15 décembre 1840

Le Retour des Cendres

En 1840, Adolphe Thiers, tout juste de retour à la présidence du Conseil, suggère au roi Louis-Philippe Ier de redresser sa popularité en ramenant en France la dépouille de Napoléon Ier, ensevelie à Sainte-Hélène.

Dans le même temps, Thiers veut ranimer la flamme patriotique des Français dans le bras de fer qu'il a imprudemment engagé sur la question d'Orient. Lui-même a pris le parti du vice-roi d'Égypte Méhémet Ali dans sa guerre contre le sultan de Constantinople, que soutiennent les Anglais mais aussi la Prusse, l'Autriche et la Russie, les anciens ennemis de l'Empereur ! Publiciste talentueux, il prépare aussi une monumentale Histoire du Consulat et de l'Empire, et il lui plairait de ranimer la flamme bonapartiste pour soutenir les ventes de son ouvrage. 

Les Anglais, sollicités par Thiers, acceptent le transfert de la dépouille de Napoléon car ils espèrent de la sorte se concilier l'opinion française...

Fabienne Manière

Réconciliation nationale

Ouverture du cercueil de Napoléon le 16 octobre 1840, à Sainte-Hélène, Victor-Jean Adam, lithographie, musée de l'Armée. Agrandissement : Ouverture du cercueil de Napoléon vu par Nicolas-Eustache Maurin.Gourgaud, un général d'Empire qui a accompagné Napoléon à Sainte-Hélène, prend en main l'opération avec le prince de Joinville, fils du roi Louis-Philippe. Outre Gourgaud, l’expédition rassemble la plupart des témoins de l’exil : Bertrand et son fils Arthur, Gourgaud, le fils de Las Cases, Marchand, Ali…

Leur navire, la Belle-Poule, atteint l'île de Sainte-Hélène où est mort l'empereur près de vingt ans plus tôt.

Le 15 octobre 1840, sous la pluie, on ouvre la tombe, puis les quatre cercueils. Le corps apparaît, parfaitement conservé du fait de la nature du sol. L’émotion est intense.

L'escadre française et la Belle Poule quittent Sainte-Hélène le 18 octobre 1840 (Jean-Baptiste Durand-Brager)Le cercueil d’acajou est distribué par morceaux entre les participants. On lui substitue un nouveau cercueil de plomb, inséré dans un sarcophage d’ébène.

Arrivée au Havre, la dépouille – pudiquement appelée « cendres » – est chargée sur le Normandie et remonte la Seine jusqu'au Val de la Haye, à quelques kilomètres à l'ouest de Rouen.

Là, le sarcophage est transféré sur un bateau à plus faible tirant d'eau, la Dorade, et atteint enfin Courbevoie, où il est veillé la nuit entière par d'anciens grognards. C'est le « dernier bivouac ».

Le lendemain, 15 décembre 1840, au cours d'une cérémonie populaire et grandiose, le char funèbre entre à Paris et se dirige vers les Invalides où il est accueilli par le roi en personne. Le sarcophage est exposé dans une chapelle du Dôme des Invalides en attendant son transfert dans la crypte monumentale, en 1861.

Sur le trajet, un million de Parisiens devenus bonapartistes pour l'occasion n'hésitent pas à crier « Vive l'Empereur ! ».

Napoléon Ier repose depuis lors en l'église Saint-Louis-des-Invalides, selon le voeu qu'il avait exprimé sur son île : « Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé » (Mémorial de Sainte-Hélène).

Conséquences inattendues d'un « coup médiatique »

Le principal bénéficiaire de l'opération est le courant bonapartiste, ranimé par les vétérans de la Grande Armée qui saisissent l'occasion de sortir de l'indifférence, voire du mépris, dans lequel ils étaient jusque-là cantonnés. Honoré de Balzac illustrera leur sort en 1844 à travers le récit du Colonel Chabert, survivant malheureux de la bataille d'Eylau.

Jusque-là évanescent, le courant bonapartiste reprend donc vie avec une extrême force et il ne lui faudra que huit ans pour amener au pouvoir Louis-Napoléon Bonaparte, neveu du regretté empereur... au grand désappointement d'Adolphe Thiers, l'instigateur du Retour des Cendres !

 Napoléon sortant de son tombeau (1840, estampe d'Emile-Jean-Horace Vernet, peintre, et Jean-Pierre Jazet, graveur, BNF)

Cent ans après, l'Aiglon

Cent après le Retour des Cendres de Napoléon le Grand, Hitler, dont l'armée occupe alors la France, organise le retour de son fils, l'Aiglon, jusque-là inhumé à Vienne, dans la célèbre crypte des Capucins.
Cette manifestation se déroule donc le 15 décembre 1940 dans une atmosphère glaciale, au propre et au figuré. Deux jours plus tôt, en imposant le renvoi de Pierre Laval de la vice-présidence du gouvernement de Vichy, le Führer a en effet jeté un froid dans ses relations avec Vichy. Sur les murs de Paris, on peut lire cette formule ironique : «&nbso;Ils nous prennent le charbon, ils nous rendent les cendres » (d'après Georges Poisson).

Publié ou mis à jour le : 2021-12-15 17:46:46
Michelle (11-12-2016 21:06:27)

Où puis-je trouver la liste des marins qui étaient sur la Belle Poule dans ce voyage à Sainte Hélène ? Mon arrière-arrière grand père était charpentier de marine et, dans la famille, on disai... Lire la suite

MARY (11-12-2016 20:18:02)

Renouvellement de ma question du 18/15/2013:est ce bien lui dans le cercueil???

mary (18-12-2013 21:51:02)

est ce bien les cendres de Napoléon dans le cercueil ?

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