XVIe-XVIIIe siècles

L'essor d'un nouvel esprit scientifique et technique

Les érudits de la Renaissance placent l'homme au centre de leurs études. Ce sont aussi des humanistes, ce qui signifie dans la langue de l'époque qu'ils pratiquent les humanités, autrement dit les langues anciennes autres que le latin (langue commune des savants), principalement le grec et l'hébreu. Ils sont fascinés par l'Antiquité, dont ils admirent les auteurs, les artistes et les scientifiques.

À l'image de Léonard de Vinci, l'humaniste est à ses heures un homme de sciences.

Les romans de Rabelais nous en apprennent beaucoup sur ce que doit être un savant au XVIe siècle : dans Pantagruel, paru en 1532, le père, Gargantua, écrit à son fils, Pantagruel, parti étudier à Paris : « J'entends que tu apprennes les langues parfaitement. Des arts libéraux, géométrie, arithmétique et musique, je t'en donnais quelque goût lorsque tu étais petit. Poursuis le reste. De l'astronomie, connais toutes les règles. Quant à la connaissance de l'histoire naturelle, je veux que tu t'y adonnes avec curiosité. Puis avec soin, relis les livres des médecins grecs, arabes et latins et par de fréquentes dissections acquiers-toi une parfaite connaissance de l'autre monde qui est l'homme ».

Un renouvellement de l'esprit scientifique aux XVIe et XVIIe siècle

À la fin du XVe siècle, l'Italien Pacioli enseigne les mathématiques à partir des auteurs grecs : il pense que l'univers est régi par des lois qu'il faut découvrir. Il rédige un traité de géométrie paru en 1509, La divine proportion. Cet ouvrage est le fruit d'une collaboration étroite avec de nombreux intellectuels de l'Italie moderne : Léonard de Vinci y a dessiné les figures géométriques, tandis que des peintres ont expliqué tout le bénéfice des mathématiques et de la géométrie pour obtenir les proportions idéales du corps humain, et maîtriser les règles de la perspective en peinture.

De tels travaux sont longs et nécessitent parfois du matériel, pour mener à bien ces expériences. Des princes, passionnés par les arts et les sciences, financent les travaux de ces savants : ce sont des mécènes. En Italie, Pacioli est soutenu par le jeune duc d'Urbino.

En France, le roi François Ier fait venir Léonard de Vinci à sa cour ; le savant italien dessine les plans d'un magnifique escalier à double colimaçon pour son château de Chambord (ceux qui montent un escalier ne croisent pas ceux qui descendent les marches de l'autre). De fait, l'art de la Renaissance est intimement lié aux progrès des sciences comme les mathématiques et la géométrie.

– Une démarche empirique

« Que rien ne te soit inconnu », écrit Gargantua à son fils Pantagruel sous la plume de Rabelais. Les intellectuels modernes observent le monde qui les entoure pour espérer tout en saisir. En cela, ils renouvellent l'approche scientifique comme l'écrit Galilée dans Le discours concernant deux sciences nouvelles en 1638 : « l'expérience était commencée plusieurs fois ».

Ces savants fondent désormais leur raisonnement et leurs conclusions en faisant des expériences répétées : c'est la «méthode empirique». Les philosophes des XVIIe et XVIIIe siècles affirment que la science fonctionne par empirisme : selon eux, toute connaissance humaine provient nécessairement de l'expérience.

Dans son Discours de la méthode rédigé en 1637, le philosophe français René Descartes fonde sa méthode d'analyse sur le doute, qui lui permet de remettre en cause le monde, et ensuite, de reconstruire l'édifice du savoir par l'établissement de certitudes, fondées sur des évidences.

Ainsi, l'observation devient le moteur de la pensée scientifique pour parvenir à des certitudes. Gargantua encourage Pantagruel à pratiquer la dissection pour mieux saisir le corps humain. Et c'est une pratique avérée : le Français Ambroise Paré, en découvrant le fonctionnement de la circulation sanguine, inaugure la chirurgie moderne. De son côté, le Flamand André Vésale étudie le cerveau, la musculature et les nerfs.

Ainsi progresse la connaissance de l'anatomie humaine, pour le plus grand bien de la médecine mais aussi de la peinture, où s'affiche le souci des bonnes proportions, ainsi que l'attestent les innombrables croquis réalisés par Léonard de Vinci à partir de ses dissections.

L'observation expérimentale engendre des progrès dans tous les domaines. Non seulement Copernic et Galilée mettent au point la théorie de l'héliocentrisme mais les Grandes Découvertes en Amérique révèlent de nouvelles espèces animales et végétales. Le moine Charles Plumier répertorie et classe les plantes qu'il observe en Amérique lors de deux voyages en 1693 et 1695 ; de retour en France, il ramène une fleur qu'il nomme Bégonia, en l'honneur de son ami Michel Bégon, intendant de marine à Rochefort.

– une société mal préparée

L’Église accueille très mal les découvertes scientifiques car elles lui semblent remettre en cause la Bible. Galilée mais aussi Vésale sont condamnés par  l'Inquisition. D'autres savants, conscients du danger que représente leur découverte, évitent de publier de leur vivant : Copernic fait publier son ouvrage Des révolutions des sphères célestes qu'après sa mort.

Jusqu'au début du XVIIe siècle, l’Église interdit aussi la dissection des cadavres. C'est ainsi que Léonard de Vinci ne publie qu'après sa mort le Traité sur la peinture, dans lequel il reconnaît avoir pratiqué la dissection sur des cadavres. Mais dès 1632, dans La leçon d'anatomie du docteur Nicolas Tulp, Rembrandt met en scène un médecin hollandais en train de disséquer un cadavre, tandis que ses confrères présents autour sont tour à tour fascinés par la maîtrise du savant, méfiants du regard, ou encore surpris d'avoir été découverts... par le spectateur. 

La leçon d'anatomie du dr Nicolas Tulp (Rembrandt, 1632, Mauritshuis, La Haye)

Enfin, les découvertes anatomiques de Vésale ne font pas disparaître les conceptions héritées de l'Antiquité. Depuis Gallien, un savant grec du IIe siècle, on continue de penser que le corps est sujet à des « humeurs » liquides : le sang (entretient la vie), l'atrabile (cause de la mélancolie, ou dépression, et de l'hypocondrie, ou sentiment d'être malade), la  phlègme (responsable du calme) et la bile (cause de la colère). On préconise en conséquence des saignées pour purifier et rééquilibrer les humeurs du corps.

Cette médecine repose sur la formulation de théories qui précède la pratique, mais jamais sur l'observation. Molière s'en moque volontiers dans plusieurs pièces de théâtre, lorsqu'il met en scène des médecins pleins de théories impuissantes à guérir, et dont le seul remède est de prescrire des saignées pour soigner les malades. Le roi de France Louis XIV en subit plus de deux mille dans sa vie, sur ordre de ses médecins personnels, mais eux-là se révèlent impuissants face à la gangrène qui ronge le roi en 1715, et à laquelle il succombe après deux mois de souffrance.

Des idées qui circulent de plus en plus vite

– des idées qui circulent par les réseaux

Dès le XVIe siècle, les érudits entretiennent entre eux une abondante correspondance, généralement en latin. Le Hollandais Érasme, par exemple, correspond avec Rabelais aussi bien qu'avec l'Anglais Thomas More. Ainsi circulent les idées. 

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les souverains se montrent sensibles à la compagnie des savants. Christine, reine de Suède, fait de sa cour un foyer de l'humanisme en Europe. Elle invite Descartes pour parfaire son éducation scientifique. Voltaire est l'invité du roi Frédéric II de Prusse, tandis que Diderot est reçu par l'impératrice russe Catherine II. Les grands monarques européens sont qualifiés de « despotes éclairés » par le savoir des Lumières, qui voient dans les sciences le moteur du progrès. Cependant, jusqu'au XVIIe siècle, les progrès scientifiques ne sont guère connus que des intellectuels eux-mêmes, et ne touchent que la très haute société.

À partir du XVIIIe siècle, l'intérêt pour les sciences touche un public plus large. Voltaire fait l'éloge de Madame du Châtelet, femme de la noblesse et mathématicienne, qui a traduit les travaux du physicien Isaac Newton. Bientôt les philosophes sont écoutés dans les salons de la bourgeoisie parisienne : madame Geoffrin réunit chez elles les beaux esprits pour des lectures littéraires et scientifiques. Enfin, les expériences scientifiques passionnent un public toujours plus large : à Versailles, l'abbé Nollet captive la cour avec ses expériences sur l'électricité statique, puis en 1783, c'est tout Paris qui assiste au premier vol d'un ballon gonflé à l'air chaud par les frères Montgolfier.

– un savoir encouragé par les États

Jusqu'au début du XVIIe siècle, les progrès scientifiques sont l’œuvre de quelques savants isolés, parrainés par des mécènes. Il n'y a pas réellement de mise en réseau et encore moins une collaboration des savants entre eux. L'action des souverains européens est alors déterminante : ils créent des académies dans lesquelles les intellectuels touchent une pension pour vivre de leurs recherches. En Angleterre, le philosophe Francis Bacon appelle la monarchie à soutenir les progrès scientifiques. En 1660 intervient la création de la Royal Society of London, qui connaît un certain succès.

– un besoin de compiler le savoir

Planche de l'Encyclopédie de Diderot (XVIIIe siècle)En France, Louis XIV et Colbert se lancent dans la création d'académies royales, d'abord dans les arts, puis dans les sciences : l'académie royale des sciences voit le jour en 1666, puis débute la construction d'un observatoire astronomique en 1667. Le Journal des savants fait état des recherches de ces scientifiques pensionnés par la cour. Un peu partout en France naissent des académies scientifiques ; on en compte neuf à Paris au cours du Grand siècle (ou Siècle de Louis XIV).

L'imprimerie inventée vers 1450 en Allemagne accélère la diffusion des idées : l'augmentation de la production des livres fait diminuer leur coût.

Les livres sont aussi plus accessibles car les imprimeurs les éditent dans leur langue nationale.

Au XVIIIe siècle, un projet pharaonique est lancé par quelques intellectuels : l'Encyclopédie, dirigée par le philosophe Denis Diderot et le mathématicien Vincent d'Alembert.

La publication en 35 volumes s'étale de 1751 à 1772, proposant de faire la somme de toutes les connaissances scientifiques acquises par les modernes, en traitant des sciences et techniques, mais aussi de philosophie.

Quelque 150 personnalités collaborent au projet.

Vers la rationalité scientifique et technique

– des sciences qui cherchent à mesurer le monde

Les scientifiques modernes conçoivent des instruments pour mener leurs expériences : Jansen invente le microscope en 1590, Galilée fabrique la première lunette astronomique en 1609, Pascal invente une machine à calculer en 1642...

Les scientifiques cherchent aussi à mesurer les phénomènes qu'ils observent. Résultat : plusieurs d'entre eux ont laissé leur nom à des unités de mesure (pascal, newton, watt...). Lors de la Révolution française, un système de mesure universel est créé : le système métrique (litre, mètre, kilogramme, franc), qui met fin à la grande diversité des poids et mesures de l'Ancien régime.

– de la science vers des sciences

À partir du XVIIIe siècle, les savoirs de plus en plus complexes imposent une clarification des sciences et de leurs objectifs. Peu à peu, la frontière s'opère entre les sciences occultes et les sciences modernes : alchimie / chimie ; astrologie / astronomie...

Les découvertes s'accélèrent : le chimiste français Antoine de Lavoisier impose la mesure systématique de tout ce qu'il observe ; on lui doit la découverte de la composition de l'eau. On découvre aussi que l'air est un composant essentiel pour un organisme vivant : Joseph Wright peint en 1768 Une expérience sur un oiseau dans une pompe à air, lequel s'évanouit dans la cloche en verre après le vide fait par la pompe, puis revient à lui une foiS la cloche ouverte.

– des sciences qui ont des applications techniques

Les recherches sur la vapeur sont à l'origine de la première révolution industrielle.

La machine à vapeur de Thomas Newcomen, 1712Denis Papin, protestant originaire de Blois, ami et protégé de Christian Huyghens et Gottfried Leibniz, conçoit en 1687 un piston qui permet de soulever une charge en utilisant la vapeur.  Ses travaux vont inspirer le mécanicien anglais Thomas Newcomen, à l'origine de la première machine à vapeur en 1712. James Watt améliore le procédé. Il tire du mouvement alternatif du piston une force rotative en 1769.

En 1771, dans le fil de ces travaux, l'ingénieur militaire français Joseph Cugnot invente un chariot mû par la force de la vapeur, appelé « fardier », car il devait transporter de lourdes charges comme les canons de l'armée. Mais l'engin est lent (4 km/h) et impossible à manœuvrer tant il est lourd, de sorte que Cugnot jette l'éponge. Néanmoins, son invention va déboucher en 1826 sur la mise au point de la locomotive à vapeur sur chemin de fer  par George Stephenson.

Bien avant cela, la machine à vapeur a généré de nouvelles activités économiques. Newcomen a utilisé sa machine à vapeur pour pomper l'eau des mines. Watt a fait construire un moulin à blé mû par la force de la vapeur. Un peu plus tard, ce sont les métiers à tisser qui ont pu être actionnés à la vapeur.

L'Angleterre est ainsi entrée dans la révolution industrielle dès le milieu du XVIIIe siècle et l'Europe continentale un peu plus tard, après la tourmente des guerres révolutionnaires.

Antoine Vergnault
Galilée : le père de l'astronomie moderne

Galileo Galilei, dit Galilée, naît à Pise en Italie en 1564. C'est un savant et un écrivain. En 1592, il devient professeur à l'université de Padoue où il enseigne notamment les mathématiques. Il est aussi astronome, et réalise des découvertes qui lui valent des ennuis avec l’Église catholique. Galilée s'éteint en 1642.

Galilée est un savant qui se passionne pour les sciences. En 1609, il confectionne une lunette astronomique, une sorte de petit télescope que nous appellerions aujourd'hui « une longue vue ») et réalise alors sa première observation du ciel. Cette lunette dispose d'un premier verre grossissant six fois, puis à l'extrémité un autre grossissant neuf fois : la focale de cette lunette permettait de grossir 54 fois. C'est à peine mieux qu'une paire de jumelles aujourd'hui. Il montre la lunette au doge de Venise (le chef de la ville), qui lui voit immédiatement un intérêt pour les champs de bataille, en permettant d'observer l'ennemi de loin...

Mais Galilée va s'en servir pour un usage plus pacifique : il observe le relief de la Lune, les phases de la planète Vénus (que l'on appelle l'étoile du berger, la première visible le soir), les principaux satellites de la planète Jupiter et  les étoiles de la Voie lactée (la galaxie dans laquelle se trouve notre système solaire).

Par ces observations, Galilée rejoint les idées de l'astronome polonais Nicolas Copernic (1470 – 1543). Le savant polonais avait émis l'idée que les planètes tournent autour du soleil, et que la Terre n'est donc pas le centre du monde, contrairement à ce qui était admis. Afin de comprendre l'ampleur d'une telle découverte, il faut revenir sur la conception du monde telle qu'elle était admise jusqu'à l'époque moderne, et la comparer à la théorie développée par Copernic puis Galilée.

Cette conception a été théorisée par un certain Ptolémée, un savant grec qui vivait au IIe siècle après J-C. Sa conception de l'univers admet que la Terre est le point fixe et que tous les autres astres lui tournent autour (le Soleil, la Lune, les planètes Vénus et Mars, etc.). On parle donc d'un système « géocentrique » (géo signifie terre en grec). Dans ce système, la limite de l'univers est matérialisée par les étoiles, c'est le « firmament ».

Le système théorisé par Copernic puis Galilée admet au contraire que c'est le Soleil qui est au centre de l'univers, et que les autres astres lui tournent autour (la Terre, Mars, Vénus, etc.). C'est le système « héliocentrique » (hélios signifie soleil en grec). En revanche, les étoiles, lointaines, sont considérées comme fixes (Copernic et Galilée avaient remarqué qu'elles ne tournaient pas autour du Soleil).

Joseph Nicolas Robert-Fleury, Galilée devant le Saint-Office au Vatican, 1847

Fort de ses découvertes, Galilée publie en 1610 un ouvrage intitulé Le messager des étoiles, dans lequel il défend les idées de Copernic.

L’Église catholique s'empare de la question, et décrète que toutes ces théories sont fausses. En 1616, elle inscrit l’œuvre de Copernic à l'Index (un catalogue créé au XVIe siècle et qui répertorie les livres interdits par l’Église) et les ouvrages de Galilée sont censurés (interdits de publication). Qu'à cela ne tienne, Galilée persiste : en 1632, il publie un nouvel ouvrage, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde. En 1633, le tribunal de l'Inquisition décide alors de condamner Galilée pour ses propos. Le savant choisit de se rétracter : il renonce à ses théories, et est condamné à ne plus les enseigner. Ses ouvrages sont inscrits à l'Index.

Galilée a exploré aussi d'autres disciplines que l'astronomie. Il a compris  combien les mathématiques pouvaient être utiles à la compréhension des lois de la physique. Au terme d'une expérience célèbre du haut de la tour penchée de Pise, il a établi une loi sur la chute des corps dans le vide : tout corps, de quelque poids qu'il soit, tombe à une vitesse égale aux autres, et formulé les premiers principes sur la relativité : les lois de la physique sont invariables, c'est-à-dire que les grandeurs physiques entretiennent des relations d'équivalence entre elles.

Publié ou mis à jour le : 2022-05-11 08:39:56

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