23 novembre 2010

La Chine en quête de nouvelles racines

L'affirmation de la puissance chinoise emprunte aussi les chemins de l'Histoire. Si nul ne conteste que la civilisation chinoise soit l'une des plus anciennes de la planète, les dirigeants communistes aimeraient la faire débuter encore plus tôt.

Les témoignages archéologiques assurés permettent pour l'instant de faire remonter l'Histoire de la Chine jusqu'à 1750 ans avant JC, mais l'objectif des historiens et archéologues chinois est d'y ajouter 500 ans pour remonter encore plus haut.

« Objectif » car il s'agit bien d'une décision politique. En novembre 2000, des centaines de savants chinois ont affirmé que plusieurs années de recherches interdisciplinaires leur avaient permis de réécrire l'histoire chinoise et de prouver ainsi l'historicité du légendaire empereur Yu, qui aurait été le fondateur de la première dynastie Xia, vers 2200 avant notre ère.

Les journaux officiels en firent leurs gros titres jusqu'à ce qu'on découvre que la découverte était largement une commande du parti communiste et qu'elle ne reposait sur aucune trouvaille archéologique sérieuse. La communauté scientifique internationale n'accorda dès lors aucun crédit à ces prétentions.

Dix ans plus tard, une nouvelle tentative vient d'être faite avec le même objectif, lors d'une grande exposition qui s'est tenue jusqu'au mois d'octobre au musée d'archéologie de Pékin. Tout repose sur l'interprétation que l'on donne de trouvailles faites à Taosi, dans le Shanxi (nord-est de la Chine).

Ce site urbain, dont les fouilles ont débuté dans les années 1950, a livré dans les années 1970 de nombreux objets, dont un bol de céramique comprenant une représentation de dragon, et un vase avec des idéogrammes sur lesquels on croit déchiffrer «Yao», qui se trouve être le nom d'un des «cinq empereurs» mythiques, encore plus anciens que la dynastie Xia. Il n'en fallait pas plus aux officiels pour valider les récits légendaires et les considérer comme avérés historiquement, ce qui laisse de nombreux observateurs sceptiques.

La datation de ces objets entre 2300 et 2100 avant JC semble incontestable et il est également hors de doute que des civilisations très anciennes ont existé en Chine. En revanche, il est beaucoup moins évident de faire l'histoire précise de ces cultures et d'établir ainsi une continuité jusqu'à nos jours, d'autant qu'il existe un «trou» de plusieurs siècles sur lesquels nous n'avons aucun renseignement, entre 2100 et 1750.

Sans rentrer dans les détails de ces controverses, on peut tout de même souligner qu'elles sont révélatrices de l'évolution du régime communiste chinois : il y a quelques décennies, il invitait à faire table rase du passé et de ses superstitions obscurantistes, aujourd'hui il déploie de grands efforts pour établir l'authenticité de textes jusque là considérés par l'immense majorité des historiens comme au moins fortement légendaires. Il s'agit ainsi de proclamer au monde entier l'ancienneté et la grandeur de la civilisation chinoise.

Yves Chenal

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Publié ou mis à jour le : 2020-05-09 11:37:09

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