Le 16 novembre 1991 débute la première Coupe du Monde féminine, en République Populaire de Chine. Ce tournoi de faible ampleur ne souffre pas la comparaison avec la Coupe du monde masculine, inaugurée en 1930 par Jules Rimet.
Mais grâce à lui, le football féminin sort d'un long purgatoire qui remonte à la fin de la Première Guerre mondiale. Auparavant, les femmes avaient pu s'adonner au football avec presque autant de ferveur que les hommes, du moins dans sa patrie de naissance, en Grande-Bretagne, où le sport était devenu pour beaucoup de femmes un outil d'émancipation.
Le football comme outil d'émancipation
Dès la naissance officielle du football, avec la fondation de la Football Association en Angleterre, en 1863, les femmes se montrent attirées par ce nouveau sport d'équipe. Le premier tournoi féminin se déroule le 9 mai 1881 à Edimbourg à l'initiative d'une militante féministe écossaise, Helen Matthews. Il oppose les équipes d'Écosse et d’Angleterre. Le Glasgow Herald en donne un compte-rendu plein de condescendance : « D’un point de vue de footballeur, le match était un fiasco, même si certaines [joueuses] avaient l’air de comprendre le jeu ».
Quelques jours plus tard, une nouvelle rencontre a lieu à Glasgow même mais elle est interrompue après l'invasion du terrain par des hommes en furie. Les joueuses doivent se réfugier dans un omnibus sur lequel les assaillants jettent les poteaux de buts ! Ayant tenté de rejouer le match le 20 juin 1881 à Manchester, les joueuses se voient une nouvelle fois agressées et Helen Matthews jette l'éponge.
Cette violence dépasse le cadre du football et du sport. Elle participe des revendications montantes en faveur du droit de vote féminin. Chez les « suffragettes » comme chez leurs opposants, on fait feu de tout bois pour rabaisser l'adversaire. En décembre 1884, le British Medical Journal s'inquiète de la pratique du football par les femmes et y voit un risque « pour les organes reproducteurs et la poitrine en raison des secousses brutales, des torsions et des coups inhérents au jeu » (note).
Les footballeuses ne manquent pas quant à elles de relier leur engagement sportif à leur engagement politique. Nettie Honeyball (de son vrai nom Mary Hutson), qui a créé en 1894 le premier club de football féminin de l’histoire, le British Ladies’ Football Club, déclare : « J’ai fondé l’association avec la ferme résolution de prouver au monde que les femmes ne sont pas les créatures "ornementales" et "inutiles" que les hommes imaginent. […] J’attends avec impatience le temps où les femmes seront présentes au Parlement pour faire entendre leur voix dans les affaires qui les concernent ». Son souhait ne trouvera un début de réalisation qu'en 1919 avec l'élection aux Communes de Nancy Astor.
Mais le football féminin n'aura pas attendu aussi longtemps pour conquérir les cœurs. Le 23 mars 1895, un match réunit ainsi dix mille spectateurs. Pendant la Première Guerre mondiale, contre toute attente, le football féminin est aussi encouragé pour soutenir le moral des « munitionnettes », ces ouvrières qui travaillent dans des conditions très dures dans les usines d'armement. À la fin de la guerre, en Angleterre, 750 000 d'entre elles ont une licence de foot !
L'équipe la plus populaire est celle des Dick, Kerr’s Ladies, à Preston, au nord de Manchester. Ses matches attirent en moyenne 13 000 spectateurs. Le record d'affluence est atteint le 26 décembre 1920 à Liverpool, face aux St. Helen’s Ladies, avec 53 000 dans le stade de Goodison Park.
Les Françaises s'y mettent à leur tour. La nageuse Alice Milliat fonde une fédération féminine sportive de France en 1919 et l'étend à l'international en 1921. Elle aussi a le souci de promouvoir par le sport la condition des femmes. Dans le magazine L’Auto, elle dénonce « le vieil esprit de domination [des hommes], du désir de tenir toujours les femmes en tutelle, de la crainte de les voir devenir autre chose que des objets utiles ou agréables à l’homme ». En 1920, elle envoie en Angleterre une équipe féminine de football pour affronter les Dick Kerr's Ladies devant 25 000 spectateurs.
Las, le vent tourne. Dès 1921, la fédération anglaise de football interdit aux clubs de prêter leur terrain aux équipes féminines. « Le football n’est pas adapté aux femmes et ne devrait jamais être encouragé », assurent ses responsables (note). D'un pays à l'autre, le football féminin reflue et sa pratique est même interdite. Il faudra attendre un demi-siècle avant qu'il effectue une timide renaissance.
Des débuts « clandestins »
En 1970, un tournoi international non-officiel, la Coppa del Mondo, est organisé en Italie par une Fédération internationale indépendante de football féminin. Il réunit alors huit nations et rencontre un certain succès. En finale à Turin, les Danoises s’imposent 2-0 contre les Italiennes devant 40 000 spectateurs.
L’engouement du public pour cette « fausse » Coupe du Monde se renouvelle l’année suivante au Mexique, où le Danemark remporte à nouveau le tournoi (3-0 face aux Mexicaines), dans le stade Azteca de Mexico, devant 110 000 spectateurs cette fois. Un record encore jamais égalé dans le football féminin !
Devant ce succès indéniable, la Fédération internationale de football association (FIFA) fait tout pour empêcher l’organisation d’une troisième édition, ne souhaitant pas voir évoluer le football féminin hors de son champ d’action. Pour autant, la fédération ne se hâte pas de mettre en place sous son égide une compétition féminine à grande échelle.
C'est seulement quinze ans plus tard, à l’occasion du Mondial masculin de 1986 au Mexique, que la FIFA décide que le football féminin doit aussi avoir le sien. La date et le lieu sont arrêtés. Ce sera en Chine en 1991.
1991 : un Mondial de femmes... fait par des hommes
Pour cette première édition officielle, du 16 au 30 novembre 1991, les instances de la FIFA s'en tiennent à une organisation au rabais. Elles dédaignent d’appeler l’événement « Coupe du Monde féminine de la FIFA », à l’image de celle de des hommes, et préfèrent l'intituler « Championnat du Monde FIFA de football féminin pour la Coupe M&Ms ». C’est l’une des premières apparition du « naming » en compétition officielle, pratique qui consiste à mettre en avant le nom d’une marque. Ici, la FIFA veut satisfaire le groupe Mars, propriétaire des confiseries M&M’s et seul mécène du tournoi.
Au début des années 1990, le football féminin est encore peu développé et très inégal à l’échelle mondiale, et largement secondaire dans l’esprit de la FIFA. Aussi, pour cette première Coupe du Monde, seules douze sélections sont conviées, quand le Mondial masculin, un an plus tôt, en accueillit vingt-quatre.
Considérant que les femmes ont des aptitudes bien inférieures à celles des hommes, la FIFA tente sans succès de leur imposer un ballon taille 4 (comme ceux des enfants) alors qu’elles jouent habituellement avec une taille 5. Soucieux de leur santé, les dirigeants veulent également réduire le temps de jeu de 90 à 80 minutes par match ! Une mesure destinée à peut-être compenser la cadence infernale des matches qui leur est imposée dans ce tournoi. Les gagnantes étasuniennes ont ainsi dû enchaîner six matches en treize jours ! Impensable chez les hommes, qui bénéficiaient logiquement d’un temps de repos de trois à cinq jours en moyenne entre chaque match, dans une compétition étalée sur un mois.
Mais cette première compétition aura au moins eu le mérite d’être… une première. 28 ans plus tard, la Coupe du Monde féminine de la FIFA accueille 24 sélections du 7 juin au 7 juillet 2019 en France. Des matches de 90 minutes, comme la parité l'exige, retransmis dans 200 pays. Ils se jouent dans le stade du Parc des Princes, à Paris (50 000 places) et dans plusieurs stades de province. Le prestigieux Stade de France (Saint-Denis, 80 000 places) reste inaccessible au football féminin. Malgré d'évidents progrès, celui-ci n'atteint pas encore la popularité du football masculin.
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anne (09-06-2019 18:37:43)
Bonjour,
A quand la fin du matraquage du football?
Du sport, oui, mais foot et cyclisme.....! sur une chaîne, s.v.p. ce serait vraiment bien suffisant. Quel ramdam pour des sports truqués (et connus) par tous et acceptés tels.
Bien à vous, Anne.