Le 22 mars 1895, les frères Louis et Auguste Lumière donnent une première séance de cinéma devant la Société d'encouragement à l'industrie nationale, à Paris, 44, rue de Rennes.
Les deux inventeurs au nom prédestiné présentent aux éminents scientifiques un petit film d'une minute : La sortie des ouvrières de l'usine Lumière. Il a été tourné trois jours plus tôt avec un appareil breveté le mois précédent.
Des inventeurs sceptiques
Le succès des frères Lumière est une histoire de famille.
Leur père Antoine, peintre et photographe franc-comtois, s'établit à Lyon en 1870 pour fuir l'arrivée des Prussiens. En 1881, son fils Louis (17 ans) invente une plaque photographique instantanée prête à l'emploi. Elle va faire la fortune de la famille...
Antoine et ses fils Louis et Auguste ouvrent à Montplaisir, dans une banlieue rurale à l'Est de Lyon, une usine de 6000 m2 destinée à la fabrication de ces plaques sur verre. Elle réalise bientôt un chiffre d'affaires annuel de trois millions de francs avec 260 ouvriers. Louis récidive en 1903 en mettant au point la plaque Autochrome, procédé de photographie en couleurs.
En septembre 1894, Antoine assiste à Paris, à une démonstration du kinétoscope de Thomas Edison, un appareil de vision individuel : on regarde le film dans une boîte à travers des lunettes.
Enthousiasmé, il invite ses fils à travailler à leur tour sur les images animées, mais avec l'objectif de « faire sortir l'image de la boîte ». Mieux qu'Edison, ils vont saisir ce qu'attend le public : se retrouver ensemble dans une salle pour partager le rire, les larmes et notre regard sur le monde !
Auguste entame des essais avec le chef mécanicien Charles Moisson. Louis reprend leurs travaux et fait une projection sur écran.
Il dépose dès le 13 février 1895 le brevet du Cinématographe (en abrégé, cinéma, du grec kinéma, mouvement) : « appareil servant à l'obtention et à la vision des épreuves chronophotographiques ».
L'invention restitue l'impression de mouvement à partir d'un film perforé que fait défiler un opérateur à la vitesse de dix-huit images par seconde (aujourd'hui, les films se déroulent à 24 images/seconde ; cette différence explique le caractère saccadé des films Lumière lorsqu'ils se déroulent sur des appareils de projection modernes).
Louis effectue le premier tournage le 19 mars 1895. C'est la fameuse sortie de l'usine ! Trois jours plus tard, le film est projeté à Paris. D'autres séances vont se succéder devant un public d'invités, photographes et scientifiques, à Lyon, Louvain, Grenoble... avant d'en venir à la première séance publique, à Paris.
Les frères Lumière voient dans le cinéma une curiosité scientifique, sans plus, et vont l'exploiter comme une attraction de foire. C'est ainsi que Louis Lumière réalise le premier film de comédie de l'Histoire : Arroseur et arrosé ou L'arroseur arrosé (49 secondes) qui met en scène son jardinier, M. Clerc, et un jeune apprenti, Duval.
« Un art est né sous nos yeux », écrira le critique Georges Sadoul en parlant de cette aventure (le septième !). Mais c'est à un magicien, Georges Méliès, que reviendra l'honneur d'en révéler les potentialités quelques mois plus tard.
À Lyon, dans le quartier de Montplaisir, le site de l'usine Lumière est aujourd'hui dédié au souvenir des illustres inventeurs.
Dans la rue du Premier-Film, on peut encore imaginer la sortie des ouvrières. L'ancienne usine est occupée par l'Institut Lumière et donne lieu à des projections.
De l'autre côté du parc, on peut visiter la villa d'Antoine Lumière, élégante demeure bourgeoise de style Art Nouveau construite en 1902. La villa des frères Louis et Auguste a quant à elle été démolie.
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