Philippe Noiriel et Laurent Testot (Sciences Humaines, 448 pages, 25,40 euros, 2012)
L’histoire globale est devenue le nouvel horizon des historiens occidentaux, dans un mouvement qui nous vient des États-Unis. On peut trouver toutes sortes de bonnes raisons à cette nouvelle approche de l'Histoire, qui met l'accent sur les interactions entre des phénomènes de même nature, dans le temps et surtout l'espace.
Ne paraît-elle pas en adéquation avec les débats d'actualité sur la «mondialisation» et le déclin relatif de l'Europe ?...
La démarche est féconde en ce qu’elle met en lumière des apports autrefois méconnus, par exemple ceux des Chinois, des Indiens ou des Arabes dans le développement scientifique. Elle rappelle aussi que l’Afrique noire était déjà, bien avant la colonisation européenne, un gisement de matières premières (or) et d’esclaves pour de nombreuses régions du Vieux Monde.
Mais cette démarche contient aussi un volet idéologique affligeant en ce qu’elle tend à minorer l’apport européen dans les avancées de quelque nature qu’elles soient. Voire à diaboliser l’Europe en tous points. Ah, que le monde eut été harmonieux et beau si n’avait pas existée l’Europe chrétienne !...
Cet ouvrage collectif n’échappe pas à ce parti-pris. Mieux, il le cultive avec délectation.
Ainsi, un auteur voit-il dans le monde arabo-musulman la source du droit marchand, lequel aurait été perverti par les Européens !
Rien ne saurait altérer la responsabilité de nos ancêtres européens dans les malheurs du monde : si l’ouvrage multiplie les éclairages sur différents aspects de l’activité humaine comme la diffusion du thé, il laisse de côté le caractère universel de l’esclavage…
C’est bien à tort que les auteurs revendiquent la paternité de l’historien Fernand Braudel. Celui-ci a su se détacher du tropisme national attaché à l’Histoire pendant les deux ou trois derniers siècles. Mais à leur différence, il manifestait une empathie évidente pour l’ensemble des hommes, y compris ses compatriotes. Il est vrai qu’il vivait à une époque, les «Trente Glorieuses», où il était loisible de croire encore en l’avenir de l’Europe. .
Aujourd’hui, les historiens s’interrogent sur les causes de son naufrage. Seraient-elles contenues dans les choix idéologiques des dernières décennies ? Effrayés par cette hypothèse, d’aucuns choisissent de nier tout simplement la grandeur de la civilisation européenne ; une façon de ne pas avoir à regretter de l’avoir sabotée. C’est là, peut-être, le fondement inconscient de la vogue actuelle de l’Histoire globale.
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Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47
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