Clausewitz

L'autre visage

Clausewitz fait partie de ces auteurs dont la vie a fini par s’identifier à une œuvre, son célèbre De la Guerre. La figure idéalisée de l’auteur a fini par remplacer l’homme.

L’ouvrage de Bruno Colson, qui fait accéder le lecteur francophone aux éléments récents de l’épaisse littérature clausewitzienne, a, quant à lui, pour objectif de retrouver le personnage historique.

L’étude biographique est d’autant plus utile que la figure de Clausewitz a commencé à être idéalisée par son épouse Marie von Brühl, dès la publication du De la Guerre. Celle-ci a tout fait pour favoriser la carrière de son mari. Elle a dû en partager la déception de ne pouvoir jouer un rôle de premier plan. C’est ainsi que commence à naître la figure d’un Clausewitz génie méconnu. Trop indépendant, trop brillant, il n’aurait pas eu les honneurs qu’il méritait.

Bruno Colson montre au contraire que Clausewitz eut en fait une carrière tout à fait appréciable : colonel à trente-trois ans et général-major à trente-huit, son avancement fut particulièrement rapide, surtout pour quelqu’un d’origine si modeste. Même s’il n’arriva jamais au sommet du pouvoir, il ne faut pas oublier que Clausewitz est mort relativement jeune, à cinquante et un ans.

Rien ne dit qu’il n’aurait pas pu monter encore plus haut, malgré l’opposition du camp conservateur, plus d’ailleurs que celle du roi : contrairement à ce qui a parfois été écrit, Frédéric-Guillaume III sut apprécier les qualités de Clausewitz.

On trouve également un autre stéréotype caractéristique, développé en particulier par les historiens militaires allemands : Clausewitz, brillant intellectuel, aurait été un commandant médiocre, qui aurait compensé ses déceptions par l’écriture.

En effet, Clausewitz est trop jeune pour jouer un rôle décisif en 1806. Il est aussi trop éloigné des centres de pouvoir pour se faire vraiment remarquer lors de la campagne de Russie. Cependant, il a montré son courage sur le terrain en 1806, et la convention de Tauroggen de 1812 n’est pas un mince résultat.

La pièce principale au procès reste cependant la bataille de Wavre. Puisque Clausewitz abonne le champ de bataille, techniquement c’est une défaite. Les bellicistes auront beau jeu de critiquer cette attitude. Mais Clausewitz a réussi à tenir face à des troupes supérieures en nombre, et a contribué à empêcher l’arrivée de Grouchy à Waterloo.

Une fois la défaite de Napoléon acquise, Clausewitz a évité de prolonger une bataille inutile et a épargné le sang de ses soldats. Clausewitz, malgré ses propos théoriques sur la guerre totale, s’est montré dans les faits mesuré et soucieux de la vie de ses soldats.

Au total, si Bruno Colson choisit de survoler les théories de Clausewitz, il fait réapparaître un destin historique dans toute son épaisseur. Au croisement de l’idéalisme et du romantisme, Clausewitz est vraiment un théoricien nourri par son expérience, aux antipodes d’une vision cherchant à dégager les principes mathématiques de la victoire.

Et le récit biographique, comme souvent, amène à nuancer la vision idéalisée que l’on peut se faire d’un grand auteur : le génie de l’œuvre ne procède pas toujours une vie placée sous le signe de l’extraordinaire.

Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

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