Le franc CFA (ou éco) demeure le principal reliquat de la colonisation française, six décennies après la fin de celle-ci. Cette monnaie commune aux anciennes colonies françaises d'Afrique noire a un cours aligné sur la monnaie de l'ancienne puissance coloniale, hier le franc, aujourd'hui l'euro.
C'est un héritage empoisonné auquel sont attachées les nomenklaturas africaines car son cours forcé leur permet d'importer à bon prix les produits de luxe indispensables à leur bien-être ainsi que d'expatrier en toute sûreté leurs fonds personnels.
C'est aussi une calamité pour les producteurs africains car cette monnaie est surévaluée par rapport à la réalité économique de leur pays et ne les permet pas d'être concurrentiel par rapport aux produits d'importation, encore moins sur les marchés étrangers.
Un héritage de la colonisation
CFA a d'abord signifié Colonies Françaises d'Afrique avant d'être converti en Communauté Financière Africaine après les indépendances africaines.
Le franc CFA a été créée par la France en 1948 pour ses colonies d'Afrique noire, avec un franc CFA pour l'Afrique occidentale française (AOF) et un autre pour l'Afrique équatoriale française (AEF).
Ces deux variantes de la même monnaie avaient à l'époque coloniale une parité fixe par rapport au franc français : 50 francs CFA = 1 franc français.
La Banque de France a maintenu ce cours après l'indépendance quoi qu'il lui en coûta, en couvrant par un don les déficits commerciaux des États africains concernés au lieu qu'ils soient résorbés par un réajustement monétaire (dévaluation).
Quinze États font usage à ce jour du franc CFA :
• Zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), ex-AOF : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo, auxquels s'ajoute la Guinée-Bissau,
• Zone CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), ex-AEF : le Cameroun, la Centrafrique, le Tchad, le Congo-Brazzaville, le Gabon, auxquels s'ajoute la Guinée équatoriale.
Le franc CFA a très vite été perçu comme une forme de néocolonialisme. En assurant aux fonctionnaires et dirigeants africains un revenu stable et en facilitant les détournements de fonds et les transferts vers les coffres suisses ou luxembourgeois, il permettait en effet à Paris de maintenir ses anciennes colonies dans une relation de dépendance.
Mais il pénalisait aussi gravement les producteurs locaux, tant les agriculteurs que les artisans, qui ne pouvaient soutenir la concurrence des entreprises européennes et les importations alimentaires lourdement subventionnées par l'Union européenne.
À raison, le Premier ministre Édouard Balladur a donc pris le parti de suspendre le 2 août 1993 de suspendre le change de billets de francs CFA. Puis, par la dévaluation du 11 janvier 1994, il a divisé par deux la valeur du franc CFA (100 francs CFA = 1 franc français).
Il en a résulté une baisse immédiate du pouvoir d'achat des citadins africains, habitués à consommer des produits d'importation, mais aussi une très forte relance des productions locales (comme le cacao et le café de Côte d'Ivoire)... Malheureusement, les dysfonctionnements des régimes africains (corruption, conflits, trafics avec la France et les dirigeants français) n'ont pas tardé à gommer les effets bénéfiques de la dévaluation.
Vraie-fausse disparition du franc CFA
Élu en 2017, le président français Emmanuel Macron a repris en main ce dossier épineux en promettant d'en finir avec la Françafrique, mot-valise utilise pour qualifier les rapports de la France avec ses ex-colonies africaines. Il a ainsi promis que la France n'exercerait plus un droit de veto sur la gestion du franc CFA et que celui-ci changerait de nom. Il n'a toutefois pas remis en question l'essentiel, à savoir la parité forcée de la monnaie africaine sur l'euro !...
Le 20 mai 2022, par un coup d'audace dont il a le secret (!), le président français a rebaptisé le franc CFA du nom d'éco, du moins dans la zone UEMOA (Afrique de l’Ouest). La zone CEMAC (Afrique centrale) continue de l’utiliser sous son nom originel.
Par ailleurs, le ministre français des Finances et le gouverneur de la Banque de France se sont retirés du conseil de direction de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et cette dernière, en charge de la nouvelle monnaie, ne s'est plus vue obligée de déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor français, ce qui était perçu comme humiliant.
Très bien, mais ainsi que le rappelle le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, « le rôle de la France évolue pour devenir celui d’un strict garant financier de la zone ». En clair, l’essentiel est resté, à savoir que le taux de change de l’éco et du franc CFA demeure aligné sur l’euro européen.
C’est le Trésor français qui soutient le cours de la monnaie et lui évite une dévaluation lorsque la balance commerciale des pays africains vient à trop se creuser. Comme cette balance commerciale est déficitaire depuis plusieurs décennies, le cours de la monnaie africaine, aligné sur celui de l'euro, est donc notablement surévalué malgré la dévaluation de 50% imposée par le Premier ministre Édouard Balladur en 1994.
Du fait de cette surévaluation de la monnaie, les producteurs locaux ne peuvent en conséquence soutenir la concurrence internationale. C’est ainsi que les petits paysans doivent renoncer à vendre aux citadins leur farine, leurs poulets ou leur lait, trop peu concurrentiels face aux produits d’importation, ceux-ci étant qui plus est souvent subventionnés par l’Union européenne quand ils ne sont pas offerts par des ONG. Mais l'alignement du franc CFA et de l'éco sur l'euro ne fait pas que des malheureux. Il profite ô combien ! aux oligarchies africaines qui ne craignent pas de voir le fruit de leurs pillages fondre comme neige au soleil...











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erbe (04-01-2024 16:18:52)
franc CFA arrimé à l'Euro.
Quant est-il maintenant pour les états qui nous ont mis à la porte en remercîment des services rendus, nous préférant la Russie? Vont-ils arrimer leur monnaie au rouble?
toujours lecteur appréciant vos analyses