5 janvier 1477

Mort de Charles le Téméraire

Charles le Téméraire, « Grand Duc d'Occident », trouve à 43 ans une mort tragique et solitaire en faisant le siège de Nancy, après qu'il eut été blessé d'un coup de hallebarde par l'un des Lorrains ou Suisses qu'il combattait.

Tous les regards se tournent aussitôt vers sa fille unique, Marie de Bourgogne, 20 ans à peine, plus riche héritière d'Europe. Son mariage avec l'héritier des Habsbourg va contribuer d'une manière décisive au rayonnement de cette famille dans les quatre siècles suivants...

André Larané

Charles le Téméraire chute de cheval devant Nancy (miniature des Mémoires de Commynes, XVe siècle)

Une mort anonyme

Défait à Grandson puis à Morat par les Confédérés suisses, Charles le Téméraire s'était retourné contre le jeune duc de Lorraine René II (27 ans), qui lui a repris la ville de Nancy. Le 5 janvier 1477, par une matinée glaciale, n'ayant plus avec lui qu'une poignée de soldats, deux mille environ, il livre bataille à son ennemi qui bénéficie d'un effectif beaucoup plus nombreux, essentiellement composé de mercenaires suisses. Il a à ses côtés son demi-frère Antoine, dit le Grand Bâtard, qui lui a toujours été fidèle. 

Antoine de Bourgogne, dit le Grand Bâtard de Bourgogne (1421, Lizy ; 5 mai 1504, Calais)Comme de bien entendu, ses troupes sont taillées en pièces. Lui-même disparaît dans la mêlée. Le lendemain, à Nancy où René célèbre son triomphe, un jeune page révèle au duc avoir vu Charles le Téméraire tomber de cheval.

René se rend en escorte sur le lieu indiqué par le page. Parmi plusieurs corps en partie dévorés par les loups et que les pillards ont déjà dépouillés de leurs vêtements, on croit reconnaître celui du Téméraire. Son médecin se penche sur le cadavre et l'identifie formellement d'après une cicatrice à la gorge et une bague restée au doigt.

« Son corps ne fut trouvé que deux jours après la bataille, couvert de boue, pris dans la glace, et tellement défiguré, qu’on ne le reconnut qu’a la longueur de sa barbe et de ses ongles, qu’il avait laissé croître depuis la bataille de Morat, et à une cicatrice qu’il avait au visage » (L’art de vérifier les dates des faits historiques, par un religieux bénédictin, Paris, 1784).

Le dimanche suivant, 12 janvier, la dépouille de Charles le Téméraire est solennellement inhumée dans la collégiale Saint-Georges de Nancy. Elle sera plus tard transférée à Bruges, près de sa fille Marie, sur ordre de son petit-fils Charles Quint.

Une succession convoitée

Sitôt le duc de Bourgogne enterré, sa fille Marie est l'objet de fortes pressions de la part des souverains mais aussi des bourgeois flamands. 

Marie de Bourgogne (Bruxelles, 13 février 1457- Bruges, 27 mars 1482)Les États de Flandre, réunis à Gand dès janvier, se hâtent de la proclamer héritière légitime mais c'est à la condition qu'elle renonce aux ordonnances centralisatrices de son père (le « Grand Privilège ») et reconnaisse leurs franchises communales. Qui plus est, elle ne peut empêcher les Flamands d'arrêter, torturer, condamner à mort et décapiter les deux fidèles conseillers de son père, le chancelier Hugonet et le sire de Humbercourt.

Pour sa part, le roi de France Louis XI envoie ses troupes faire le siège de Dijon, en vue de faire rentrer le duché de Bourgogne dans le domaine royal. Les Bourguignons se défendent mollement. Plus coriaces se montrent ceux du comté de Bourgogne (la Franche-Comté), une terre d'Empire qui fait allégeance à l'empereur allemand.

En manque de protecteur, Marie choisit d'honorer les engagements de son père et d'épouser l'archiduc Maximilien de Habsbourg, fils de l'empereur Frédéric III. Elle le juge le mieux à même de la défendre contre la convoitise de Louis XI. 

Cerise sur le gâteau, le jeune et beau prince de 18 ans est immédiatement séduit par sa promise quand il la rencontre officiellement à Gand. La séduction est réciproque et le mariage est célébré le 19 août 1477. Les deux jeunes mariés vont vivre une relation passionnée, marquée par la naissance de deux enfants dont leur futur héritier Philippe, que l'on surnommera plus tard le Beau, et une fille, Marguerite d'Autriche.

Maximilien se révèle également courageux. Le 7 août 1479, à Guinegatte (ou Enguinegatte), au nord-ouest d'Arras, il affronte en personne les troupes de Louis XI, au milieu de ses soldats et des milices flamandes. Sa victoire à l'arraché ne lui permet toutefois pas de reprendre Arras au roi de France.  

Marie de Bourgogne à la chasse au faucon (armoirie historiée)

Détresse amoureuse

Hélas, le bonheur de Marie et Maximilien prend fin tragiquement au bout de seulement cinq ans. La jeune duchesse, passionnée par la chasse, fait une chute malheureuse de cheval et meurt de ses blessures le 27 mars 1482, après trois semaines d'agonie.

Peu après sa disparition, Louis XI et l'empereur Frédéric III, l'un et l'autre las et vieillissants, mettent fin à la guerre de succession de Bourgogne. Ils concluent le traité d'Arras du 23 décembre 1482 par lequel Marguerite (3 ans), fille de Marie, est promise en mariage au Dauphin Charles. Ce traité, qui solde l'héritage de Charles le Téméraire, est un immense succès politique pour le roi de France. Il suscite d'ailleurs des feux de joie partout dans le royaume.

Marguerite d'Autriche (1480-1530), portrait par Bernard Van OrleyLa promise apporte en dot à la France « la » France Comté de Bourgogne (Besançon), les comtés d'Artois (Arras), du Charolais, d'Auxerre, de Mâcon ainsi que d'autres seigneuries.

Le traité ne faisant pas mention du duché de Bourgogne (Dijon), du comté de Boulogne et des villes de la Somme, il valide sans le dire leur retour à la France.

Mais finalement, le Dauphin, devenu le roi Charles VIII, préfèrera épouser Anne de Bretagne (et son duché), renonçant de ce fait à Marguerite et à sa dot.

Un deuxième traité, conclu à Senlis le 23 mai 1493, va entériner le nouvel état des lieux. Le duché de Bourgogne restera à la France et la Franche-Comté aux Habsbourg (ce n'est qu'en 1678, avec le congrès de Nimègue, que la Franche-Comté deviendra définitivement française).

Malgré elle au centre de ces manigances diplomatiques, la petite Marguerite de Bourgogne est mariée pour de bon à un infant d'Espagne. Devenue veuve, elle se remarie avec Philibert le Beau et connaît auprès de lui quatre années de félicité. Veuve une deuxième fois, elle se consacre à l'éducation de son neveu, le futur empereur Charles Quint, et à la construction du monastère royal de Brou.

Publié ou mis à jour le : 2024-01-05 15:54:00
MUNIER Jean (03-01-2019 21:11:51)

Charles Quint est l'arrière-petit-fils du Téméraire

blanchard (19-09-2006 21:58:44)

deux ouvrages généraux récents sur Commynes pour information:
Joël Blanchard, Philippe de Commynes, Paris, Fayard, 2006
Joël Blanchard, Commynes l'Européen. L'invention du politique, Genève, Droz, 1996

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