12 juillet 1998

Victoire de la France en Coupe du Monde

C'est au terme d'une incroyable montée en tension que la France toute entière applaudit la victoire de son équipe, le 12 juillet 1998. Les Bleus l'emportent sur les favoris, l'équipe du Brésil, par 3-0 grâce à deux buts de Zinedine Zidane et un d'Emmanuel Petit.

La France remporte la Coupe du Monde de football pour la première fois de son histoire et qui plus est à domicile.

Créée en 1928 à l'initiative de Jules Rimet, la Coupe du Monde se déroule tous les quatre ans en alternance avec les Jeux Olympiques et la France l'avait jusque-là accueillie une seule fois en 1938. Cette fois-là, l'Italie avait remporté le trophée, pour la plus grande gloire du régime fasciste et de son Duce...

André Larané

La finale de la Coupe du monde de football vue par les français, en juin 1938, L'Œuvre, 20 juin 1938. Agrandissement : le stade de France à Saint-Denis le 12 juillet 1998 : 80 000 spectateurs assistent à la finale France-Brésil.

« Et 1 et 2 et 3… 0 ! »

La victoire de 1998 met un terme provisoire à l'autodénigrement, un sport dans lequel les Français excellent plus qu'en aucun autre. Voué aux gémonies pendant les deux années de préparation, l'entraîneur stéphanois Aimé Jacquet recevra de plates excuses du journal L'Équipe après le triomphe de son équipe et de sa méthode.

Entamée dans une relative indifférence le 10 juin 1988, la compétition produit une émotion croissante en France au fur et à mesure que les Bleus progressent dans le palmarès.

Ballon officiel utilisé lors de la finale, Nice, musée national du sport.Avec leur qualification en quart de finale, le 3 juillet au Stade de France (Saint-Denis), par un match nul face à l'Italie, l'un des grands favoris de la compétition, l'euphorie gagne les Français de tous âges, tous sexes et toutes conditions, y compris les personnes habituellement réfractaires aux spectacles sportifs. Pour la demi-finale face à la Croatie, le 8 juillet, les Français prennent d'assaut les stades où l'on organise des retransmissions du match sur écran géant.  

Le phénomène se renouvelle avec une intensité accrue le soir de la finale. Après le match, en soirée, plus d'un million de badauds se retrouvent spontanément sur les Champs-Élysées pour une liesse comme le pays n'en a pas connu depuis la Libération, un demi-siècle plus tôt. Le lendemain 13 juillet, veille de Fête nationale, pas moins de cinq cent mille badauds acclament les joueurs lors de leur parade triomphale sur les Champs-Élysées.

L'euphorie rejaillit sur la popularité des gouvernants, tant le président Jacques Chirac que son Premier ministre de cohabitation, le socialiste Lionel Jospin.

Qu'elle était belle, la France « black-blanc-beur » !

Chacun célèbre aussi le caractère multiracial de l'équipe de France, sans équivalent ailleurs. On y rencontre des origines hexagonales (le capitaine Didier Deschamps, Laurent Blanc, Emmanuel Petit, Christophe Dugarry, le gardien Fabien Barthez ou encore Bixente Lizarazu, attaché à ses racines basques), algériennes (Zinédine Zidane, meilleur joueur de sa génération), antillaises (Lilian Thuram),  kanakes ou néo-calédoniennes (Christian Karembeu), arméniennes (Youri Djorkaeff et Alain Boghossian), africaines (Marcel Desailly) etc.

Les médias célèbrent cette France multiraciale issue des nouvelles vagues d'immigration, dite « black-blanc-beur » en référence à ses composantes afro-antillaises, européennes et arabo-musulmanes. Intellectuels et hommes politiques de droite et de gauche veulent y voir la démonstration d'une intégration réussie et d'une nation réconciliée avec elle-même. « La France est multiraciale, et elle le restera. C'est une évidence, » se félicite l'ancien ministre gaulliste Alain Peyrefitte dans Le Figaro (13 juillet 1998).

Mais dans le vestiaire percent déjà les violences racialistes du siècle suivant. Suivant une confidence de Christophe Dugarry au micro de RTL en 2010, le soir du 12 juillet, dans les vestiaires, Lilian Thuram lance à la cantonade : « Allez les Blacks, venez, on va faire une photo tous ensemble ! ». Le même joueur va ensuite faire profession d'« antiracisme » et nourrir à satiété les rancoeurs communautaires.

Les épreuves du troisième millénaire vont rapidement mettre à mal l'optimisme né de la victoire des Bleus, jusqu'à faire oublier la joie collective et intense de ce moment. Le consensus national va se briser sur l'arrivée inattendue du leader d'extrême-droite Jean-Marie Le Pen au second tour des élections présidentielles, le 21 avril 2002. Ensuite vont se faire sentir les conséquences économiques de la monnaie unique : déficit commercial abyssal, rigueur budgétaire, croissance asthénique, etc.

Plus grave que tout, le fragile équilibre de la France « black-blanc-beur » va se heurter à une accélération de l'immigration (plus de 200 000 entrées par an à partir de 2002, 400 000 entrées officielles en 2019) avec des tensions proprement racistes entre les différentes composantes de la population. Vingt ans après la victoire des Bleus, il se trouvera une vedette du show-biz (Djamel Debbouze) pour dénoncer une équipe nationale trop « black-blanc » et pas assez « beur » à son goût, ou encore un ancien joueur (Éric Cantona) pour critiquer le phénotype trop français de Didier Deschamps ! Dans le même temps, l'angélisme multiracial en viendra à légitimer son contraire : des réunions interdites aux « blancs ».

Il nous reste à espérer - sans y croire - un nouveau moment d'union nationale qui réconcilie le peuple français dans ses différentes composantes ethniques et sociales.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2021-07-09 12:22:36

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