Le 22 février 1358, Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, prend violemment à partie le Dauphin Charles, régent du royaume, dans sa chambre même ! Pour la première fois, la monarchie chancelle...
La France dans l'abîme
Quinze mois plus tôt, la noblesse française a été défaite à Poitiers par les Anglais et le roi capturé, fait sans précédent dans l'Histoire des capétiens.
Le Dauphin Charles, héritier du trône, assume aussitôt le gouvernement avec le titre de lieutenant général du royaume. C'est un jeune homme de près de vingt ans, malingre et incapable de tenir une épée. Il ne paie pas de mine mais va très vite montrer un tempérament hors du commun.
Il réunit à Paris les états généraux de langue d'oïl (le nord de la Loire) et à Toulouse ceux de langue d'oc (le sud de la Loire). En l'absence de nombreux féodaux, capturés ou tués à la bataille de Poitiers, les riches bourgeois des villes dominent ces assemblées. Le Dauphin leur demande de nouveaux subsides mais les députés en profitent pour faire entendre leurs conditions.
Aux états généraux de langue d'oïl se font entendre Robert Le Coq, évêque de Laon, dévoué à Charles le Mauvais, et Étienne Marcel. Ce dernier est un riche drapier quadragénaire qui a été élu prévôt des marchands de Paris aux états généraux de 1355.
Les deux meneurs exigent de libérer le roi de Navarre, incarcéré deux ans plus tôt par Jean II le Bon, ainsi que de contrôler la perception et l'usage des impôts. Le Dauphin n'a pas le choix. Il s'incline et promulgue le 3 mars 1357 une Grande Ordonnance de 61 articles dans lesquels s'affichent des préoccupations sociales et démocratiques. Il se garde néanmoins de la mettre en application...
Très vite, la pagaille s'installe dans le royaume. Charles le Mauvais, qui a été libéré et veut se venger des Valois, entre en tractations avec les Anglais en vue de s'approprier quelques belles provinces.
De son côté, Étienne Marcel, qui tient les fonctions d'un maire et rêve pour Paris d'une autonomie analogue à celle des villes flamandes ou italiennes de l'époque (Bruges, Florence...), se lasse de la résistance du Dauphin. Il lie partie avec le roi de Navarre qui n'hésite pas à venir dans la capitale haranguer le peuple. Le Dauphin agit de même !
Massacre au saut du lit
Les rixes se multiplient dans la capitale et la guerre civile menace. N'en pouvant plus d'attendre, Étienne Marcel décide de forcer la main du Dauphin...
C'est ainsi que ce matin du 22 février 1358, le prévôt accompagné d'une troupe en armes pénètre à grand fracas dans la chambre du Dauphin.
Il s'en prend à deux conseillers du dauphin, les maréchaux de Champagne et de Normandie, Robert de Clermont et Jean de Conflans, et les accuse de mal servir la couronne. Les deux hommes sont assassinés sous les yeux terrifiés de Charles, qui doit accepter de coiffer le chaperon rouge et bleu, aux couleurs de la capitale, dont Étienne Marcel a fait le signe de ralliement de ses partisans.
Complètement démuni, le Dauphin dépend du prévôt pour obtenir des subsides. Aussi feint-il d'accepter ses conseils et ses projets de réformes. La journée durant, il se promène bras dessus bras dessous avec le prévôt.
Le 14 mars suivant, avec l'accord de ce dernier, il prend officiellement le titre de régent du royaume puis, l'air de rien, quitte Paris pour Senlis. Là, il convoque le 25 mars une assemblée de la noblesse qui lui apporte son soutien. Dès lors, révélant son sens politique et sa détermination, il s'empare de Montereau et de Meaux, deux marchés où se ravitaillent d'ordinaire les Parisiens. Voilà ces derniers menacés de famine...
Retournement de situation
Charles convoque à Compiègne, du 4 au 14 mai, les états généraux. Il obtient la condamnation d'Étienne Marcel et fait de celui-ci un rebelle. Le prévôt, sur la défensive, aggrave son cas en envoyant des secours aux paysans du Beauvaisis qui, dans le même temps, se sont soulevés. Comme l'armée royale entame le siège de la capitale, il tente même de nouer alliance avec les Anglais et fait entrer des hommes de Charles le Mauvais dans la ville.
C'en est trop. Ses partisans se détachent de lui et le 31 juillet 1358, il est assassiné à l'instigation du bourgeois Jean Maillart, gagné à la cause du Dauphin.
Vos réactions à cet article
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philbest (09-06-2014 10:31:51)
Né le 21 janvier 1338, Charles V allait avoir 20 ans (et non 18) un mois plus tard. cet épisode le traumatisera et lui fera quitter le Palais de la Cité pour le Louvre, lui préférant cependant l... Lire la suite
pierre (17-01-2011 14:44:27)
Je m'étonne que vous ne fassiez pas le parallčle entre le geste d'Etienne Marcel coiffant le roi du chaperon rouge de la capitale et celui de La Fayette coiffant Louis XVI du bonnet phrygien. L'... Lire la suite
claude chapard (19-07-2009 11:50:09)
Merci j'ai beaucoup aimé les origines de mon drapeau national et surtout la citation de Lamartine,l'histoire quel beau roman qui nous est compté au fil du temps.Encore merci