La « bohème » évoque des plumitifs et artistes en herbe tentant de survivre dans un vieux grenier gelé. Adeptes d'une vie déréglée de frivolité et de misère, ces jeunes gens ont contribué à la gloire de Paris à travers le monde au début du XXe siècle.
Partons sur leurs pas afin de comprendre comment une vie de claque-faim peut encore faire rêver aujourd'hui, jusqu'à prêter son nom aux aux « bo-bo » ou bourgeois-bohème, qui jouissent de revenus confortables et dédaignent les conventions !
De la Bohême à la bohème
Rimbaud aurait baptisé par inadvertance le dernier poème de ses Cahiers de Douai : « Ma Bohême ». Faute d'inattention d'un adolescent ? La confusion est pardonnable puisque les deux mots, la Bohême historique et la bohème littéraire, renvoient à une même réalité.
Ne pensait-on pas que ceux qu'on appelle aujourd'hui Roms étaient originaires de Bohême, en Europe centrale ?
Symbole de l'errance et de la vie sans attache, le « bohêmien » est devenu au XVIe siècle « le bohémien », celui qui vit en marge de la société. Rejeter les règles, adopter l'improvisation comme façon d'être ou encore afficher sa fantaisie, y compris vestimentaire...
Ces comportements hors normes ont toujours eu du succès parmi deux types de populations désireuses de se faire remarquer : les étudiants et les artistes. Il s'agit de marquer sa différence, quitte à être mal vu et rejeté par le reste de la population. La liberté avant tout.
Du côté de la Sorbonne
Paradoxalement, la bohème qui est née sous le signe du nomadisme est facile à localiser sous l'Ancien Régime.
Il suffit de se rendre aux abords de la Sorbonne pour croiser ces éternels révoltés qui ont trouvé dans ces quartiers de quoi se loger à peu de frais, chez les petits commerçants dont ils adorent se moquer.
N'hésitant pas à frayer avec le menu-fretin, les héritiers de François Villon font le spectacle dans le quartier jusqu'à ce que Louis XIV fasse place nette, à coups de descentes de police... et de mécénat.
Autant profiter des subventions ! Mais l'embellie est de courte durée et les écrivaillons sans-le-sou doivent se remettre en quête de quelques leçons à donner ou poésies à rédiger sur commande. Pour occuper leur temps libre et leurs causeries entre habitués des cafés, ils multiplient les calomnies et pamphlets envers les dirigeants.
C'est ainsi qu'à grand renfort de médisance, les « canailles de la littérature » (Voltaire) du XVIIIe siècle apportèrent une pierre non négligeable à l'édifice de la Révolution. Comme le souligne Henry Murger, « La bohème fait l'amour, la guerre et même de la diplomatie » !
« Ouvriers de la plume » (Sainte-Beuve)
Le début du XIXe siècle, avec ses secousses, ses héros napoléoniens et ses lendemains qui déchantent, a créé toute une génération de rêveurs à la fois prêts à en découdre et à l'étroit dans une société qui ne veut pas d'eux.
Les cheveux dans le vent, une nouvelle famille d'aventuriers du savoir s'impose avant 1830 au cœur de Paris (...).
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Lorraine (02-04-2015 05:15:11)
Pouvoir se plonger dans cette vie de Bohème,,,,ah la Bohème chère à MR Aznavour. Merci a Herodote de nous accorder cette évasion ,,,,en ces temps si pauvre en émotions, autre que catastrophiques,
sylvainlelarge (08-11-2013 21:42:56)
Un grand plaisir à lire. Vraiment, chapeau! Mais comment faites-vous pour trouver ces belles illustrations? Y a-t-il une banque de données pour trouver ces oeuvres d'art et ces documents historiques?