21 juin 1791

La fuite à Varennes

Dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, une berline lourdement chargée s'éloigne de Paris. À son bord le roi Louis XVI, la reine Marie-Antoinette et leurs deux enfants, Madame Élisabeth, la soeur du roi, et la gouvernante des enfants.

La famille royale projette de rejoindre le quartier général du marquis de Bouillé, à Montmédy, près de la frontière avec le Luxembourg. Louis XVI sait que ces troupes sont dévouées à la monarchie. Il compte sur elles pour marcher sur Paris, renverser l'Assemblée constituante, mettre fin à la Révolution et restaurer ses prérogatives de souverain absolu.

Fabienne Manière

La caméra explore le temps - La nuit de Varennes (ORTF 1962),   source : INA

Premiers déchirements

Onze mois plus tôt, quand le roi et son peuple célébraient ensemble la Fête de la Fédération, la Révolution semblait close et la monarchie constitutionnelle bien installée. C'était sans compter avec la Constitution civile du clergé et sa condamnation par le pape.

La rupture entre les catholiques et la Révolution est consommée le 13 avril 1791 avec un bref du pape (un décret) qui déclare la Constitution civile du clergé « hérétique et schismatique » ! Le roi, très pieux, en est profondément troublé. Pour ne rien arranger, la multiplication des assignats entraîne une flambée des prix qui mécontente les habitants des villes. Louis XVI est conscient de ces mécontentements. Il souhaite en user selon les conseils de feu Mirabeau.

Mirabeau, trop tôt disparu

Honoré Riqueti, comte de Mirabeau, corrompu et jouisseur, a été élu député du tiers état en 1789 et s'est acquis une réputation lors de la célèbre séance du Jeu de Paume.

Il met ensuite son talent d'orateur, sa popularité et son intelligence politique au service du roi... en se gardant bien de le faire savoir au peuple et à ses collègues députés qui lui font confiance. Ainsi écrit-il à Louis XVI le 10 mai 1790 : « Je promets au roi loyauté, zèle, activité, énergie et un courage dont peut-être on est loin d'avoir une idée ».

Au roi qui hésite à lui faire confiance, il transmet des notes secrètes où il lui suggère de se servir de la Révolution pour restaurer son pouvoir. Pour cela, il suggère de forger à l'Assemblée un parti favorable à la monarchie, de corrompre certains opposants, voire de réclamer l'élection d'une nouvelle Assemblée. En cas d'échec, il laisse entrevoir la possibilité d'un coup de force. Le roi, dans ce cas, quitterait Paris pour prendre la tête de troupes favorables à sa cause et rentrer dans la capitale afin de mettre un terme à la Révolution.

Hélas, Mirabeau meurt le 2 avril 1791 après avoir prononcé, dit-on, ces mots prophétiques : « J'emporte dans mon coeur le deuil de la monarchie, dont les débris vont devenir la proie de factieux ».

Louis XVI ne retient des conseils de l'habile Mirabeau que la suggestion du coup de force : quitter Paris et rentrer dans la capitale à la tête de ses troupes. Il s'y résout sur les instances de la reine Marie-Antoinette et après que les Parisiens l'ont empêché, le 18 avril, de quitter les Tuileries pour Saint-Cloud, où il voulait faire ses Pâques et recevoir la communion d'un curé non assermenté.

Son frère le comte de Provence (futur Louis XVIII) prépare aussi sa propre fuite et celle de sa femme. Le 20 juin 1791, plus chanceux que le roi, il va réussir à fuir la capitale et atteindre les Pays-Bas autrichiens...

Fuite maladroite

Prisonnier de fait, le roi décide donc de fuir Paris et les pressions de la foule. Au lieu de gagner l'Ouest ou le Sud, fidèles à la monarchie, il choisit l'Est et la proximité de la frontière au risque de se faire accuser de collusion avec l'étranger.

Le comte suédois Axel de Fersen, passionnément dévoué à la reine Marie-Antoinette, a fait préparer une berline pour six personnes. La nuit du départ, la famille royale quitte les Tuileries dans une voiture discrète que conduit Fersen en personne, déguisé en cocher, puis elle rejoint la berline lourdement chargée, où elle prend place.

Le matin du 21 juin, quand la disparition du roi est constatée, l'alerte est donnée et le marquis de La Fayette, commandant de la garde nationale, envoie des courriers dans toutes les directions pour ordonner l'arrestation des fuyards. Entre temps, la berline royale a pris beaucoup de retard sur l'horaire. Quand, le soir, elle arrive à Sainte-Ménehould, en Champagne, le détachement de hussards envoyé par le marquis de Bouillé pour assurer sa protection n'est pas en selle.

Les villageois, intrigués par le remue-ménage, laissent partir la berline suspecte mais retiennent les hussards. Dans le même temps, le fils du maître de poste Drouet, mandaté par la municipalité, saute sur un cheval et, prenant un chemin de traverse, devance la berline à l'étape suivante, Varennes-en-Argonne. Il alerte les habitants et le procureur de la commune, l'épicier Sauce. Quand arrive enfin la famille royale, elle est arrêtée et invitée à descendre de voiture.

C'est le soir. Le tocsin sonne. Les villageois, menaçants, se rassemblent autour de la maison de l'épicier où sont reclus les prisonniers.

Le 23 juin au matin, la berline reprend le chemin de Paris. Elle est rejointe par trois députés envoyés par l'Assemblée : Pétion, Barnave et Latour-Maubourg.

Le retour du Roi passant à la barrière des Ternes le 25 juin 1791, Duplessi-Bertaux d’après un dessin de J-L Prieur, Tableaux historiques de la Révolution française.

Le 25 juin, enfin, le cortège entre à Paris, dans un silence funèbre, les badauds ayant ordre de ne pas prononcer un mot. Le roi est ramené au palais des Tuileries et placé sous la « surveillance du peuple ». Il est provisoirement suspendu de ses pouvoirs.

Pour la bienséance, l'Assemblée qualifie la péripétie de Varennes d'« enlèvement » et non de « fuite ». Mais la confiance entre la monarchie et la Révolution parisienne est brisée, d'autant plus que l'on soupçonne le roi de collusion avec l'étranger, voire de trahison.

Premiers républicains

Dans le peuple et parmi les députés, certains n'hésitent plus à s'affirmer républicains et considèrent que la monarchie n'est pas indispensable au gouvernement du pays.

« L'individu royal ne peut plus être roi », lance l'avocat Georges Danton au Club des Cordeliers.

Danton et le journaliste Jean-Paul Marat, qui publie L'Ami du peuple, lancent une pétition républicaine pour la déchéance du roi. Ils réclament « un nouveau pouvoir constituant » pour « procéder d'une manière vraiment nationale au jugement du coupable et surtout au remplacement et à l'organisation d'un nouveau pouvoir exécutif ».

La pétition est déposée le 17 juillet 1791 sur l'autel de la patrie du Champ-de-Mars, à l'endroit où eut lieu la Fête de la Fédération.

Prétextant des désordres, l'Assemblée ordonne au maire de Paris, Bailly, de disperser la foule. Ni une, ni deux, le maire proclame la loi martiale et fait appel à la garde nationale. Celle-ci, commandée par La Fayette en personne, pénètre sur le Champ-de-Mars où elle est accueillie à coup de pierres. Elle fait feu sans sommation sur les pétitionnaires.

On compte plusieurs dizaines de morts et de nombreuses arrestations. Le Club des Cordeliers est fermé. Danton et Marat, prudents, s'enfuient en Angleterre.

Au Club des Jacobins, l'atmosphère est toute différente. De nombreux députés, y compris Robespierre, souhaitent maintenir la monarchie. Ils craignent avec raison que la déchéance de Louis XVI n'entraîne la France dans une guerre contre les autres monarchies européennes.

Certains, comme Barnave, Lameth, Duport et La Fayette, souhaitent même que les pouvoirs du roi soient accrus dans la future Constitution. Ils voudraient de la sorte restaurer un minimum de confiance entre le roi et la Révolution. Ils se séparent du Club des Jacobins et forment le Club des Feuillants.

L'opposition entre les deux clans va s'exacerber avec l'entrée en vigueur de la Constitution et la première expérience de monarchie constitutionnelle : « la Nation, la loi, le roi » (dans l'ordre). Pourtant, quand l'Assemblée constituante se sépare, le 30 septembre 1791, le président Thouret croit pouvoir dire au roi : « Sire, Votre Majesté a fini la Révolution ».

Publié ou mis à jour le : 2023-06-19 11:50:35
ghislaine (02-11-2009 16:03:45)

Une petite précision : dans ses Mémoires Axel de Fersen avoue ses sentiments pour Marie-Antoinette mais nie avoir été son amant. S'il est vrai qu'il fut à l'origine de la fuite pour Varennes, en ... Lire la suite

OliverF (29-08-2006 22:27:59)

Louis XVI comptait non pas fuir la France (il aurait perdu tout droit à la couronne) mais se mettre sous la protection de troupes fidèles. Sa préoccupation était la protection de sa famille, les d... Lire la suite

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