22 août 1812

Pétra sort de l'oubli

Pétra (Jordanie), Le Khazneh vu du siq (photo : Gérard Grégor) Le 22 août 1812 un jeune Suisse de 28 ans retient son souffle.

À l’issue d’une longue marche dans le Sîq, un étroit défilé dans les montagnes du sud de la Jordanie, il vient d’apercevoir une immense façade sculptée dans le grès rose.

Le jeune voyageur évite toutefois de laisser paraître son émerveillement pour ne pas éveiller les soupçons de son guide.

Officiellement Johann Ludwig Burckhardt, alias Sheikh Ibrahim, ne parcourt le Sîq que pour se rendre au Djebel Haroun – le « mont Aaron» en arabe – et y sacrifier une chèvre au prophète, frère de Moïse…

Et si la Jordanie était reconnue comme l’autre pays de la Bible ?

La Jordanie biblique en 20 sites (hors série, juillet-août 2012, 10 euros)Le récit ci-après de la découverte de Pétra est extrait du somptueux hors-série publié par Le Monde de la Bible et La Croix : « La Jordanie biblique en 20 sites » (sortie en kiosque, été 2012, 10 €).

Même si, en Jordanie, les traces des événements et des héros des Ancien et Nouveau Testaments semblent éparses, elles n’en demeurent pas moins fort nombreuses avec plus d’une vingtaine de sites qui nous parlent de Moïse et de Jésus, en passant par Jacob, Ruth, Loth, ou Jean-Baptiste pour ne citer que les plus célèbres personnages.

L’apôtre Paul aussi aurait séjourné dans le royaume nabatéen, ainsi que l’évoque une lettre aux Galates.

Pétra entre mythe et réalité

Après des siècles d’oubli, le jeune homme est le premier Européen à découvrir le spectacle grandiose de la Khazneh, ce monument qui deviendra bientôt l’emblème de Pétra, l’antique capitale des Nabatéens.

Comment celle-ci a-t-elle pu sortir des mémoires occidentales ? Le premier facteur est géographique : la cité est nichée dans une région semi-désertique, à l’écart des grandes voies de communication, au cœur d’un massif gréseux très difficile d’accès. Depuis des siècles, elle est redevenue un lieu de pâturage et d’habitat saisonnier pour les populations nomades de la région.

L’autre facteur, c’est la relative discrétion des sources antiques sur Pétra, dont aucune ne permet de situer exactement la cité. Les textes grecs les plus développés sont ceux de Diodore de Sicile et de Strabon. Si l’un et l’autre désignent Pétra comme la capitale des Nabatéens, un peuple arabe caravanier qui s’est enrichi par le commerce des épices et de l’encens, ils en donnent deux images assez contradictoires.

L'entrée du Siq, 9 mars 1839, lithographie de Louis Hague, in David Roberts, The Holy Land, Londres, 1842-1849, DR

Diodore rapporte le témoignage oculaire de l’historien Hiéronyme de Cardia, contemporain d’Alexandre le Grand : « Les Nabatéens vivent en plein air [...], ils ont pour coutume de ne pas semer de grains, de ne pas planter d’arbres fruitiers, de ne pas boire de vin et de ne pas construire de maisons. » Bref, ce sont des nomades. Diodore relate aussi deux expéditions ordonnées contre eux par le roi Antigone le Borgne, successeur d’Alexandre : la « Roche » qu’attaque l’armée hellénistique et qui est vraisemblablement Pétra n’apparaît pas comme une ville mais plutôt comme un refuge, protégé par la nature et permettant aux tribus nomades de mettre à l’abri leurs richesses.

Strabon au contraire, s’appuyant sur le témoignage du philosophe Athénodore qui a visité Pétra au tournant de l’ère chrétienne, décrit la capitale des Nabatéens comme une véritable ville, avec de l’eau en abondance, des jardins et de coûteuses maisons en pierre : en trois siècles, les nomades se sont sédentarisés et sont devenus des citadins installés dans une ville luxueuse. Voilà ce que les érudits occidentaux savent de Pétra lorsque Burckhardt vient la tirer de l’oubli en août 1812.

Johann Ludwig Burckhardt, anonyme

Un explorateur avisé

Issu d’une grande famille bâloise, Johann Ludwig Burckhardt est né à Lausanne en 1784. Après de solides études dans les universités de Leipzig et de Göttingen, il se destinait à une carrière diplomatique mais des difficultés familiales – son père était résolument antinapoléonien – l’ont contraint à s’exiler à Londres en 1806.

Deux ans plus tard, ayant perdu tout espoir de décrocher un poste, il offre ses services à l’Association for Promoting the Discovery of the Interior Parts of Africa ou African Association. On l’envoie à Cambridge apprendre l’arabe. Puis, en 1809, il s’embarque pour Malte et, de là, pour la Syrie où il s’installe à Alep. Désormais, il a adopté le costume local, s’est laissé pousser la barbe et se fait appeler Sheikh Ibrahim : son objectif est de s’accoutumer à l’accent et aux coutumes du pays pour se faire ensuite passer pour un commerçant syrien et voyager incognito.

En juin 1812, s’estimant suffisamment préparé, il se met en route pour Le Caire, avec pour destination finale le Fezzan. En chemin, probablement non loin de la forteresse croisée de Shawbak, il entend parler de ruines fabuleuses qui se situeraient dans un lieu appelé Wadi Moussa, « la vallée de Moïse » ; d’après une tradition islamique, il s’agit d’une des douze sources que Moïse aurait fait jaillir au cours de l’Exode en frappant la roche de son bâton (...).

Publié ou mis à jour le : 2021-06-17 22:29:01
Jm schorderet (20-08-2012 15:21:58)

Au plaisir d'avoir visité ce sanctuaire, s'ajoute celui d'une lecture bien documentée. Un grand merci

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