30 mai 1631

Sortie du premier numéro de La Gazette

Le 30 mai 1631, sous le règne de Louis XIII, une poignée de privilégiés découvrent La Gazette. Il s'agit du premier journal publié en France. Cette feuille d'information hebdomadaire tire son nom d'une monnaie vénitienne (gazetta) qui équivalait au prix du journal.

Le 17 juillet de la même année sort à Paris un autre hebdomadaire, joliment intitulé Nouvelles ordinaires de divers endroits. Il est l'oeuvre de deux libraires parisiens, Jean Martin et Louis Vendosme. À la différence de ceux-ci, le fondateur de La Gazette, Théophraste Renaudot (45 ans), bénéficie du soutien de Richelieu, ce qui va assurer le succès de son entreprise. Ces hebdomadaires sont imités des périodiques qui se répandent avec succès dans les pays germaniques et à Londres, où depuis sept ans déjà circule le Weekly News.

Un médecin philanthrope

Né à Loudun en 1586, Théophraste Renaudot s'installe à Paris et se fait remarquer par le Premier ministre, le cardinal Richelieu. Le puissant cardinal, qui dirige le Conseil du roi, devine les qualités humaines de ce médecin et l'introduit auprès de Louis XIII.

Théophraste Renaudot devient « médecin ordinaire du roi » en 1612. Il enseigne aussi la médecine à titre gratuit et en 1635, il ouvre un dispensaire où il donne des consultations gratuites aux indigents... et délivre des remèdes hasardeux à base d'antimoine. Ces audaces suscitent l'ire de la Faculté de médecine. En 1643, quelques mois après la mort de Richelieu et du roi, elle obtiendra que l'exercice de la médecine soit interdit au philanthrope de Loudun ! 

En attendant, parallèlement à ses activités de médecin, Théophraste Renaudot conçoit un vaste projet en vue de secourir au mieux les vagabonds et les mendiants des grandes villes. C'est ainsi qu'il reçoit en 1618 la charge de commissaire général des pauvres du royaume. Dans son « règlement des pauvres », il préconise la création par l'État, dans chaque ville, d'un bureau qui accueillerait les indigents, leur apprendrait un métier et les renverrait dans leur lieu d'origine pour l'y exercer.

Le projet se heurte à l'opposition des notables et des corporations d'artisans. Mais l'imaginatif médecin n'en ouvre pas moins un bureau d'assistance aux pauvres en 1630 au coeur de Paris, sur l'île de la Cité. Ce « Bureau et Registre d'adresses » est une agence pour l'emploi avant la lettre ! Il commence à publier les offres d'emploi des particuliers ainsi que des annonces marchandes (c'est le début de la publicité !). Il publie aussi des bulletins avec le cours des denrées (aussi appelés mercuriales).

En 1637, infatigable, il inaugure le premier mont-de-piété français, imité d'une institution italienne (dico). L'organisme consent de petits prêts sur gages aux pauvres et aux familles ruinées.

Une presse au service du pouvoir royal

Réformateur visionnaire, Théophraste Renaudot affiche par ailleurs sa conviction que l'information est indispensable aux échanges et aux relations sociales car elle permet aux hommes d'agir en fonction de données objectives et non hasardeuses. De fil en aiguille, il arrive à l'idée d'une feuille périodique d'informations. C'est La Gazette.

Dès son lancement, le 30 mai 1631, La Gazette bénéficia d'un « privilège de librairie » accordé à Théophraste Renaudot par lequel celui-ci obtint le droit de « faire imprimer les affiches, mémoires, actes et autres choses et matières dont il se donne adresse au bureau » (note).

Richelieu prit l'initiative à coeur car il vit dans La Gazette un instrument pour peser sur l'opinion publique.

Depuis la « Journée des dupes », le cardinal avait la pleine confiance du roi mais il devait affronter les dévots, groupés autour de la reine mère Marie de Médicis, qui lui reprochaient de soutenir en douce les protestants dans la guerre religieuse qui sévissait en Allemagne.

Richelieu fait très vite de La Gazette un organe de propagande à son service. Il lui confie des articles où il explique sa politique étrangère et son alliance avec les protestants dans la guerre de Trente Ans. Le roi lui-même écrit à l'occasion dans la publication hebdomadaire et la lit volontiers.

Grâce à ses puissants soutiens, Théophraste Renaudot a raison de son concurrent, les Nouvelles ordinaires de divers endroits, et l'absorbe au terme de quelques actions en justice.

Le succès de La Gazette va grandissant. Bénéficiant de la modernisation du service des postes, son tirage atteint... 1500 exemplaires ! Le journal compte quatre à douze pages selon les semaines, dans un format de 22 cm sur 16 cm. Il s'agit essentiellement de communiqués officiels et de nouvelles de l'étranger.

Théophraste Renaudot invente sur le tas le métier et la déontologie du journaliste. Il contrôle et relit avec soin le contenu de chaque dépêche. Il publie des points de vue personnels ou éditoriaux. Il a à coeur de publier des nouvelles de dernière minute.

On lui doit cette formule : « Guère de gens possible ne remarquent la différence qui est entre l'Histoire et la Gazette. Ce qui m'oblige de vous dire que l'Histoire est le récit des choses advenues : la Gazette, seulement le bruit qui en court. La première est tenue de dire toujours la vérité. La seconde fait assez si elle empêche de mentir. Et elle ne ment pas, même quand elle rapporte quelque fausse nouvelle qui lui a été donnée pour véritable. Il n'y a donc que le seul mensonge qu'elle controuverait à dessein qui la puisse rendre digne de blâme » (note).

En 1638, quand meurt le Père Joseph, un moine capucin qui conseille Richelieu en matière de diplomatie, Théophraste Renaudot prend sa succession à la direction du Mercure français, un répertoire des événements survenus en France dans l'année tout en continuant de diriger La Gazette jusqu'à sa mort en 1653.

Sous le règne de Louis XV, La Gazette atteindra un tirage de 12 000 exemplaires. En 1762, les descendants de Théophraste Renaudot la cèderont au ministre Choiseul qui la rebaptisera La Gazette de France et lui donnera un caractère ouvertement gouvernemental. En 1792, l'assemblée révolutionnaire de la Convention la rebaptisera Gazette nationale de France. Elle disparaîtra dans l'indifférence le 30 septembre 1915, pendant la Première Guerre mondiale.

Publié ou mis à jour le : 2021-07-14 16:45:55
Germe (29-10-2017 16:47:28)

Recherche sur Paris, personne ayant expérience paléographie XVIe s (Caran site Richelieu) pour aide à compléter la biographie de Renaudot (participation d'intérêt général) con... Lire la suite

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