une salle de l'Hôtel de Ville pour la réunion du futur gouvernement provisoire. Dans le même temps, le général Malet transmet aux garnisons des Minimes et de la Courtille l'ordre d'occuper les différents centres du pouvoir (Palais-Royal, Sénat, Banque de France...). À 9h45, il est déjà maître de la plus grande partie de la capitale.
C'est alors que la situation bascule. À l'état-major de la place Vendôme, le général Hulin, ancien « héros » de la prise de la Bastille, devine la conspiration. Il ne se démonte pas quand Malet en personne vient l'arrêter. Comme il a le culot de demander à voir des ordres écrits, Malet panique, sort son pistolet et tire sur Hulin, le blessant à la gorge.
Malet est en définitive arrêté et la conspiration échoue sitôt commencée, laissant les troupes de Paris dans l'expectative. Outre Malet, Lahorie et Guidal, onze officiers sont déférés devant une cour martiale et fusillés dès le 29 octobre 1812. Ils s'étaient engagés dans l'aventure en toute bonne foi, croyant sincèrement à la mort de l'empereur.
Au président de la cour qui lui avait demandé le nom de ses complices, Malet avait répondu avec panache : « La France entière, et vous-même, si j'avais réussi ».
Les dignitaires du régime, tels l'archichancelier Cambacérès et le ministre de la police Savary, se hâtent d'en finir avant le retour de l'empereur, dont ils craignent à juste titre la colère.
En dépit de son échec, la conspiration révèle la fragilité du régime. Et l'empereur, averti dès le 6 novembre, peut constater avec affliction que nul n'a songé que son fils, le roi de Rome devait normalement lui succéder à l'annonce de sa mort, bien qu'âgé d'à peine un an.
À son retour précipité de Russie, Napoléon ne cache pas sa colère : « Eh bien ! Messieurs, vous prétendez et vous dites avoir fini votre révolution ! Vous me croyiez mort, dites-vous, et je n'ai rien à dire à cela. Mais le roi de Rome ! Vos serments ! Vos principes ! Vos doctrines Vous me faites frémir pour l'avenir ! ».
Le préfet Frochot, simplement mis à pied, a le mot de la fin : « Ce diable de roi de Rome : on n'y pense jamais ».
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