La Gaule

La Gaule et les Gaulois avant César

Avant notre ère, les Celtes occupaient un immense domaine qui s'étendait des îles britanniques jusqu'au bassin du Danube et même jusqu'au détroit du Bosphore.

Une partie d'entre eux, au nord de la péninsule italienne, ont été appelés Galli (« Gaulois ») par les premiers Romains, d'après le mot celtique galia (« force » ou « bravoure »). Le territoire de ces Celtes était lui-même appelé Gallia (Gaule). Après avoir soumis cette Gaule cisalpine (entre les Alpes et Rome), les Romains sont passés de l'autre côté des Alpes et ont soumis le rivage méditerranéen, aussitôt appelé Gaule narbonnaise, du nom de sa principale cité, Narbonne. Beaucoup plus tard, Jules César a étendu l'appellation Gallia aux régions situées au sud de la Seine puis à l'ensemble de sa conquête, jusqu'au Rhin.

Notons que, par une homonymie accidentelle entre le coq (gallo en latin) et les Gaulois (Galli), on a fait du volatile l'animal fétiche des Gaulois et plus tard des Français ! Notons aussi que le mot français gaillard a même racine que gaulois. Le souvenir des Gaulois se retrouve aujourd'hui dans le nom de la Galicie (Ukraine subcarpathique) et celui de la  Galice (Espagne). Le quartier de Galatasarai, à Istamboul, rappelle aussi la présence des Galates dans la région. 

En rassemblant sous un même nom les territoires compris entre les Pyrénées, les Alpes et le Rhin (France, Bénélux, Suisse et Rhénanie actuels), la conquête romaine leur a donné un semblant d'unité. Contrairement aux idées véhiculées du Moyen Âge au début du XXe siècle, contrairement aussi à l'imagerie sympathique d'Astérix le Gaulois, cette Gaule-là n'était en rien un pays de sauvages avec d'épaisses forêts pleines de sangliers. Les historiens et archéologues de la fin du XXe siècle ont fait litière de ces préjugés.

Brennus, le premier Gaulois

En 390 av. J.-C., la cité de Rome fut assiégée par des Sénons. Ces Gaulois ont laissé leur nom à la ville de Sens (Yonne) puis, ayant traversé les Alpes, à leur nouvelle capitale, Senigallia (Marches). Là-dessus, sous la conduite de leur chef Brennus, ils ont entrepris d'attaquer Rome. Les Romains n'ont dû leur salut qu'à la vigilance des oies sacrées du Capitole. Selon l'historien Tite-Live, celles-ci, par leurs cris, les ont prévenus d'une tentative d'effraction nocturne des assiégeants. Malgré leur résistance, les Romains furent contraints à la reddition et à un lourd tribut. Comme ils mettaient en doute la fiabilité de la balance utilisée par les Gaulois pour peser l'or, Brennus jeta son épée sur la balance en lançant : Vae Victis ! (« Malheur aux vaincus !  »).
Près d'un siècle plus tard, en 279 av. J.-C., un autre chef gaulois, également connu sous le nom de Brennus, guida une armée jusqu'en Grèce et pilla le sanctuaire de Delphes. Une partie des Gaulois poursuivit sa route vers l'Asie mineure et, après avoir pillé Éphèse et Millet, s'établit au centre du pays, dans une région qui prit leur nom, la Galatie.   

Une unité fictive

Les Celtes (Keltoï en grec) furent ainsi appelés par les premiers historiens grecs Hécatée de Milet et Hérodote. Ce peuple indo-européen était établi au Ier millénaire av. J.-C. de l'Allemagne du sud à la péninsule ibérique, ainsi qu'en Grande-Bretagne et dans certaines parties de l'Asie mineure.

Calotte gauloise en bronze (IVe ou IIIe siècle av. J.-C., Amfreville-sous-les-Monts, Eure), doc :  J. SCHORMANS/RMN Ils sont en grande partie associés à la civilisation dite des « champs d'urnes  », caractérisée par la pratique de l'incinération, à la fin de l'âge du bronze (1200 à 700 av. J.-C.), ainsi qu'à la civilisation de Hallstatt (d'après le nom d'une localité autrichienne) ; celle-ci correspond au premier âge du fer européen (700 à 500 av. J.-C.).

Les Celtes vont ensuite s'épanouir dans ce qu'il est convenu d'appeler la civilisation de la Tène (d'après un site archéologique proche du lac de Neuchâtel, en Suisse). Dans ce deuxième âge du fer européen (à partir de 500 av. J.-C.), les Celtes développent une métallurgie et des armes et bijoux d'une grande variété, dont on a retrouvé les traces dans les sépultures princières comme celle de la dame de Vix.

Aux dires de l'historien gréco-romain Arrien (Ie siècle de notre ère), les Triballes, Celtes établis dans les Balkans, se seraient vantés de n'avoir peur de rien sinon de ce que le ciel leur tombe sur la tête ! Cette réputation, étendue à l'ensemble des Celtes et Gaulois, va perdurer jusqu'à nos jours...

Au 1er siècle av. J.-C., le territoire compris entre le Rhin et les Pyrénées est occupé par différents peuples celtes mais aussi ibères ou germaniques. La plupart des habitants appartiennent à la mouvance celte qui s'étend sur une grande partie de l'Europe, du Bosphore à la Grande-Bretagne. De part et d'autre des Pyrénées habitent aussi des tribus similaires que, faute de mieux, on appelle aujourd'hui Celtibères. Quant au Rhin, loin d'être une frontière, il est perpétuellement traversé par des tribus que l'on est en peine de qualifier de celtes ou de germaines.

Jules César lui-même a perçu cette hétérogénéité mais, pour des raisons de propagande, afin de justifier auprès de ses concitoyens les limites de sa conquête, il s'est efforcé de la présenter comme un tout cohérent, en l'opposant contre toute évidence aux pays d'outre-Rhin : « La Gaule, dans son ensemble, est divisée en trois parties, dont l'une est habitée par les Belges, l'autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui dans leur propre langue, se nomment Celtes, et, dans la nôtre, Gaulois. Tous ces peuples diffèrent entre eux par la langue, les coutumes, les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par le cours de la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine. Les plus braves de tous ces peuples sont les Belges, parce qu'ils sont les plus éloignés de la civilisation et des mœurs raffinées de la Province, parce que les marchands vont très rarement chez eux et n'y importent pas ce qui est propre à amollir les cœurs, parce qu'ils sont les plus voisins des Germains qui habitent au-delà du Rhin et avec qui ils sont continuellement en guerre » (La Guerre des Gaules) (note).

Statuette de barde gaulois à la lyre, découverte à Paule (Côte d'Armor, Bretagne)Avant que les légions de César n'entrent en Gaule, les Romains occupaient déjà la partie méditerranéenne du pays, dont la capitale avait été Narbonne avant de devenir Lyon.

Cette région, la Gaule Narbonnaise, était aussi appelée la Province (dont nous avons fait Provence) car c'était dans l'ordre chronologique la première province de Rome.

La Gaule qui échappait à Rome était communément appelée « Gaule chevelue » du simple fait qu'elle était plus boisée que la Gaule méditerranéenne !...

Comme on l'a vu plus haut, les régions proches des Pyrénées, habitées par des Ibères ou des Celtibères, étaient plus précisément appelées Aquitaine ; au-delà de la Seine, elles étaient appelées Belgique.

La Gaule à la veille de la conquête romaine

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Le territoire entre Rhin et Pyrénées que César appelle Gaules dans son célèbre compte-rendu de la guerre des Gaules est composé d'environ 64 pays relativement divers et sans guère d'unité.
C'est un ensemble fortement peuplé, aux ressources agricoles et minières abondantes, mais dans lequel il serait hasardeux de chercher la France des origines. « Nos ancêtres les Gaulois » est un mythe sympathique, rien de plus.

Un pays riche en ressources naturelles

La Gaule d’avant César « n’était pas un territoire sauvage à l’écart de toute civilisation, mais un monde qui avait connu certains des ­processus évolutifs responsables, quelques siècles plus tôt, de l’émergence de la civilisation gréco-romaine », souligne l'historien Christian Goudineau, professeur au Collège de France.

Dès le milieu du premier millénaire avant notre ère, les Gaulois exploitent le minerai de fer et le travaillent d’une excellente manière, tant pour les armes que pour les outils (faux, socs d’araires…). Le site fortifié de Bibracte, en Saône-et-Loire, révèle ainsi la présence de nombreuses forges artisanales.

Autre ressource importante : l’or. Dans le Limousin, on a recensé pas moins de 250 exploitations artisanales d’or. Les Gaulois font aussi commerce du sel. Celui-ci provient notamment de sources salées. Il est essentiel à la bonne santé des animaux et aux salaisons et fait l'objet d'un commerce intensif à travers toute l'Europe.

Quatrième ressource naturelle : la pierre de meule (en basalte ou grès dur). Elle est très importante pour moudre et piler les céréales et fait aussi l’objet d’un commerce à grande échelle. On a ainsi retrouvé des pierres en basalte d’Auvergne à 500 kilomètres de leur région d’origine.

Cela dit, si le fer et les autres produits du sous-sol sont très largement utilisés par les Gaulois, le bois l’est bien plus encore. Ce premier Âge du fer serait plutôt un… « Âge du bois », le bois étant utilisé d'habile façon dans l'outillage, l'armement et la construction. 

Pour leur alimentation, les Gaulois cultivent essentiellement des pois (lentilles, fèves), des légumineuses et des céréales (blé et surtout orge). La fameuse cervoise, bière gauloise, est issue de la fermentation de l’orge. Les Gaulois ont aussi appris des Grecs de Massalia l'art de la vinification et sont devenus de grands amateurs de vins.

Un pays prospère et fortement peuplé

Au premier Âge du Fer (le début du premier millénaire avant notre ère), la Gaule se caractérise par une forte densité de population avec dix ou douze millions le nombre d'habitants  sur le territoire correspondant à la France actuelle, soit davantage qu'à certaines époques du Moyen Âge.

Loin d'être un pays de forêts impénétrables uniquement peuplées de sangliers comme le laisseraient croire certaines bandes dessinées, elle est en grande partie défrichée et couverte de belles campagnes ainsi que l'atteste l'archéologie aérienne. Elle dispose aussi d’un réseau routier important sur lequel viendra se calquer le réseau romain. Les Romains ne feront que rectifier certaines courbes de ce réseau, dont il ne reste plus de trace visible.

La Gaule, soulignons-le, ne connaît pas de villages (ces derniers apparaîtront seulement aux alentours de l’An Mil de notre ère, au Moyen Âge). Elle se présente comme un semis de fermes avec une exploitation agricole tous les 500 mètres environ dans les régions les plus denses.

Le palais de la dame de Vix, près de Châtillon-sur-Seine (VIe siècle avant JC)

Les paysans, du fait d’un sol fertile et d’un climat pluvieux, avec des étés ensoleillés, disposent de fourrage en abondance. Cela leur permet de nourrir en hiver du bétail et des animaux de trait. Du coup, ils  amendent les sols avec le fumier de leurs animaux.

Ils sont aussi en mesure de mécaniser l’agriculture avec des jougs et des attelages qui ressemblent à s’y méprendre aux mêmes équipements employés dans les campagnes françaises au début du XXe siècle. Leurs charrettes, d'une étonnante modernité, ont des roues avec des rayons et un cerclage de fer. Leur timon avant est orientable ; une invention qui sera oubliée à la fin de l’Antiquité et retrouvée à la fin du Moyen Âge.

La première moissonneuse !

Bas-relief montrant une moissonneuse antique ou vallus (Musée Gaumais, Montauban-sur-Bazole, Belgique)Ce bas-relief du IIe siècle de notre ère a été découvert en 1958 dans un mur de soutènement du château de Buzenol (Montauban-sous-Buzenol, Belgique), dans l'ancien pays des Trévires. Il montre un vallus, autrement dit une moissonneuse-batteuse antique. La moissonneuse fauche et ramasse les céréales ; elle est poussée par un cheval ou un mulet et manoeuvrée par deux hommes. Cette machine, à laquelle Pline l'Ancien faisait déjà référence dans son Histoire universelle, trois siècles plus tôt, témoigne de l'exceptionnel savoir-faire technique des paysans gaulois.

Preuve s'il en est besoin du niveau d'organisation élevé de l'agriculture gauloise, les archéologues ont aussi retrouvé en 2015 pas moins d'un millier de silos à grains sur un terrain argileux, près du site de Puy-de-Corent, sans doute l'ancien oppidum des Arvernes, à huit kilomètres du champ de bataille de Gergovie (note).

Les techniques agricoles des Gaulois paraissent en somme plus avancées que celles des Romains. Il faut dire qu'à la différence de ces derniers, les Gaulois n'ont pas la facilité de recourir à des esclaves pour les travaux des champs. Ils sont de la sorte obligés de faire preuve d'inventivité dans l'emploi des machines et des animaux de trait !

Si les Romains sont envieux des ressources de la Gaule, en retour, les Gaulois portent beaucoup d'intérêt aux produits de leurs voisins. Ainsi les archéologues ont-ils évalué à une centaine de millions le nombre d'amphores de vin que les Gaulois leur auraient achetées dans les siècles précédant la conquête. De quoi justifier leur réputation de bons vivants et de buveurs.

Les Gaulois commercent aussi avec les peuples de la Baltique, qui fournissent de l'ambre, et avec les îles Cassitérides (la Grande-Bretagne actuelle) qui produisent l'étain indispensable à la métallurgie du bronze. Ils commercent autant sinon davantage avec les Grecs du sud de l'Italie et de la Grèce, via les ports de la Méditerranée et les routes alpines. C'est sans doute par l'une de ces routes que le beau cratère de Vix a abouti entre les mains d'une dame gauloise, sur les bords de la Seine.

La Dame de Vix

En 1953, on a découvert à Vix, en Bourgogne, la tombe d'une « princesse » celte morte vers 480 av. J.-C..
Son trésor funéraire inclue un cratère (vase) en bronze de 1,64 mètre, originaire de l'Italie du Sud qu'on appelait alors la Grande Grèce, ainsi que des coupes originaires d'Athènes et des bijoux en ambre et en or.
Cette découverte atteste que, très tôt, les Celtes de l'hexagone, plus tard appelés Gaulois, avaient des liens commerciaux nombreux avec les civilisations de la Méditerranée. Elle témoigne aussi du statut élevé dont pouvaient bénéficier les Gauloises, au moins dans l'aristocratie. Ce statut faisait l'étonnement des voyageurs du monde méditerranéen, habitués à ce que les femmes se cantonnent dans le gynécée ou le harem. L'écrivain grec Polyen (IIe siècle av. J.-C.) s'étonnait ainsi que les Gauloises assistent aux assemblées et participent à la vie publique.   

Des dieux et des hommes

Le dieu de Bouray, statue en bronze de 48 cm, découverte en 1845 près d'Étampes (musée de Saint-Germain-en-Laye)Nous avons peu de traces des dieux gaulois. Quatre divinités semblent attestées : Esus, dieu forestier ; Teutatès (le Toutatis d’Obélix), dieu de la tribu ; Taranis, maître du ciel ; Cernunnos, maître du bétail et de la faune sauvage.

Le lien entre les dieux et l'humanité est assuré par les druides, hommes cultivés auxquels on demande conseil, et les bardes, poètes et musiciens, qui délivrent la parole divine.

Par souci de préserver leur autorité morale, druides et bardes se réservent l'usage de l'écriture et en dissuadent leurs ouailles. Ainsi que l'explique César, ils transmettent leur savoir à leurs élèves en leur faisant apprendre « un nombre considérable de vers ».

Contrairement à ce que laisse croire le druide Panoramix, les prêtres gaulois ne célèbrent pas le culte dans la forêt mais dans des temples sans doute assez semblables à ceux que l’on rencontre en Grèce et autour de la Méditerranée.

Ils n’utilisent pas non plus de serpe d’or. Cette légende vient du savant Poséidonios qui, relatant un voyage en pays gaulois en 90 av. J.-C., avait sans doute confondu l’or avec le bronze. Mais ils se réunissent bien chaque année dans le pays des Carnutes (la région de Chartres), sans doute dans un temple.

Les Gaulois pratiquent en général l’incinération, avec inhumation de l’urne funéraire. Ils croient que la mort est une étape dans un cycle de réincarnations successives qui mène pour finir aux demeures célestes.

Les guerriers morts au combat échappent au lot commun. Leur dépouille reste à l’endroit où ils sont tombés mais leur enveloppe immortelle a le privilège d’accéder directement aux demeures célestes en grillant les étapes intermédiaires.

Les Gaulois ont laissé à leurs ennemis des souvenirs terrifiants. Eux-mêmes cultivaient ce sentiment de terreur et le savouraient. Ainsi allaient-ils au combat parfois nus et couverts de peintures de guerre... 

Ils coupaient les têtes des vaincus ainsi que le rapporte Diodore de Sicile, un historien romain du Ier siècle av. J.-C., à propos du sac de Rome par Brennus en 387 av. J.-C. Diodore rapporte les propos de son contemporain le voyageur grec Posidonios d'Apamée selon lequel les Gaulois clouaient à la porte de leur demeure les têtes de leurs ennemis, embaumées dans de l'huile de cèdre. Cette pratique sans doute apparue au Ve siècle av. J.-C. est attestée par les archéologues qui ont retrouvé semblables crânes en 2018, au milieu d'un ancien village gaulois, en petite Camargue (Gard).

Pratiquaient-ils les sacrifices humains comme se plaisent à le dire les auteurs grecs ? « Sans doute cette pratique a-t-elle existé avant le Ve siècle av. J.-C., mais à très petite échelle. Et elle a disparu au profit de sacrifices d’animaux domestiques (taureaux, vaches, bœufs, moutons, porcs…), comme le montrent les ossements exhumés en grande quantité dans le sanctuaire de Gournay-sur-Aronde, dans l’Oise », selon Jean-Louis Brunaux (CNRS).

Des guerriers redoutables

Voici le portrait savoureux des Gaulois que fait Strabon, un auteur grec né vers 60 av. J.-C. et donc postérieur à la conquête. Dans son ouvrage Géographie, il s'inspire de ses prédécesseurs Diodore et Posidonios : « À leur franchise, à leur fougue naturelle les Gaulois joignent une grande légèreté et beaucoup de fanfaronnade, ainsi que la passion de la parure, car ils se couvrent de bijoux d'or, portent des colliers d'or autour du cou, des anneaux d'or autour des bras et des poignets, et leurs chefs s'habillent d'étoffes teintes de couleurs éclatantes et brochées d'or. Cette frivolité de caractère fait que la victoire rend les Gaulois insupportables d'orgueil, tandis que la défaite les consterne. Avec leurs habitudes de légèreté, ils ont cependant certaines coutumes qui dénotent quelque chose de féroce et de sauvage dans leur caractère, mais qui se retrouvent, il faut le dire, chez la plupart des nations du Nord. Celle-ci est du nombre : au sortir du combat, ils suspendent au cou de leurs chevaux les têtes des ennemis qu'ils ont tués et les rapportent avec eux pour les clouer, comme autant de trophées, aux portes de leurs maisons. Posidonius dit avoir été souvent témoin de ce spectacle. » (Géographie, IV).
« Les Romains réussirent pourtant à les faire renoncer à cette coutume barbare, se félicite néanmoins Strabon, ainsi qu'à maintes pratiques de leurs sacrificateurs et de leurs devins qui répugnaient trop à nos moeurs : il était d'usage, par exemple, que le malheureux désigné comme victime reçût un coup de sabre, puis l'on prédisait l'avenir d'après la nature de ses convulsions, vu que jamais ils n'offraient de sacrifices sans que des druides y assistassent. On cite encore chez eux d'autres formes de sacrifices humains : tantôt, par exemple, la victime était tuée à coups de flèches, tantôt ils la crucifiaient dans leurs temples, ou bien ils construisaient un mannequin colossal avec du bois et du foin, y faisaient entrer des bestiaux et des animaux de toute sorte pêle-mêle avec des hommes, puis y mettant le feu, consommaient l'holocauste ».

Paix et guerre

Au IIe siècle av. J.-C., le territoire gaulois affiche une relative prospérité et une quiétude certaine. On voit apparaître des agglomérations non fortifiées de quelques centaines d’habitants, sans doute des bourgs de marché similaires à ceux du Moyen Âge, qui constituent une amorce d’urbanisation.

Mais tout change brutalement au tournant du 1er siècle av. J.-C. L’Europe celtique se couvre d’oppidums. Pas moins de 200 sites fortifiés recensés de l’Atlantique aux Carpates, parmi lesquels Bibracte, au sud du Morvan (Bourgogne), est l’un des plus importants. La raison en est mystérieuse. Peut-être l’irruption d’envahisseurs tels les Cimbres et les Teutons, que les Romains eurent le plus grand mal à arrêter dans les Alpes provençales en 101 av. J.-C. ?

Dès lors se constituent les « cités » ou « pagi » gaulois : un oppidum entouré d’un maillage de fermes. Certaines de ces cités, telle celle des Éduens, ont une structure politique assez élaborée.

Les 64 pays gaulois (« pagus ») sont très différents les uns des autres et sensibles aux influences des pays riverains (Italie, Germanie, Espagne) et même plus lointains (Grèce). Certains sont des chefferies héréditaires, d'autres des républiques avec une assemblée qui exerce le pouvoir législatif et des magistrats nommés pour une courte période qui exercent le pouvoir exécutif. « Il s’agit, la plupart du temps, de démocraties représentatives, dans lesquelles les lois et la désignation d’un magistrat civil et d’un stratège chargé des affaires de la guerre sont dévolues à deux assemblées : un sénat réservé à la noblesse et une assemblée civique, probablement héritière des rassemblements de guerriers des époques antérieures », détaille l'archéologue Jean-Louis Brunaux. C'est ainsi le cas des Éduens. Ils habitent au centre de l'hexagone, autour de Bibracte, et sont fortement influencés par la culture latine. Ils portent les cheveux courts et s'habillent à la romaine.

La porte de Rebout à Bibracte (reconstruction), doc CNRS

Les Gaulois reviennent à la vie

Les Gaulois et plus généralement les Celtes dédaignaient d’écrire. Ils préféraient à l’écrit la transmission orale. Lorsqu’ils devaient néanmoins écrire pour les besoins du commerce, ils se satisfaisaient de l’alphabet grec. De ce fait, ils ne nous ont laissé aucun document sur leur culture et leur religion. 

Nos principales sources écrites demeurent, ainsi qu'on l'a vu, le livre de Jules César et quelques récits de seconde main chez des historiens grecs ou romains. La fragilité de ces témoignages n’autorise aucune certitude sur les Celtes. Parlaient-ils la même langue dans les différentes parties de la Gaule et en Bohème ? Les uns et les autres étaient-ils même celtes ? Nous n’en savons rien.

En janvier 1789, à la veille de la Révolution française, l'abbé Joseph Sieyès publie un opuscule retentissant : Qu'est-ce que le tiers état ? Dans ce petit ouvrage, il présente les Gaulois et plus précisément les Gallo-Romains comme les ancêtres du tiers état (le peuple), en les opposant aux Francs, ancêtres des nobles et aristocrates.

C'est ainsi que sortent de l'ombre les Gaulois, éclipsés jusque-là par les chroniqueurs officiels qui se contentaient de relater les exploits de la monarchie et faisaient remonter celle-ci à Clovis (Ve siècle de notre ère). Le coq devient le symbole de la Nation en raison d’une homonymie latine, gallus signifiant à la fois « coq » et « gaulois ».

Les Gaulois vont acquérir leurs lettres de noblesse avec Napoléon III ! Féru d'histoire antique, l'empereur écrit en collaboration avec Victor Duruy une biographie de Jules César et par la même occasion, se pique de passion pour Vercingétorix. Il le fait représenter sous ses traits à Alise-Sainte-Reine, lieu supposé de la bataille d'Alésia.

C'est le début d'une étrange dichotomie chez les Français cultivés qui considèrent les Gaulois comme leurs ancêtres et dans le même temps, les voient comme des sauvages que les Romains ont eu le bon goût de soumettre et civiliser.

La langue française conserve environ 200 mots d'origine celtique, parmi lesquels alouette, cheval, mouton, crème, soc, sillon, brasserie, braguette, drap, béret, chemin, bagnole, jante, copeau, charpente, berceau, tonneau, mine, étain, lance, javelot, valet... Notons que le mot gauloiserie, allusion à la réputation de bon vivant faite aux Gaulois, apparaît en 1865, en pleine « gallomania ».

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2024-01-18 15:10:29

Voir les 11 commentaires sur cet article

cajago (27-01-2016 17:29:27)

Concernant la religion des Gaulois, je reste un peu sur ma faim. Aucune référence aux travaux de Le Roux et Guyonvarc'h qui ont consacré leur œuvre à l'étude de la société celtique et de la re... Lire la suite

GAbriel (23-03-2015 13:23:22)

Une bonne synthèse sur la Gaule avant la conquête Romaine, qui éclaircit bien des plages d'ombre sur les origines de la culture Française. Recommandé à tout professeur des écoles! MERCI BEAUCOU... Lire la suite

jean-pierre (23-01-2015 19:32:09)

"Fortissimi sont Belgae ...veut bien dire fort ou courageux et n'est en tout cas pas péjoratif. En tant qu'Helvète moins modeste que Thierry je ne résiste pas à citer la suite: "...enfin parce qu'... Lire la suite

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