Lunéville

À la découverte du phénix lorrain

Qui connaît Lunéville ? Cette petite ville proche de Nancy est surtout connue par un traité de paix. Chacun a oublié qu'elle a servi de résidence au XVIIIe siècle aux derniers souverains indépendants du duché de Lorraine et de Bar ainsi qu'à l'ancien roi de Pologne Stanislas Leszczynski.

La cour du duc Stanislas rivalisait d'esprit avec Versailles. Voltaire la fréquenta ainsi qu'Émilie du Châtelet, Montesquieu ou encore Helvétius. L'auteur de Candide écrit en 1738, dans Le Siècle de Louis XIV : « On ne croyait presque pas avoir changé de lieu quand on passait de Versailles à Lunéville ».

Les plaisirs de la cour

En 1702, Léopold 1er, duc de Bar et de Lorraine, a la désagréable surprise de voir les troupes françaises s'installer à Nancy, sa capitale, comme le traité de Ryswick leur en donne le droit.

Soucieux de sa tranquillité, il décide de déménager avec famille et bagages à Lunéville, entre les rivières de la Vezouze et de la Meurthe. Comme le château existant ne convient pas à son rang, le duc commande de l'agrandir à Germain Boffrand, un disciple talentueux de Jules Hardouin-Mansart.

Le nouveau château est conçu sur le modèle de Versailles, avec, qui plus est, en son centre trois arcades qui permettent une communication directe entre la cour d'honneur et les jardins.

Le fils du duc Léopold, François III, fait un beau mariage. Il épouse rien moins que l'archiduchesse Marie-Thérèse de Habsbourg et en 1738, échange son titre de duc contre celui d'empereur du Saint Empire romain germanique ! Le duché, sous protectorat français, est confié à titre viager à Stanislas, beau-père du roi de France Louis XV.

À 60 ans passés, le nouveau duc va généreusement mettre sa cassette au service d'une aimable compagnie et jusqu'à sa mort, en 1766, les plus grands esprits du siècle des Lumières vont deviser et faire la fête en son château sans craindre les foudres de la censure ou les humeurs du roi de France.

Il ne touche pas à l'oeuvre architecturale de Germain Boffrand mais se prend de passion pour les jardins.

Pour le divertissement de ses invités, il y fait aménager folies et cascades dans le style rococo à la mode. Ces aménagements, comme les Bosquets ci-contre, ont aujourd'hui disparu.

Le duc Stanislas Leszczynski)

La malédiction du feu

Dans la nuit du 2 au 3 janvier 2003, Lunéville a accédé à son corps défendant à la Une de l'actualité. Cette nuit-là, le feu a pris dans la charpente de la chapelle du château.

Avant qu'interviennent les pompiers, un vent violent s'est levé et a poussé les flammes vers les autres parties du château. Les charpentes se sont effondrées et entraîné sous leur poids les planchers des différents étages.

Au total, c'est ainsi près de la moitié du château qui a été touchée par les flammes.

Le même château a été victime du feu plus d'une dizaine de fois au cours de son existence et l'un des incendies les plus mémorables est survenu très précisément 284 ans avant le dernier, soit dans la nuit du 2 au 3 janvier 1719 !

Notons que les incendies de châteaux n'étaient autrefois nullement exceptionnels. On estime que de nos jours encore, il s'en produit en moyenne un par an en France !

Lunéville retrouve le sourire

En découvrant le 3 janvier 2003 le désolant spectacle des murs calcinés et fumants, les habitants et leurs édiles se sont émus. Ils ont décidé de rendre à leur château la place centrale qu'il avait du temps du roi Stanislas.

La reconstruction va s'étaler sur une dizaine d'années, sous la supervision du conseil général de Meurthe-et-Moselle et du ministère de la Défense, co-propriétaires du château.

Évaluée à 103 millions d'euros, c'est, pour l'heure, le principal chantier de restauration du patrimoine en Europe.

Fort heureusement, la cour d'honneur, le vestibule et les splendides jardins de ce petit Versailles ont gardé belle allure et sont toujours ouverts au public.

Stimulée par le défi de la restauration, Lunéville s'est aussi mise en frais pour valoriser son patrimoine héritée du Grand Siècle.

Mitoyenne du château, l'ancienne salle de comédie sur la scène de laquelle se produisaient les beaux esprits de la cour, dont Voltaire, a été anéantie en 1908 par un incendie.

La « bonbonnière de Stanislas » a été aussitôt reconstruite dans le goût classique, avec une ossature en métal et béton armé, et fait aujourd'hui office de théâtre municipal.

À deux pas du château, l'église Saint-Jacques a été construite au milieu du XVIIIe siècle par Emmanuel Héré, architecte favori de Stanislas et créateur de la fameuse place nancéienne.

L'orgue théâtral de l'église Saint-Jacques de Lunéville (photo: André Larané)Sa façade en grès rose des Vosges, ses tours rococo qui culminent à 59 mètres et ses murs intérieurs en couleur « jaune Marie-Thérèse » en font un chef d'oeuvre du baroque autrichien.

On peut à l'intérieur se recueillir devant la pierre tombale qui abrite la dépouille d'Émilie du Châtelet, une femme peu ordinaire qui vécut à la cour de Stanislas un fatal amour.

Levant les yeux, on peut mieux encore admirer le buffet d'orgue à nul autre pareil.

Les 3 880 tuyaux de l'orgue sont dissimulés derrière un décor théâtral baroque voulu par Stanislas et conçu par Emmanuel Héré, dont la somptuosité évoque le paradis.

En lisière de la ville historique, voilà une synagogue exceptionnelle et pour ainsi dire miraculée.

Cette bicentenaire fringante a échappé à plusieurs révolutions, aux guerres mondiales et au fanatisme nazi.

Elle a pu être construite en 1785 grâce à une autorisation du roi Louis XVI.

C'est la première synagogue construite dans le royaume depuis le... XIIIe siècle ! Elle témoigne de l'adoucissement des moeurs et de l'éveil à la tolérance dès avant la Révolution.

Bien qu'elle fût à l'origine cachée derrière les maisons de la rue (la loi interdisait que l'on voie le culte de la rue !), l'architecte a voulu que sa façade en grès rose soit décorée.

Aujourd'hui dégagée, cette façade, qui mêle avec sobriété l'inspiration classique et le baroque, nous apparaît dans toute son originalité.

Découvrir Lunéville

Pour aller plus loin dans la découverte de Lunéville et de son patrimoine, on peut consulter Les Cahiers du Château de Lunéville. Ce beau magazine sur papier glacé est vendu au profit de l'association « Lunéville château des Lumières » qui oeuvre pour la reconstruction du château.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2020-08-25 19:11:43
Michel Salvat (22-07-2008 09:10:52)

Nous avons visité Lunéville il y a déjà quelques années et ne l'avons pas regretté. J'espère que le château a été bien restauré.

Nathalie DOMPTAIL (17-06-2007 13:15:45)

Merci pour cet article, j'habite depuis 6 ans cette ville et elle peut être très intéressante à visiter : surtout autour du château. Mais la mairie a aussi fait des efforts dans toute la ville. E... Lire la suite

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