Charles Quint (1500 - 1558)

L'empereur qui voulait refonder l'Europe

Jakob Seisenegger, Portrait de Charles Quint avec un chien, 1532, musée d'Histoire de l'art de Vienne.Le futur empereur Charles Quint est né en février 1500 près de Gand avec le titre de duc de Brabant. Du fait de la mort prématurée de ses parents et de l'héritage de son grand-père l'empereur Maximilien Ier de Hasbsourg, il va, au gré des héritages et alliances matrimoniales, réunir sur sa tête des couronnes de toute l'Europe qui en feront le souverain le plus prestigieux à défaut d'être le plus puissant.

En naissant, il est déjà archiduc d'Autriche en qualité d'héritier de la famille des Habsbourg. Dans les années qui suivent, il recueille l'héritage flamand des ducs de Bourgogne (Belgique et Pays-Bas actuels) puis les couronnes des rois de Castille et d'Aragon, y compris leurs possessions d'outre-mer... Ainsi pourra-t-on dire que le soleil ne se couchait jamais sur ses possessions, celles-ci s'étendant sur toute la surface du globe.

Pour finir, il succède à son grand-père Maximilien Ier à la tête du Saint Empire en se faisant élire sous le nom de Charles V (Charles Quint en vieux français). Malgré tous ces atouts, ou à cause d'eux, l'empereur va aller tout au long de sa vie de déconvenue en déconvenue jusqu'à son abdication, à 55 ans.

L'empire de Charles Quint

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Charles Quint réunit entre ses mains l'héritage immense de son grand-père Maximilien Ier. Il inclut d'une part les États héréditaires de la famille des Habsbourg, essentiellement en Autriche et dans le bassin du Danube, d'autre part des titres et des possessions plus ou moins précaires ou honorifiques...

Un bilan amer

Pour l'empereur, les complications commencent dès avant son élection par la Diète de Francfort à la tête du « Saint Empire romain de la nation germanique » le 28 juin 1519.

En concurrence avec le roi de France François Ier, il s'endette sans compter auprès des Fugger, une famille de banquiers, pour acheter les votes des grands Électeurs.

Ce faisant, il ne prête pas attention aux menées d'un moine du nom de Luther, qui remet en cause l'autorité du pape, la hiérarchie religieuse et le dogme catholique lui-même ! Quand le jeune empereur s'en préoccupera, il sera déjà trop tard et il devra jusqu'à la fin combattre les nobles allemands désireux de suivre la nouvelle foi luthérienne.

La rivalité avec le roi de France se ravive à propos du duché de Milan, dont l'un et l'autre revendiquent l'héritage. Elle va entraîner Charles Quint dans une autre série de guerres, principalement en Italie. Ces guerres ne donneront aucun résultat et l'on n'en retiendra que quelques manifestations odieuses comme la mise à sac de Rome, du 6 au 13 mai 1527, par les lansquenets allemands du connétable de Bourbon, aux ordres de l'empereur.

Pendant ce temps, le sultan Soliman le Magnifique bat les Hongrois à Mohacs en 1526, s'empare de la plus grande partie de la Hongrie et vient mettre le siège devant Vienne, capitale des Habsbourg...

Au bilan, voilà la Rome pontificale dévastée par des soudards et la chrétienté occidentale divisée entre catholiques et protestants et menacée jusqu'en son coeur par les Turcs musulmans ! Du côté hispanique, que dire ? Les tentatives d'implantation espagnole en Afrique du Nord aboutissent à l'enracinement des pirates barbaresques à Alger, sous l'autorité nominale des Turcs.

Outre-Atlantique, les conquistadors achèvent la conquête du Nouveau Monde, mais c'est au prix de la destruction des anciennes cultures indiennes et de la diffusion d'une économie prédatrice qui ruinera durablement le continent sud-américain...

Charles Quint (1500-1558), par Le Titien (1548)

Abdication résignée

À 55 ans, lassé de tout, malade et usé, Charles Quint est une nouvelle fois éprouvé par son échec face aux protestants d'Allemagne à Augsbourg.

Le 25 octobre 1555, dans la grande salle du château de Bruxelles, devant les députés des dix-sept provinces bourguignonnes, ainsi que les chevaliers de l'ordre de la Toison d'Or et les ambassadeurs et représentants d'une grande partie de l'Europe, le souverain le plus richement doté d'Europe se dessaisit des États bourguignons en faveur de son fils Philippe. C'est ainsi que le 16 janvier suivant, Philippe devient roi des Espagnes et des Deux Siciles sous le nom de Philippe II.

Le 12 septembre 1556, Charles Quint cède à son frère Ferdinand les États autrichiens et le titre d'empereur d'Allemagne, soit tous les domaines et titres hérités des Habsbourg. Il se plie en cela à la règle de partage en vigueur dans le Saint Empire romain germanique.

Ferdinand était déjà roi de Bohème et de Hongrie depuis la mort du souverain de ces États à la bataille de Mohacs.

Fin du rêve impérial

Le vieil empereur, déchargé de tous ses titres, se retire dans une résidence voisine du monastère de Yuste, en Estrémadure, où il mourra le 21 septembre 1558. Il emporte avec lui le rêve médiéval d'un empire chrétien universel. Désormais, en Europe, la paix dépendra de l'équilibre entre les États nationaux et non plus de l'autorité d'un empereur ou d'un pape.

Le rêve brisé de Charles Quint

Guillaume Frantzwa, Le rêve brisé de Charles Quint, 2022, éd. Perrin.Charles Quint aura vécu pour réaliser un grand rêve : instaurer l’unité chrétienne à travers un empire universel. Dans son ouvrage, Le rêve brisé de Charles Quint, 1525-1545 : un empire universel ? (2022, éd. Perrin), l’archiviste-paléographe Guillaume Frantzwa analyse ce dessein politique inédit en Europe depuis Charlemagne. Il raconte avec brio comment ce projet a commencé à prendre forme. Dans une première étape, Charles Quint va d’abord réussir à écarter la France en se faisant élire empereur du Saint Empire au détriment de François Ier puis en remportant la victoire de Pavie en 1525, qui lui permet de surcroît de capturer le monarque français… Si rien ne semble s’opposer à sa puissance durant la décennie suivante, cette phase va ensuite laisser la place à une forme de déliquescence à partir de 1540. Charles Quint doit alors résoudre la crise religieuse qui ravage l’Allemagne mais aussi repousser les assauts de l’empire ottoman, mater les colonies américaines rétives aux réformes de la métropole et contenir les velléités de retour au premier plan de la France. Très documenté, ce livre fournit nombre d’informations et d’analyses qui permettent de mieux comprendre la situation actuelle du continent européen.

Publié ou mis à jour le : 2023-05-07 18:40:47
Doc7438 (12-08-2023 06:42:48)

François 1 le plus célèbre de nos rois entre Louis 9 et Louis 14??? Et Henri 4, alors!!! Pauvre Vert galant!.... (excusez les chiffres, : plus rapide!)

Rémy Volpi (07-08-2023 15:18:14)

On présente Charles Quint comme un homme qui aurait échoué dans son ambition démesurée. Je prétends que cette présentation, au demeurant des plus classiques, est biaisée. Tout d'abord, il faut comprendre que l'empereur du Saint Empire Romain Germanique n'est pas "empereur d'Allemagne". Il est empereur de la chrétienté d'Occident, en tant que bras armé du pape, qui est lui-même le représentant de Dieu sur terre. L'Occident, depuis la chute de l'empire romain d'Occident est une théocratie, l'Eglise romaine étant spirituellement l'héritière vestigiale de l'empire. Et l'alliance des Germains que sont les Francs et de Rome date d'avant la chute, lorsque l'empire fait des Francs ses alliés militaires. Alliance confirmée, après la chute, par le baptême de Clovis à Reims, en 496. Et réitérée et renforcée par le sacre de Charlemagne en 800, au titre d'empereur. Empereur de quoi, sinon de la chrétienté d'Occident, dans le droit fil du modèle impérial romain. Cette alliance se prolongera, après une brève interruption, par l'instauration de ce que l'on appellera ultérieurement le "Saint Empire Romain Germanique". Institution qui est "germanique" en ce que ce sont des "Allemands", au sens ethnique du terme, qui élisent un "roi des Romains", c'est-à-dire roi de la chrétienté d'Occident. Lequel roi est, si affinité, couronné "empereur " par le pape. Empereur de la chrétienté d'Occident donc. Et, en tant que tel, par essence défenseur de l'Église catholique apostolique et romaine.
Toute l'histoire du second millénaire peut se lire comme la lente désagrégation de cet ordre théocratique. D'une part, certains rois s'emploient à se défaire de la tutelle de l'empereur: après la bataille de Bouvines en 1214, Philippe devenu Auguste, roi de France, proclame que "le roi est empereur en son royaume". Ce qui aboutira au XIXè siècle à la division explosive de l'Europe occidentale en Etats-nations souverains. Parallèlement, la théocratie s'estompe avec d'abord la scission cathare et surtout le schisme protestant, que Charles Quint, sa vie durant, s'emploiera à combattre, en particulier aux Pays-Bas (c'est-à-dire, à l'époque, le nord de la France, la Belgique et les Pays -Bas actuels).
Comment le duc de Brabant est-il devenu empereur? : en se donnant la peine de naitre!
En effet, de sa grand-mère maternelle, Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, il hérite des dix-sept provinces des Pays-Bas (soit les Pays-Bas actuels, la Belgique et le nord de la France, alors turbine économique de l'Europe occidentale). Quant à ses grands-parents maternels, ils règnent sur l'Espagne, l'Italie méridionale et les territoires du Nouveau Monde. À l'âge de 16 ans, à la mort de son grand-père Ferdinand d'Aragon, il devient Charles 1er d'Espagne, et Charles II de Naples. À la mort de son grand-père paternel, Maximilien 1er, en 1520 il hérite de l'archiduché d'Autriche et réussit, contre François 1er et Henri VIII d'Angleterre à se faire élire empereur du Saint Empire, sous le nom de Charles V. Il n'a que 20 ans.
En résumé, Charles Quint n'a jamais rêvé d'être à la tête d'un empire universel. Il l'a été de fait, et s'est affligé d'avoir échoué à faire rendre gorge aux 7 provinces unies (les Pays-Bas actuels) qui se sont déclarées indépendantes de l'Église romaine. Son échec s'est concrétisé plus tard, près de cent ans après son abdication, par la paix de Westphalie en 1648, qui mettait fin à la guerre de 80 ans (entre les Espagnols et les 7 provinces sécessionnistes) et la guerre de 30 ans entre catholiques et sécessionnistes protestants en Allemagne. Soit la fin de la théocratie de l'Europe occidentale. Qui s'est concrétisé en France par la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905.

Osmane (12-05-2023 12:17:47)

Remarquable article très complet fouillé et objectif

Jean-Luc AUDOUX (28-08-2013 22:00:18)

Bonsoir,
Apparemment il n'est plus possible d'appeler un nom (par exemple "Granvelle") pour retrouver la liste des articles Hérodote qui se réfèrent à ce nom ? Est-ce définitif, ou bien ais-je mal cherché ?

Salutations Cordiales
Jean-Luc AUDOUX

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