Mahomet (570 - 632)

La naissance de l'islam

Au VIe siècle de notre ère, l'Antiquité jette ses derniers feux en Méditerranée orientale.

La péninsule arabe est un désert hostile parsemé de quelques rares oasis. Elle est seulement parcourue par des tribus d'éleveurs et des caravanes. Les souverains des grands empires orientaux, Byzance et la Perse, dédaignent de l'occuper. Comment se douteraient-ils de l'événement qui s'y prépare par la force d'un seul homme ?

Alban Dignat

L'ange Gabriel et Mahomet dans la grotte de la Révélation (miniature persane tirée du Jami' al-Tawarikh - Histoire du Monde - de Rashid al-Din, Tabriz, 1307)

Mahomet, Muhammad ou Mohamed ?

Le prophète de l'islam est appelé en arabe Mohamed, qui veut dire : « Celui qui est louangé ». Les Iraniens l'appellent dans leur langue Mahmoud et les Turcs Mehmet. Quant aux musulmans d'Afrique occidentale, ils le désignent sous le nom de Mamadou. En Europe, les Anglo-Saxons, qui ont découvert assez tard le monde musulman, appellent le prophète Muhammad en se conformant à la phonétique arabe.
Par contre, les Français, les Espagnols et les Allemands, qui ont affronté les Turcs ottomans pendant près d'un millénaire, ont connu l'islam et son fondateur par leur intermédiaire. C’est ainsi qu’ils désignent le prophète par une déformation phonétique du mot turc Mehmet : Mahoma en espagnol et Mahomet en français et en allemand. Goethe a ainsi écrit un célèbre poème : Mahomets Gesang.
En latin médiéval, la première occurrence de ce nom remonte au moine Raoul Glaber (début du XIe siècle) qui décrit les « Sarracènes » (« Sarrazins ») et mentionne « leur prophète, qu’ils appellent Mahomed ». On retrouve le terme dans la première traduction du Coran en latin, celle de l’abbé de Cluny Pierre le Vénérable, en 1142, sous l’intitulé Lex Mahumet pseudoprophete (« loi du faux prophète Mahomet »).

Traduction du Coran par Pierre le Vénérable (XIIe siècle), BNF

Regrettons qu'en France, dans un souci de bienséance politique, certains auteurs contemporains utilisent la version anglaise Muhammad (par exemple dans Encyclopedia Universalis), d'autres Mohammed, Mohamed ou encore Mouhammad. L'appellation usuelle Mahomet a l'avantage d'être comprise par tous les francophones et adaptée à la phonétique française. Le bon sens veut que l'on s'y tienne (de la même façon que l'on désigne la capitale de la Chine par Pékin et non par l'appellation officielle Beijing).

Prédicateur, chef de guerre et homme d'État

Mahomet offre l'image d'un homme énergique mais aussi pénétré de sa mission divine. Il se défend d'être poète et se juge incapable d'inventer par lui-même quoi que ce soit de comparable au Coran. Il se reconnaît faillible et ne se veut en rien différent des autres hommes. C'est un guerrier qui ne rechigne pas à donner la mort. Il aime les femmes et ne s'en cache pas. Il consacre par ailleurs beaucoup de temps à la prière et dédaigne les richesses de ce monde.

Mahomet dans la grotte des révélations (miniature turque du XVe siècle)C'est ainsi qu'il invite ses compatriotes arabes à renoncer aux divinités coutumières pour ne plus adorer que le Dieu unique (Allah en arabe) et se soumettre aux piliers de la nouvelle foi.

Meneur d'hommes efficace, il soumet à son autorité la péninsule arabe en une dizaine d'années. Après sa mort, en 632, ses successeurs ou remplaçants (califes en arabe) entraînent leurs troupes à la conquête du Moyen-Orient et de la rive sud de la mer Méditerranée.

Toutes les paroles de Dieu sorties de la bouche de Mahomet seront par ailleurs retranscrites dans un recueil qui fait désormais autorité parmi les croyants de la nouvelle religion : le Coran, d'après un mot arabe qui veut dire « Récite ».

Les croyants eux-mêmes se disent musulmans, d'après un mot arabe qui veut dire « soumis » (à Dieu). Le mot islam, qui désigne leur religion, a la même origine.

La Mecque avant l'Hégire

La Mecque (Mekka en arabe), oasis proche de la mer Rouge (ou Golfe Arabique), est l'une des rares villes de la péninsule. Elle compte 3.000 habitants sédentaires. Elle est dirigée par la tribu arabe connue sous le nom de Koraishites (ou Koraïchites). La fortune de la ville vient du commerce caravanier et d'un sanctuaire, la Kaaba, construit autour d'une mystérieuse pierre noire. Ce sanctuaire est un lieu de pèlerinage pour les idolâtres arabes de toute la péninsule.

La naissance de Mahomet, représentée dans une peinture du Siyar-i Nabi, Istanbul, vers 1595.Mahomet naît à La Mecque tout juste cinq ans après la mort de Justinien, le dernier des grands empereurs romains. Sa naissance, vers 570, va bouleverser le destin de La Mecque et de la péninsule arabe. Son père est un marchand du nom d'Abdallah. Il meurt en voyage deux mois avant que n'accouche sa femme Amina. Lorsque celle-ci meurt à son tour, Mahomet n'a que six ans.

L'orphelin est élevé par son grand-père, le chef du clan des Bani Hachem (les Hachémites), puis par son grand-oncle, Abou Talib (père de son futur gendre, Ali). Bien que ne sachant ni lire ni écrire, il assure sa fortune en épousant à 25 ans une riche veuve de quinze ans plus âgée que lui. Khadidja - c'est son nom - sera sa première disciple. En 26 ans de vie commune (et malgré son âge avancé), elle lui donnera quatre filles.

Devenu un notable, Mahomet organise des caravanes vers la Syrie et peut-être s'y rend-il lui-même. Il a de multiples occasions de dialoguer avec les juifs et les chrétiens de passage ou installés à La Mecque, ce qui lui donne une assez bonne connaissance de la Bible.

Vers l'âge de 40 ans, en 610, le futur Prophète prend l'habitude de se retirer dans une grotte du désert, sur le mont Hira, à cinq kilomètres de La Mecque. Selon ses dires, pendant la nuit dite « du Destin », à la fin du mois de Ramadan, l'ange Jebrail (Gabriel en arabe) lui a soufflé à l'oreille : « Récite » !

À son retour à La Mecque, Mahomet commence à annoncer la parole de Dieu (Allah en langue arabe). Il se présente comme son envoyé. Outre sa femme, les premiers convertis sont son cousin Ali (qui sera le quatrième calife), son serviteur Zeïd, un esclave qu'il a affranchi, et son parent Abou Bekr (qui sera le premier calife).

L'ange Gabriel, le prophète Mahomet, Ali et ses deux fils Hassan et Hussein (miniature persane du XVe siècle)

Le prophète dans l'adversité

Les commerçants de La Mecque craignent pour leurs revenus, liés aux pèlerinages qui guident des Arabes de toute la péninsule vers la pierre noire du sanctuaire de la Kaaba.

Ils ne tardent pas à persécuter le petit groupe de disciples. Battus, quelques-uns se rétractent pour échapper aux violences. D'autres, parmi les plus pauvres, lassés des persécutions et des brimades, décident en 615 de s'exiler en Abyssinie, de l'autre côté de la mer Rouge, auprès du Négus, nom que l'on donne au roi de ce pays chrétien (l'Éthiopie actuelle). Ils pourchassent aussi Mahomet et le traitent de fou. Heureusement, le prophète bénéficie de la protection indéfectible de son oncle, Abou Talib.

Finalement, dans son désir de se rallier les Mecquois (ou Mekkois) rétifs à sa prédication, il lance de l'esplanade de la Kaaba la sourate dite de l'Étoile. Ses deux derniers versets suggèrent un accommodement avec les idolâtres :
« Ce sont les déesses sublimes
Leur intercession est admise »
.
Les relations s'apaisent aussitôt entre les clans rivaux. Les exilés d'Abyssinie prennent le chemin du retour.

Exil des disciples de Mahomet auprès du négus d'Abyssinie (miniature persane du XIVe siècle)

Mais chez les disciples de la première heure qui sont restés à La Mecque, c'est la consternation. Ils se demandent à quoi ont rimé leurs souffrances s'ils doivent en définitive revenir à un polythéisme déguisé. Par chance (et sans doute aussi grâce à l'intervention appuyée de ces disciples), l'ange Gabriel restaure la vraie doctrine en soufflant à Mahomet une sourate dite de Youssouf par laquelle il est dit que les deux versets incriminés ont été inspirés par Satan.

L'affaire est close... Elle refera surface quatorze siècles plus tard avec la publication en 1988 à Londres d'un épais roman intitulé Les Versets sataniques. Son auteur, Salman Rushdie, sera vilipendé et condamné à mort par l'imam Khomeiny, leader des Iraniens.

En attendant, Mahomet bénéficie opportunément de la conversion de l'un des hommes les plus puissants de La Mecque, Omar ibn al-Khattab. Celui-ci apporte au prophète son précieux soutien après l'avoir violemment combattu (il sera le deuxième calife).

En 619, l'horizon s'obscurcit avec la mort de l'épouse dévouée, Khadidja, ainsi que du puissant Abou Talib. Se sentant menacé, Mahomet part pour l'oasis de Taïf, à une centaine de kilomètres, mais il en est chassé par les habitants, peu désireux de se fâcher avec les commerçants mecquois.

Mahomet et sa femme Aïcha libérant la fille d'un chef de tribu, Siyer-i Nebi. XIVe siècle.De retour à La Mecque, il en profite pour se remarier et met fin à sa monogamie antérieure. Il épouse d'une part une veuve du nom de Saïda, d'autre part la très jeune fille de son disciple Abou Bekr. Elle a nom Aïcha... et guère plus de six ans. D'après son propre témoignage, Mahomet l'épousa quelques mois avant l'Hégire, alors qu'il avait passé la cinquantaine et qu'elle-même avait 6 ans.

Il attendra toutefois qu'elle ait 9 ans pour user de ses droits d'époux (en foi de quoi les disciples de l'ayatollah Khomeiny ont abaissé à 9 ans l'âge légal du mariage dans l'Iran moderne - la mesure a été depuis lors abrogée -!). Le mariage d'Aïcha est relaté dans l'un des textes officiels de la tradition islamique, le hâdith 67 39.

De La Mecque à Jérusalem et Médine

Dans l'une de ses nouvelles visions, Mahomet se voit transporté pendant son sommeil à Jérusalem puis de là, un cheval ailé du nom de Borak l'aurait hissé jusqu'au ciel avant de le ramener dans son lit. Le récit de ce voyage nocturne fait que Jérusalem est devenue la troisième ville sainte de l'islam, après La Mecque et Médine...

Le rocher d'où se serait envolé le Prophète, aujourd'hui révéré par les musulmans, est le même que celui sur lequel, d'après les juifs, Abraham aurait manqué de sacrifier son fils Isaac ! C'est autour de ce rocher, sur le mont Moriah, que les juifs ont édifié leur Temple, lequel a été détruit une première fois par Nabuchodonosor puis une seconde fois par Vespasien. Après leur conquête de Jérusalem, les musulmans ont édifié un monument somptueux, le « Dôme du Rocher », sur l'esplanade de ce Temple.

Arrivée de Mahomet à La Mecque, Ishâq al-Nishâpûrî, 1581, Iran, Qazwin.Malgré tout, Mahomet ne se satisfait pas de rester à La Mecque, où il ne peut guère accroître le nombre de ses disciples et doit endurer une opposition persistante de la part des commerçants koraishites.  Après avoir envisagé de quitter La Mecque pour l'oasis de Taïf, à une centaine de kilomètres au sud, Mahomet est approché par des disciples originaires de Yathrib, une autre ville-oasis située à 400 kilomètres au nord de La Mecque, et c'est ainsi qu'il va donner corps à sa doctrine...

Le 23 juin 622, à Aqaba, sur les bords de la mer Rouge, les représentants de Yathrib signent avec le Prophète un pacte d'alliance et acceptent d'accueillir ses disciples mecquois, au total 70 personnes. Peu après, le Prophète lui-même se résout à faire le voyage vers Médine en compagnie de son ami Abou Bakr. Leur départ de La Mecque se déroule sous le sceau du secret. Il a lieu le 16 juillet 622 selon la tradition fixée bien plus tard par le calife Omar. Il est désigné en arabe par le mot hijra (en français, Hégire) qui signifie émigration.

Suite à l'installation en son sein du Prophète, Yathrib prend le nom de Medinat an-Nabi (« la ville du Prophète ») - Médine en français -. Mahomet aménage sans attendre en son centre un lieu de prière ou mosquée (en arabe masjid). Il prend soin de rapprocher ses disciples mecquois et médinites dans une même fraternité et leur enseigne les rites de la prière commune.

Depuis une décision du calife Omar, l'année de l'Hégire marque le début officiel de l'islam, la nouvelle religion dont le Prophète a jeté les bases. Son nom et celui de ses fidèles viennent d'une expression arabe qui signifie : « soumission à Dieu ».

Le Prophète en armes et le jihad

L'arrivée à Médine de Mahomet et de ses fidèles (environ 200 familles) ne tarde pas à épuiser les ressources de la petite oasis... cependant que, non loin de là, passent les caravanes des riches commerçants mecquois.

En janvier 624, en un lieu appelé Nakhlah, douze disciples de Mahomet attaquent une caravane de La Mecque. Ils tuent un homme d'une flèche et font deux prisonniers. Ils ramènent aussi un butin consistant dont ils remettent un cinquième au Prophète. L'affaire fait grand bruit car elle s'est produite pendant le mois de rajab. Il s'agit d'une période sacrée qui exclut le meurtre, selon le paganisme arabe.

Mahomet désapprouve dans un premier temps ses disciples. Ceux-ci sont consternés mais une révélation divine vient à point les réconforter (Coran, sourate 2, verset 217). Cette sourate précise qu'il est certes répréhensible de combattre pendant les périodes sacrées mais qu'il l'est encore plus de se tenir en-dehors du chemin d'Allah, comme les polythéistes de La Mecque.

En d'autres termes, la guerre sainte en vue d'étendre le domaine de l'islam peut excuser le meurtre dans les périodes sacrées. Cette forme de guerre est l'aspect le plus brutal du jihad. Le jihad recouvre un ensemble de prescriptions qui vont de l'approfondissement spirituel à la guerre sainte contre les infidèles en vue de propager l'islam dans le dar al-harb, ou domaine de la guerre.

Le dar al-harb désigne le monde  hostile où il est licite de mener la guerre sainte, par opposition au dar al-islam, ou domaine de l'islam, et au dar-el-dawa, terre de prédication vouée à rejoindre le domaine de l'islam.

Le Prophète s'impose face aux dissidents

À Médine même, Mahomet impose sans ménagement son autorité. Selon les récits de la tradition, Asma, une poétesse ayant attaqué le Prophète dans ses vers, est poignardée dans son sommeil par Omeir, un musulman aveugle. Dès le lendemain celui-ci obtient un non-lieu de Mahomet. Le même sort attend Afak, un juif centenaire. Kab ibn al-Ashraf, un troisième poète, met en rage les musulmans en adressant des vers d'amour à leurs femmes. Mahomet réclame des sanctions et, le soir même, la tête de l'impudent roule à ses pieds (note).

Pour pacifier les relations entre les deux clans de l'oasis, l'un autour de la tribu Khazraj, l'autre autour de la tribu Aws, le Prophète édicte une « constitution », la Sahifa. Elle autorise la liberté de culte, y compris des juifs, chrétiens et autres sabéens. Mais la présence de plus en plus envahissante des musulmans irrite les tribus juives. Il va s'ensuivre entre les deux communautés un conflit violent que rien ne laissait suspecter...

En effet, sensible à la théologie juive, le Prophète s'en était inspiré au commencement dans ses recommandations sur le jeûne et les interdits alimentaires relatifs au porc. Il a adopté le calendrier lunaire des juifs, avec des mois réglés sur les cycles de la Lune. Il avait fixé le jeûne pendant le mois de ramadan, qui coïncide avec le début de la révélation coranique mais aussi avec la fête juive de l'expiation. Et il prescrit à ses fidèles de se tourner vers Jérusalem pour la prière.

Malgré cela, seule la tribu des Aws s'est ralliée à Mahomet (il est d'ailleurs possible qu'ils aient été arabes et non juifs). Les trois autres communautés juives de Médine persistent dans leur refus de se convertir à la nouvelle foi. Ces juifs reprochent en particulier à Mahomet de détourner (note) le sens des textes bibliques et osent même se moquer de lui.

En février 624, une révélation divine enjoint à Mahomet et à ses disciples de modifier la prière rituelle : elle se fera désormais en se tournant non plus vers Jérusalem mais vers la pierre noire de la Kaaba, le sanctuaire des idolâtres de La Mecque.

La bataille du puits de Badr

Au printemps 624, à l'approche d'une caravane particulièrement riche en provenance de Syrie, Mahomet décide de l'attaquer. Mais ses plans sont déjoués par un espion.

Mahomet à la bataille de Badr (enluminure du Siyar-I Nabi, vers 1595, musée de Topkapi, Istanbul)Les Mecquois du clan des riches Koraishites dépêchent une armée au secours de leur caravane. C'est la bataille du puits de Badr, qui voit la victoire des musulmans malgré leur infériorité numérique. À son retour triomphal de la bataille de Badr, Mahomet ordonne l'exécution de deux prisonniers mecquois qui s'étaient montrés particulièrement virulents à l'égard du Prophète et de ses disciples.

Mahomet remarque par ailleurs que les juifs de Médine se sont tenus à l'écart de la bataille. Son dépit à leur égard n'en devient que plus grand. C'est ainsi que de nouvelles révélations divines l'amènent à remodeler le calendrier.

Elles précisent en particulier que le jeûne musulman se pratiquera pendant le mois de ramadan, celui durant lequel se déroula la bataille de Badr. Les interdits alimentaires exprimés dans les révélations faites au Prophète restent quand à eux assez semblables à ceux des juifs.

Le fossé se creuse entre les juifs de Médine et la communauté des croyants. Trahisons, violences et médisances alimentent la zizanie, malgré le code de bonne conduite établi lors de l'arrivée de Mahomet.

Peu après la bataille de Badr, un incident met le feu aux poudres. Une ou plusieurs musulmanes sont molestées au marché par des juifs de la tribu des Banu-Kainuka. Échauffourée, meurtres de part et d'autre. Le chef de la tribu mise en cause refuse de payer l'amende réglementaire aux parents des victimes musulmanes. La tribu est assiégée par le Prophète et ses disciples et, au bout de deux semaines, contrainte de leur livrer ses immenses biens et d'émigrer.

De la bataille du mont Ohod à la bataille du Fossé

Le 21 mars 625, dans le désert arabe, Mahomet et sa petite armée de fidèles sont attaqués par plusieurs milliers d'hommes (de 3 000 à 10 000) venus de La Mecque (note). La bataille se déroule autour du mont Ohod, à cinq kilomètres au nord de l'oasis de Médine où s'abrite la première communauté musulmane.

Les Mecquois sont commandés par Abu Sufyan (Abou Soufyân ibn Harb). Celui-ci dirigeait la caravane qui avait été attaquée quelques mois plus tôt par les musulmans au puits de Badr et il avait juré aux Koraishites de La Mecque de venger cet affront. Au mont Ohod, sa cavalerie met à mal les musulmans et le Prophète est lui-même blessé dans les combats.

Croyant Mahomet mort, Abu Sufyan se retire sans tenter de prendre d'assaut l'oasis de Médine. Il rentre triomphalement à La Mecque. Mahomet, de son côté, profite du répit pour affermir son autorité sur Médine. Selon l'islamologue Maxime Rodinson, le jour de la bataille du mont Ohod marque la naissance du premier État musulman du monde.

À l'occasion de cette bataille, la deuxième tribu juive de Médine, celle des Banu-Nadhir, s'est vue reprocher d'avoir soutenu les habitants de La Mecque. Elle est chassée vers le nord après un long siège et une violente bataille contre les musulmans.

Mahomet à la bataille d'Ohod (miniature persane)

Élimination des derniers juifs de Médine

Tandis que les musulmans poursuivent la guerre contre les Koraishites de La Mecque, Mahomet s'irrite de plus en plus du manque de soutien des juifs de Médine à son égard. La crise arrive à son terme après la  « bataille du fossé ».

Celle-ci survient en mai 627 quand une armée de Mecquois d'environ 10 000 hommes et 600 chevaux, toujours commandée par Abu Sufyan, marche sur Médine. Un esclave persan, Salman le Persi, conseille à Mahomet de ceinturer l'oasis d'un fossé défensif. Inaccoutumé en Arabie, ce stratagème oblige les ennemis à renoncer après vingt jours de siège infructueux. C'est une nouvelle victoire pour les musulmans. Les Koraishites de La Mecque comprennent qu'il ne leur reste plus qu'à se soumettre. Ce sera chose faite par le traité d'Hodaïbiya, en 629.

Entretemps, Mahomet a choisi d'en finir avec les juifs de la troisième et dernière tribu de Médine, les Banu-Kuraiza, qu'il accuse (ce qui est vrai) d'avoir soutenu les assaillants. Au terme d'un siège de 25 jours, les juifs sont contraints de se rendre. Mahomet confie à l'un de ses compagnons, un membre de la tribu des Aws, le soin de les juger. Ce dernier recommande de mettre à mort les hommes selon l'ancienne loi hébraïque ! Dont acte. Les musulmans décapitent 600 à 700 hommes et les ensevelissent dans une grande fosse de la place du marché de Médine. Ils se partagent les biens de la tribu, ainsi que les femmes et les enfants.

Triomphe et mort de Mahomet

Mahomet établit en définitive son autorité sur les tribus de la partie occidentale de la péninsule arabe.

Selon certains historiens, il n'est pas certain qu'il ait alors conscience d'installer une foi nouvelle. Simplement, agissant en conquérant et en chef de guerre, dans la tradition arabe, il constitue autour de lui une communauté de fidèles ou de ralliés (véritable traduction du mot mu'min, dont on fera en français « musulman »). Ses préceptes religieux contribuent à la cohésion du groupe.

Le 11 janvier 630, il entre à la Mecque à la tête d'une armée de 10 000 hommes et sans effusion de sang. Il se rend à la Kaaba, le sanctuaire de tous les Arabes, frappe les idoles aux yeux (!) et ordonne de les détruire avant de s'en retourner à Médine.

Tombeau du prophète Mahomet à Médine, céramique du XVIe siècle, musée islamique du Caire.Et le 10 mars 632, peu avant de mourir, le Prophète accomplit un pèlerinage de trois jours à la Kaaba, débarrassée de ses idoles. Monté sur sa chamelle, il effectue les sept circuits rituels, en touchant la Kaaba de son bâton. Puis il recommande à l'ensemble de ses fidèles d'accomplir au moins une fois dans leur vie semblable pélerinage.

Mahomet s'éteint à Médine le 8 juin 632 (le 13 du mois de Rabi' premier, selon le calendrier arabe).

Celui qui va apparaître plus tard comme le Prophète de l'islam décède suite à une fièvre douloureuse et une longue maladie, peut-être consécutive à un empoisonnement. Il a environ 63 ans. Sa tombe est creusée sur le lieu même de son décès.

Bien qu'il ait eu neuf femmes légitimes, il ne laisse aucun fils survivant susceptible de lui succéder à la tête des croyants.

La mort de Mahomet (miniature turque, Istanbul, 1595)

Le monde musulman après Mahomet

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Le monde musulman après Mahomet (droits réservés : Alain Houot)
Mahomet soumet à son autorité la péninsule arabe en une dizaine d'années.
Après sa mort, en 632, ses successeurs ou remplaçants (califes en arabe) entraînent leurs troupes à la conquête du Moyen-Orient et de la rive sud de la mer Méditerranée...

Le premier calife

Abou Bekr (ou Abou-Bakr) remplace le messager d'Allah  au terme d'une brève lutte de succession. Il prend le nom de khalîfa (calife en français), d'un mot arabe qui veut dire « lieutenant » ou « remplaçant ». Ce premier calife a 59 ans. Il figure parmi les plus anciens compagnons de Mahomet. Il est aussi le père d'Aïcha, l'épouse préférée du Prophète.

Abou Bekr n'appartient à aucune des grandes familles de La Mecque, ce qui lui vaut d'être accepté par toutes. Seul, Ali, le gendre du prophète, déplore son élection...  Ses ressentiments causeront plus tard la scission entre les musulmans orthodoxes de confession sunnite et ceux de confession chiite.

Avec l'aide de l'énergique chef de guerre Khalid ibn al-Walid, Abou Bekr maintient l'unité de la communauté musulmane, menacée par les rivalités de clans et de tribus. Il mène aussi des combats difficiles contre les tribus d'Arabie centrale. La tradition qualifiera ces combats de « guerres d'apostasie » (157) en suggérant que les tribus concernées seraient revenues aux cultes polythéistes. Dans les faits, il semble qu'elles n'aient jamais précédemment fait acte de soumission à Mahomet.

Le calife les vainc rapidement et dès 633, un an après la mort de Mahomet, il peut se flatter d'avoir déjà conquis et soumis la totalité de la péninsule arabe. Prolongeant la tradition guerrière de leurs ancêtres, le musulmans tournent leurs ambitions vers les empires perse et byzantin limitrophes.

Sources historiques et bibliographie

La vie de Mahomet et les premiers temps de l'islam sont bien connus des historiens. Le récit qui en est fait dans les articles ci-après est strictement conforme aux connaissances généralement admises. Les dates des principaux événements correspondent à ce qu'admettent la plupart des historiens même si elles comportent une grande part d'incertitude.
Sur le Prophète de l'islam, sa vie, ses actions, ses combats... et sa vie conjugale, les historiens disposent du témoignage de ses nombreux disciples. Les connaissances historiques sont donc bien établies et il n'y a guère de divergence entre les ouvrages sérieux et les grandes encyclopédies.

Il existe en français une célèbre biographie par l'islamologue Maxime Rodinson, Mahomet (Seuil). On peut aussi trouver des synthèses intéressantes dans l'Encyclopedia Universalis ainsi que dans l'Histoire de la civilisation, par Will Durant (éditions Rencontre). Des lecteurs arabisants préfèrent pour leur part les ouvrages de Martin Lings et Roger Caratini.
Sur les malentendus entre l'Occident et l'islam, on peut lire un petit livre de Paul Balta aux éditions Le Cavalier Bleu : L'islam, idées reçues (2001).

 


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Religions
Publié ou mis à jour le : 2023-08-25 18:22:02

Voir les 6 commentaires sur cet article

Jean-Marie (30-08-2023 12:31:15)

Hérodote est censé nous parler d'Histoire. Arrêtez de nous embêter avec cette légende; d'ailleurs peu recommandable en temps que "religion " Pouvoir, guerre, violence, tueries, punition....C'e... Lire la suite

martial (29-01-2015 10:41:46)

Bonjour Dans le coran: pas une seule fois le mot AMOUR... Dans le coran: dès la deuxième sourate, verse 7 et à suivre, on parle de châtiments pour les autres (les non musulman)............. Lire la suite

Anonyme (20-01-2015 15:19:13)

quelle version du ''coran'' utilisez vous ? JE ME REFERE AVEC LE CORAN DE MALEK CHEBEL FAYARD 2009 .......JE SUIS PERDU avec vos renvois que je retrouve rarement Herodote.net répond :Ainsi que nous... Lire la suite

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