Le 1er avril 1768, les deux navires de l'expédition Bougainville arrivent en vue de Tahiti. Cinq jours plus tard, le 6 avril, ils accostent après s'être assurés de la qualité du mouillage.
Tandis que les marins descendent à terre, les indigènes ont très vite fait de se lancer à la poursuite de l'un d'eux en criant « ayenene ! », c'est-à-dire « fille ! » Ainsi prend fin une rumeur qui agitait l'équipage depuis plusieurs mois : ledit marin, qui se présente comme le secrétaire du naturaliste Commerson, est du sexe féminin, en violation de toutes les règles de la marine de cette époque !...
Les « Lumières » à la conquête du monde
Reprenons l'histoire depuis le début. Nous sommes le 1er février 1767, dans le port de Rochefort. C'est le grand jour du départ pour la flûte L'Étoile, second navire de l'expédition Bougainville (le premier, La Boudeuse, est partie le 15 novembre 1766 de Nantes en vue d'explorer d'abord les Malouines).
Sur les quais, un personnage se fait remarquer : il s'agit de Philibert Commerson, savant déjà réputé, nommé naturaliste du Roi pour l'occasion. Mais Commerson n'est pas un scientifique comme les autres : il est connu pour son caractère difficile et sa franchise qui lui ont valu de nombreux ennemis.
Est-ce pour cette raison qu'il préfère s'isoler ? Ou plutôt pour profiter d'une cabine plus vaste et s'y installer avec son domestique, le dénommé Jean Baret ? À chaque escale, il passe de longues heures à courir la campagne avec Jean qui transporte les spécimens et, la nuit, rédige le bilan des observations.
Le 1er avril 1768, à Tahiti, point d'orgue du voyage, début des ennuis pour Commerson. La rumeur, qui depuis des mois agitait les équipages, se révèle exacte ! Commerson et son domestique sont convoqués par Bougainville qui leur rappelle les lois de la Marine. Mais comme on ne peut abandonner à Tahiti celle qui s'appelle en fait Jeanne Baret, l'expédition reprend son cours, comme si de rien n'était.
Plus tard, dans les salons, Bougainville s'amusera de la présence de celle qui est désignée comme « la femme déguisée en matelot », « la bête de somme » du naturaliste ou encore le « valet fille en homme »...

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