16 février 1857

Autodestruction mystique du peuple Xhosa

Prêtant foi aux prophéties millénaristes d’une jeune fille de quinze ans qui promettait la résurrection des morts le 16 février 1857 sous réserve « que tout le bétail soit abattu », les Xhosa d’Afrique du Sud entreprirent de détruire leurs récoltes et leurs troupeaux... de sorte que les colons anglais purent ensuite les soumettre sans avoir à les combattre !

Bernard Lugan

Troupeau de bovins dans la prairie (Pays Xhosa). Agrandissement : Thomas Baines, Xhosa quittant la colonie, 1848.

La vie à quitte ou double

Démoralisés par leurs défaites successives face aux Boers et aux Anglais, notamment celle de 1853, et par les pertes de territoire qui en découlèrent, les Xhosa avaient également vu leur mode social bouleversé par l’impossibilité pour les lignages de partir à la conquête de pâturages nouveaux puisque le front pionnier blanc bloquait le leur. Pour ce peuple qui, génération après génération avançait vers le sud en s’établissant sur des terres nouvelles, le traumatisme était profond. Il fut amplifié par la terrible sécheresse de l’été 1855-56 (déjà le climat…), et par une épidémie de pleuropneumonie bovine qui éclata en 1854, tuant au moins 100 000 têtes de bétail.

Dans ce sentiment de fin du monde, les prophéties se succédèrent. L’une annonçait la défaite des Anglais en Crimée devant des Russes présentés comme la réincarnation des guerriers xhosa morts au combat lors des précédentes guerres et qui étaient en marche vers le Xhosaland pour le libérer. Une autre annonçait que le chef qui avait conduit la guerre de 1850-1853 était ressuscité.

C’est dans ce contexte qu'au printemps 1856, une jeune fille nommée Nongqawuse et appartenant à la chefferie Mnzabele établie dans la région de la basse rivière Great Kei, sur la côte orientale de l'Afrique australe, eut une vision: la puissance xhosa serait restaurée par les dieux, les troupeaux seraient multipliés et les morts ressusciteraient si tout le bétail, toutes les récoltes et toutes les réserves alimentaires étaient détruites. Durant les 13 mois de la prophétie (avril 1856-mai 1857), les Xhosa tuèrent leur bétail, soit 400 000 têtes, et ils détruisirent leurs récoltes.

Le 16 février 1857, le jour fixé par Nongqawuse pour la résurrection des morts, le pays demeura silencieux et, quand la nuit tomba, les Xhosa comprirent qu’ils allaient désormais subir une terrible famine. Les morts se comptèrent par dizaines de milliers et les survivants vinrent implorer des secours à l’intérieur du territoire de la colonie du Cap.

Ceux qui avaient tué leur bétail et détruit leurs récoltes accusèrent ceux qui ne l’avaient pas fait d’avoir empêché la réalisation de la prophétie. En effet, quelques chefs xhosa moins naïfs que les autres, l’on dirait aujourd’hui qu’ils étaient des « prophéto-sceptiques », avaient refusé de suivre les hallucinations de Nongqawuse et ils avaient été contraints de s’exiler vers le Basutoland (Lesotho) pour échapper à la furie des croyants.

Le résultat de cette prophétie fut que les Britanniques n’eurent plus besoin de faire la guerre aux Xhosa puisque ces derniers s’étaient suicidés. Ils installèrent alors six mille colons dans l’arrière-pays du port d’East London et ils englobèrent la région dans la British Kaffraria avant de la rattacher à la colonie du Cap en 1866.

Publié ou mis à jour le : 2024-02-13 12:04:42

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