661 à nos jours

Les musulmans chiites et l'origine du chiisme

Peu après la mort du prophète Mahomet, la communauté musulmane a été affectée par deux scissions majeures, le kharidjisme et le chiisme. Elles sont dues à des querelles entre ses proches, dont son gendre Ali, époux de sa fille Fatima.

En 656, Ali succède à Othman, le troisième calife (ou remplaçant du prophète Mahomet)...

Les partisans d'Ali (chiites) s'opposent aux orthodoxes (sunnites)

Le nouveau calife et ses partisans (en arabe, chiites ou chi'ites) prônent une grande rigueur dans la mise en pratique de l'islam et l'assimilation des populations conquises. Ils recommandent aussi que le califat revienne aux descendants en ligne directe du prophète, de la tribu koraïchite. Ils s'opposent sur ces points aux orthodoxes ou sunnites, adeptes d'une application souple de la doctrine musulmane (la sunna).

C'est ainsi que se constitue une première division au sein de l'islam...

Mais en acceptant de s'en remettre, sur ces points, à un arbitrage humain plutôt qu'à la justice divine (et à la force des armes), le calife Ali se met à dos une partie de ses partisans qui sortent de son camp et forment la secte des kharidjites (du verbe arabe kharadja, sortir). L'un d'eux assassine Ali d'un coup d'épée empoisonnée en 661. C'est le début de la fitna (« discorde » en arabe) au sein de la communauté musulmane.

La secte kharidjite va s'épanouir chez les Berbères d'Afrique du Nord, autour de Tahert (Algérie actuelle). Elle est aujourd'hui très marginale...

En attendant, les partisans d'Ali, conduits par le fils cadet de celui-ci, Al-Hussein, affrontent les sunnites à Kerbela en 680. Ils sont défaits et la mort d'Al-Hussein va consommer la rupture entre sunnites et chiites.

Les chiites dans le monde actuel

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Les musulmans chiites au Moyen-Orient (carte : Alain Houot et Herodote.net) Les chiites duodécimains (ils reconnaissent douze imams) représentent aujourd'hui environ 15% de l'ensemble des musulmans (environ 150 millions de fidèles). Ils sont très majoritaires en Iran (60 millions sur 70 millions d'habitants). Ils sont aussi majoritaires en Irak (60% des 30 millions d'Irakiens) où ils ont été jusqu'à ces dernières années opprimés par les Arabes sunnites (15% de la population), d'où les désordres actuels.

Ils sont devenus au Liban, ces dernières années, la communauté religieuse la plus nombreuse, devant les chrétiens, ce qui explique là aussi les tensions politiques. Ils sont présents aussi dans le nord de l'Arabie séoudite et dans les émirats du Golfe (une dizaine de millions) ainsi qu'à l'est de la Turquie (environ 15% des 70 millions de Turcs).

N'oublions pas surtout que le deuxième pays chiite au monde après l'Iran est le... Pakistan, avec plus de 40 millions de chiites pour 120 millions de sunnites.

Les différentes branches du chiisme

Les musulmans chiites, restés fidèles à Ali, attribuent une importance cruciale au culte de l'imam (d'après le mot arabe amâma qui veut dire devant). Cet imam chiite n'a rien à voir avec l'imam qui, chez les sunnites, préside simplement à la prière dans les mosquées.

L'imam, selon les chiites, est un homme de la descendance d'Ali. Il est réputé infaillible dans l'interprétation du sens caché du Coran. Tous les fidèles lui doivent allégeance. Est de même réputée infaillible Fatima, la fille du Prophète et l'épouse d'Ali. 

Malheureusement, les chiites ne s'accordent pas sur le nombre d'imams légitimes.

• Les chiites duodécimains :

La plus grande partie d'entre eux s'accordent sur l'existence de douze imams, y compris Ali et ses deux fils. Ce sont les chiites duodécimains ou imamites.

D'après eux, le douzième et dernier imam aurait disparu en 873, à l'âge de 8 ans, du côté de Samarra, près de Bagdad, pour fuir les persécutions et échapper à la mort violente qu'avaient connue tous ses prédécesseurs. Cet « Imam caché » est appelé à revenir à la fin des temps pour juger les hommes.

En 1501, Chah Ismaïl prend le pouvoir en Iran. Fondateur de la dynastie séfévide, il adopte le chiisme duodécimain pour marquer sa différence avec le sultan ottoman, son principal ennemi. Depuis lors, les chiites duodécimains sont prédominants en Irak et en Iran. Ils sont aussi très présents au Liban où ils ont créé les milices du Hezbollah.

• Les chiites septimaniens :

Une autre branche très influente - quoique moins nombreuse - est le chiisme septimanien ou ismaélien, qui reconnaît l'existence de sept imams seulement, le dernier étant Ismaïl, disparu vers 765. Pour les ismaéliens, Mahomet s'inscrit dans une lignée de prophètes dont le dernier et le plus pur sera le Mahdi (guide suprême). Ces ismaéliens sont quelques millions autour de l'océan Indien, en Inde et en Afrique.

Religion et politique chez les chiites

Les chiites respectent comme les sunnites les cinq piliers de l'islam et le dogme central du Dieu unique.

Mais à leur différence, ils pratiquent le culte des morts, honorent leurs saints dans des sanctuaires, de prestigieux lieux de pèlerinage, tous situés hors d'Iran à l'exception de Machad. Notons également qu'ils respectent leur patrimoine à la différence des sunnites de la secte wahhabite (au pouvoir dans la péninsule arabe).

Ils s'autorisent surtout le droit d'interpréter les textes sacrés (ijtihad) et se distinguent enfin par l'existence d'un clergé très hiérarchisé, proche de la population et indépendant du pouvoir politique. Les plus habiles dans l'interprétation des textes sacrés peuvent monter dans la hiérarchie jusqu'à devenir ayatollah (ou « signe de Dieu »).

Ces chefs religieux se signalent par leur charisme, leur science et leur foi. Ils portent en Iran le nom de leur ville d'attache. Ainsi Rouhollah Mostafavi, mort en 1989, est-il plus connu sous le nom de Khomeiny (de la ville de Khomeyn) et Ali-Akbar Hâchemi sous celui de Rafsandjâni (de Rafsandjân). Chaque ayatollah a ses fidèles, qui s'attachent à lui en fonction de son interprétation personnelle des textes sacrés.

Au sommet de l'État, il s'ensuit des différences majeures quant au gouvernement. Tandis que les musulmans sunnites acceptent la confusion de l'autorité politique et de l'autorité religieuse en une même personne (autrefois le calife, aujourd'hui le souverain, comme au Maroc, ou plus trivialement le dictateur du moment), les chiites distinguent la sphère politique et la sphère religieuse et la plupart des ayatollah répugnent à mêler les deux...

Une anomalie dans le chiisme : la République islamique d'Iran

Par un fait curieux, c'est un ayatollah atypique, Khomeiny, partisan de l'engagement en politique, qui a récupéré à son profit la révolution antimonarchiste de 1978 !

C'est ainsi que dans l'actuelle République islamique d'Iran, le président élu de la République doit composer avec le « Guide de la Révolution » (l'ayatollah Khomeyni, jusqu'à sa mort en 1989, puis l'ayatollah Ali Khamenei). Il est nommé par un conseil de 80 religieux ou mollahs, le Conseil des experts. Le Guide de la Révolution, qui est aussi le chef de l'État, possède d'importantes prérogatives (nominations...) et figure hiérarchiquement au-dessus du Président, ce qui confirme l'orientation théocratique du régime mais limite les risques de dérive autocratique.

Ismaéliens, Fatimides et Nizarites

Au début du Xe siècle, un prédicateur ismaélien du nom d'Obéïd Allah se présente comme le descendant de Fatima, la fille du Prophète, et l'héritier d'Ismaïl.

Reconnu en Afrique du Nord comme le Mahdi, il fonde en 909 un califat dissident du califat sunnite de Bagdad. Établi à Kairouan (Tunisie actuelle), ce califat fatimide va d'abord régner sur l'Afrique du Nord, avant qu'il n'en soit chassé par des soulèvements populaires.

Ayant conquis l'Égypte en 969, les Fatimides s'installent en 972 au Caire et, pendant deux siècles, vont faire la prospérité du pays. Aux alentours de l'An Mil, sous le règne du calife Hakim, des prédicateurs ismaéliens fondent la secte des Druzes.

Un siècle plus tard, une lutte de succession à la tête du califat occasionne la naissance d'une nouvelle dissidence à l'initiative d'Hassan ben Sabbah. Celui-ci établit à Alamout, au-dessus de la mer Caspienne, la secte des ismaéliens nizarites, du nom de Nizar, un Fatimide victime de la lutte successorale. Ses fidèles sont aussi connus sous le nom d'Assassins

Établis au Liban, en Israël et en Syrie, au nombre d'environ 250 000, les Druzes occupent aujourd'hui une place à part dans le monde islamique. Leurs rites secrets font dire à certains observateurs qu'ils ne sont pas à proprement parler des musulmans.

Alban Dignat
Des « Assassins » à l'Aga Khan

Les ismaéliens nizarites d'aujourd'hui sont dirigés par l'Aga Khan. Celui-ci descend de Buzurg Umid, successeur d'Hassan ben Sabbah à la tête de l'État nizarite. Bien que n'ayant pas d'État territorial, ii est le chef respecté (et très riche) d'une communauté pacifique de quinze millions de personnes présentes principalement sur les bords de l'Océan indien, y compris en Afrique orientale. Sa femme porte le titre de Bégum, bien connu de la presse magazine. On est loin ici de la réputation sulfureuse des Assassins.

Publié ou mis à jour le : 2021-01-17 18:11:13

Voir les 7 commentaires sur cet article

BONHOURE (19-02-2021 09:33:32)

Où placer Omar Khayam, le poëte persan du Xème siècle? Dans les années 56-57, en Algérie, j'ai à deux reprise accompagné des amis musulmans à une fête, dans les hauts plateaux algériens,... Lire la suite

Francis (03-06-2017 17:26:35)

Henry CORBIN fut le plus grand spécialiste français de la pensée chi'ite en islam iranien...

Anonyme (25-01-2016 06:42:30)

"Chiites indépendants du pouvoir politique"mais qui tiennent le pouvoir politique comme le montre cet article en Iran .

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