1er juillet 1916

Folle offensive sur la Somme

Le lundi 1er juillet 1916, à 7h30, débute une gigantesque offensive anglo-française sur la Somme, en Picardie, la plus insensée et la plus sanglante de toutes les batailles de la Grande Guerre de 1914-1918.

Son souvenir demeure très vif chez les Britanniques, dont toute une génération de jeunes soldats a été fauchée sur la Somme.

André Larané
Entre volontariat et conscription

Quand elle entre dans la Grande Guerre, le 4 août 1914, la Grande-Bretagne ne dispose que d'une armée de métier de 300 000 hommes. À la différence de la plupart des autres pays européens, elle ne pratique pas la conscription obligatoire et doit donc faire appel au volontariat pour compléter ses effectifs.

Patriotisme aidant, 700 000 jeunes Britanniques s'engagent d'eux-mêmes dès les premiers mois de la guerre. Les activités sociales telles que les matches de rugby ou de cricket, pratiquées à grande échelle à l'arrière du front, contribuent à maintenir la cohésion des troupes.

En 1915, les recrutements se font plus difficiles. Pour convaincre les hésitants, l'état-major encourage les Pals battalions ou « bataillons de copains » : les amis de quartier ou d'école vont ensemble au bureau de recrutement avec l'assurance de combattre côte à côte. En 1916, cette consolation ne suffit plus à vaincre les réticences et le gouvernement se résout à instaurer le service militaire obligatoire. Une révolution ! 3 millions de conscrits viendront ainsi s'ajouter aux 3 millions de volontaires...

Fusiliers anglais de l'Yser dans la bataille de la Somme (1916)

Un projet ancien

Les états-majors alliés français et anglais décident dès décembre 1915, à Chantilly, de lancer une offensive conjointe sur la Somme en vue d'en finir avec l'enlisement dans les tranchées.

Douglas Haig (Édimbourg, 19 juin 1861 ; Londres, 29 janvier 1928)Le généralissime Joseph Joffre et son homologue le général écossais Douglas Haig, qui a succédé au général Sir John French à la tête du corps expéditionnaire britannique (BEF), espèrent reprendre enfin l'offensive dans ces vastes plaines céréalières, sans haies ni obstacles.

Ils oublient toutefois - ou veulent oublier - que les Allemands ont creusé dans la craie de la Picardie des tranchées solides et profondes, aménagées comme de véritables forteresses, avec l'électricité et même des éléments de confort pour les officiers à quinze mètres sous terre. 

Trois mois plus tard, les Allemands surprennent les Alliés et les prennent de vitesse en lançant une attaque massive sur le saillant français de Verdun.

Le Grand Quartier Général français doit du coup détourner une partie de ses effectifs vers la Lorraine. Il réduit de 44 à 14 le nombre de ses divisions sur la Somme et divise par deux le nombre de canons d'artillerie lourde. 

Rien cependant ne détourne les Franco-Britanniques de leur objectif initial : percer les lignes allemandes entre Beaumont-Hamel au nord et Chilly au sud.

En définitive, trois armées britanniques sous les ordres des généraux Rawlinson, Gough et Allenby au nord, supervisés par le général Haig, et deux armées françaises sous les ordres des généraux Fayolle et Micheler au sud, supervisés par le général Foch,  font face à la IIe Armée allemande du général von Below. 

Elles alignent 14 divisions françaises et 26 britanniques, avec près de 2900 pièces d’artillerie de tous calibres. Parmi les Britanniques figurent des soldats irlandais, australiens, canadiens, néo-zélandais, sud-africains et terre-neuviens.

L'offensive est précédée dès le 24 juin 1916 par une intense préparation d'artillerie. Pendant une semaine, 1,6 million d'obus tombent sur les lignes allemandes. Quelques minutes avant l'assaut, les sapeurs britanniques font sauter deux mines énormes sous les lignes allemandes.

Les Alliés sont persuadés d'avoir liquidé toute résistance du côté ennemi. C'est au point que le général britannique Sir Henry Rawlinson, soucieux d'épargner à ses hommes une fatigue inutile, leur impose de monter à l'attaque en ordre de parade et non pas en courant, avec sur le dos du ravitaillement pour trois jours !

Dans les faits, les Allemands, endurcis par deux années éprouvantes, ont résisté aux bombardements et attendent l'assaut de pied ferme. La plupart des soldats anglais sont quant à eux des engagés volontaires qui n'ont aucune expérience du feu. Dès les premières minutes, ils succombent en grand nombre dans les barbelés qui séparent les ennemis.

Effrayé par l'ampleur des pertes, le général Rawlinson songe à un repli mais il en est empêché par son supérieur, le général Haig.

La guerre sur le front Ouest de 1915 à 1917 (carte : Alain Houot, pour Herodote.net)

Soldats anglais dans la bataille de la Somme (1916)

Hécatombe insensée

Le 1er jour de l'offensive, on compte pas moins de 60 000 pertes du côté britannique, dont 20 000 tués. Les Allemands essuient de leur côté quelque 20 000 pertes. En ce jour le plus meurtrier de toute la Grande Guerre - avec le 22 août 1914 -, la fine fleur de la jeunesse britannique, issue des milieux aristocratiques autant que populaires, a perdu la vie (note).

L'essentiel des pertes alliées ont été subies, notons-le, par le centre du dispositif, servi par des troupes inexpérimentées et des officiers contraints d'exécuter les ordres du haut commandement sans y déroger. 

François Flameng, Dans la Somme, 1916.Sur le front sud, les Français, plus expérimentés, avec des officiers doués d'initiative, ont pu quant à eux atteindre leurs objectifs et progresser de dix kilomètres à l'ouest de Péronne. Mais ils se sont vus interdire de poursuivre leur avance, tout le front devant avancer de concert. Même chose pour les Anglais du front gauche.

L'offensive va se poursuivre envers et contre tout jusqu'en novembre 1916 avec le recours à des renforts de tout le Commonwealth et en particulier l'Australie. Les alliés en obtiendront un gain dérisoire de 10 km. Le prix en est exorbitant : 400 000 Britanniques tués et blessés ainsi que 200 000 Français et 450 000 Allemands... En proportion des effectifs engagés, c'est quasiment deux fois plus qu'à Verdun (750 000 victimes en dix mois).

Les deux batailles demeurent néanmoins inextricablement liées, l'offensive alliée sur la Somme ayant empêché les Allemands de donner toute leur mesure sur le saillant de Verdun et assuré la victoire française.

Le général Sir Douglas Haig va manifester l'année suivante, à Passchendaele, la même obstination meurtrière que sur la Somme. Il en sera récompensé à la fin du conflit en devenant baron et field-marshall.

Artillerie canadienne, Kenneth Forbes, 1918, Ottawa, musée canadien de la guerre.

Les chars arrivent !

La bataille de la Somme se signale par l'emploi des gaz de combat et de l'aviation, pour des missions de reconnaissance. Elle ouvre la voie aussi aux blindés : le 15 septembre 1916, à Flers, au cours de la bataille de la Somme, les Britanniques alignent pour la première fois des chars d'assaut (nom de code : les tanks, ou réservoirs), faisant plus de peur que de mal.

Malgré leurs insuffisances initiales, ces engins blindés montés sur chenille (une innovation apparue en 1905 dans le milieu agricole) vont mettre un terme à la guerre de tranchées et réhabiliter la guerre de mouvement car ils se montrent capables de franchir tous les obstacles y compris les rideaux de barbelés qui protègent les tranchées.

En Angleterre, les chars d'assaut sont promus par le lieutenant-colonel Ernest Swinton, qui rallie à son idée le premier Lord de l'Amirauté, Winston Churchill. En France, le promoteur des chars d'assaut est le général d'artillerie Jean-Baptiste Estienne (1860-1934), qui a été aussi parmi les premiers à comprendre l'intérêt militaire de l'aviation.

Pour sa part, le général Ferdinand Foch déclare en septembre 1916 à un correspondant du Times que « c'est une idée d'amateurs que de penser que les chars et les avions peuvent gagner une guerre » ! Les résistances du ministère de l'Armement ne permettront de mettre en ligne les premiers chars français que le 16 avril 1917, dans des conditions au demeurant décevantes. Les Allemands attendront la fin de la guerre pour se laisser convaincre par cette nouvelle technique.

Premiers tanks dans la bataille de la Somme (1916)
Filmographie

La tranchée, un film de William Boyd, produit par Jacques Perrin (Microcosmos, Himalaya, Le peuple migrateur...), montre avec une rare justesse de ton les préparatifs de cette folle offensive. Un film méconnu, l'un des plus émouvants et des plus beaux qui soient sur la Grande Guerre. Pour tous publics.

Publié ou mis à jour le : 2023-06-30 11:50:07
Philippe HAVILAND (04-07-2016 00:42:17)

Au sommaire de la newsletter du 3 juillet, on peut lire cette annonce : "Télévision : Haig, le « boucher de la Somme » Cent ans après la bataille de la Somme, France 3 diffuse ce lundi 4 juil... Lire la suite

Cyrille (29-06-2006 16:17:03)

Après les batailles de Verdun et de la Somme, les états-majors commencent tout juste à prendre conscience que la puissance offensive de l'artillerie, gage de victoire depuis la fin du Moyen Age, es... Lire la suite

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