Des origines à nos jours

Toulouse, porte de l'Espagne, reflet de l'Italie

Toulouse doit à la prévalence de la brique le surnom de « Ville rose ». Ses origines se perdent dans la nuit des temps. La cité est née sur une boucle de la Garonne, à l'endroit où le fleuve bifurque vers l'océan Atlantique en s'étalant dans sa vallée.

À Toulouse, l'on doit le premier concours de poésie, l'expression « pays de cocagne », l'invention du capitalisme, la naissance de l'aéropostale et jusqu'à la naissance du tango argentin ou du moins de son promoteur, Charles (Carlos) Gardel...

Le Pont Neuf (Toulouse), photo : Fabienne Vignolle

Émergence d'une capitale

À l'époque celte, elle est le lieu de rassemblement de la tribu des Volques Tectosages. Les Romains l'incluent dans leur province de Narbonnaise et lui donnent le nom de Tolosa. Saturnin (ou Sernin) y introduit le christianime et devient le premier évêque de la ville. L'église en briques roses de Notre-Dame du Taur (ou du taureau) rappelle son martyre.

Avec les invasions barbares, le destin de Toulouse bascule. Les Wisigoths s'établissent dans la cité en 419 et en font la capitale de leur royaume qui couvre le bassin aquitain et une bonne partie de la péninsule espagnole.

Le Capitole, siège de la mairie, oeuvre de l'architecte Cammas (Toulouse), photo : Fabienne Vignolle

Cette fragile construction est mise à mal par le roi des Francs, Clovis, qui bat les Wisigoths à Vouillé, près de Poitiers (lieu prédestiné aux rencontres entre le sud et le nord), en 506. Les Wisigoths se replient au sud des Pyrénées et s'établissent à Tolède pour deux siècles, jusqu'à l'invasion arabe.

Dans l'anarchie mérovingienne, à l'époque des rois fainéants, Toulouse devient la capitale d'un duché franc d'Aquitaine, indépendant de fait. Quand surviennent les Arabes, le duc Eudes va à leur rencontre et les repousse. La bataille précède de peu l'exploit mythique de Charles Martel près de Poitiers.

À l'époque de la dynastie carolingienne, issue de Charles Martel et Charlemagne, le duché deToulouse confirme son indépendance. Aux alentours de l'An Mil, les aléas des successions entraînent sa division entre un duché d'Aquitaine tourné vers l'Atlantique et un comté de Toulouse tourné vers la Méditerranée et dont Toulouse reste la capitale.

Le premier comte est Frédelon, contemporain des serments de Strasbourg. Lui succède son frère Raymond (ou Raimon) et la descendance de celui-ci, de la famille de Saint-Gilles, d'après le nom d'une petite ville du marquisat de Provence.

Des comtes heureux

Toulouse et sa région vont s'épanouir sous la suzeraineté des comtes de Saint-Gilles. Aux portes de l'Espagne, ouverte aux cultures méditerranéennes, musulmanes, latines et hellénistiques, la ville va développer une civilisation originale marquée par le droit romain et empreinte de joie de vivre.

Le comte Raimon IV de Saint-Gilles affirme sa notoriété dans la chrétienté en conduisant la première croisade, aux côtés de Godefroi de Bouillon. En Terre sainte, il se taille un fief prestigieux, le comté de Tripoli (d'après une ville qui fait aujourd'hui partie du Liban).

Saint-Sernin est la plus vaste des églises romanes (Toulouse), photo : Fabienne VignolleQuelques décennies plus tard, au XIIe siècle, on construit au-delà des murailles de Toulouse la basilique Saint-Sernin pour abriter les reliques du martyr.

Saint-Sernin, tout de pierres et de briques, reste l'un des premiers et des plus magnifiques exemples d'architecture romane.

À la même époque, en 1152, comme les comtes guerroient ici et là - plus souvent là qu'ici -, un conseil municipal inspiré des républiques urbaines d'Italie prend en charge le gouvernement au jour le jour de la ville.

Ces magistrats municipaux au nombre de huit, en robe rouge et noire, forment le chapitre. Au fil du temps, par référence à la Rome antique, on les baptise capitouls et la maison commune devient rien moins que le Capitole ! Élus en général chaque année, les capitouls représentent la bourgeoisie locale, qui vit de l'agriculture de rente et du négoce, et administrent la cité tout en restant soumis au comte de Toulouse, leur suzerain féodal.

La bourgeoisie toulousaine est à l'origine de la première société par actions de l'ère moderne. Il s'agit de la compagnie des Moulins du Bazacle, constituée au XIIe siècle pour gérer et développer les moulins de barrage qui ceinturent la Garonne en amont de la ville.

À l'aube du XIIIe siècle, le plus grand siècle du Moyen Âge occidental, celui des cathédrales gothiques, une calamité s'abat sur la ville et le comté avec l'hérésie cathare.

Cette interprétation intégriste de l'Évangile, qui rejette le plaisir charnel et tous les agréments de l'existence, suscite contre elle la prédication de Saint Dominique de Guzman. Celle-ci se révélant insuffisante, le pape Innocent III appelle les chrétiens à une croisade.

Cette croisade contre les Albigeois va exciter la haine et la cupidité des barons. Après plusieurs décennies de ravages et de malheurs en tous genres, le dernier comte de la dynastie de Saint-Gilles, Raimon VII, donne sa fille et héritière, Jeanne, en mariage à Alphonse, frère du roi de France. Le Midi toulousain perd définitivement son indépendance.

Près d'un siècle après ces mauvais souvenirs, l'ancienne capitale des Wisigoths et des comtes de Saint-Gilles retrouve son antique prospérité. C'est ainsi que le 3 mai 1324, des troubadours se livrent à une joute poétique. Renouvelée d'année en année, la compétition va donner naissance aux Jeux Floraux, première académie littéraire du monde.

Au plus fort de la guerre de Cent Ans, quand le « petit roi de Bourges », Charles VII, est chassé de Paris et rejeté par sa famille et les grands féodaux du nord, les états généraux du Midi, autour de Toulouse, lui renouvellent leur confiance, attestant ainsi de leur ralliement durable au royaume capétien.

Toulouse devient peu après la capitale du gouvernement du Languedoc et se dote d'un Parlement.

L'hôtel d'Assézat (Toulouse, XVIe siècle)

Pays de cocagne

Au XIVe siècle, le renouveau économique et le développement de l'industrie textile, et surtout l'engouement des consommateurs pour une couleur jusqu'alors négligée, le bleu, entraînent en Europe une forte demande de... pastel. Il s'agit d'une teinture tirée d'une plante appelée guède. Elle fournit sept nuances de bleu (bleu roi, bleu reine, bleu de France...) au terme d'un très complexe traitement.

Les feuilles sont malaxées dans des moulins pasteliers et mises à fermenter. Il en résulte une pâte (d'où vient le mot pastel). Cette pâte en forme de boule (coque) est fermentée une deuxième fois et transformée en granulés à partir desquels sera tiré le colorant.

La région toulousaine, et plus précisément le triangle Toulouse-Albi-Castelnaudary, va devenir la zone de production privilégiée du pastel en Europe, accédant à une prospérité sans égale pour l'époque.

C'est ainsi que la Toulouse de la première Renaissance, au temps de François 1er, serait à l'origine d'une expression appelée à un grand succès : « pays de cocagne  », synonyme de pays riche et heureux (d'après certains philologues, le mot cocagne viendrait de coque, nom donné à la boule de pastel prête à la commercialisation).

La ville étant victime d'un grand incendie en 1463, les bourgeois toulousains enrichis dans la culture et le commerce du pastel saisissent cette opportunité pour embellir la cité. Ils se font construire de splendides hôtels particuliers dans la brique rose du pays.

L'hôtel d'Assézat est le témoignage le plus accompli de cette époque. Il accueille aujourd'hui l'Académie des Jeux Floraux.

L'un des plus fameux marchands de la Renaissance toulousaine est Jean de Bernuy. Il est assez riche pour se porter caution du roi François 1er lorsque celui-ci est capturé à Pavie en 1525 et astreint à un lourd tribut par son rival l'empereur Charles Quint.

L'orgueilleux marchand se fait construire un splendide hôtel pour rivaliser avec ses homologues. Il aménage sur un côté de la cour une belle loggia en pierre, dans le style italien, qui n'a d'autre fonction que décorative.

L'hôtel de Bernuy (Renaissance), photo : Fabienne Vignolle Ayant accédé à la fonction de capitoul, Jean de Bernuy fait surélever la tour-escalier de la cour jusqu'à 25 mètres, manifestant ainsi son élévation sociale.

La ville compte un total d'environ 41 tours similaires, qui étaient aux bourgeois de cette époque ce que sont les montres Patek ou Rollex à ceux d'aujourd'hui...

Cette prospérité quelque peu insolente prend fin à la fin du XVIe siècle avec le déclin du pastel, que concurrence l'importation de l'indigo importé du Nouveau Monde.

Au temps de Louis XIV et de son ministre Colbert, un dynamique entrepreneur de Béziers, Pierre-Paul Riquet, lance l'idée d'un canal entre la Méditerranée et l'Atlantique. Le canal du Midi est construit entre 1667 et 1681. Aujourd'hui, cette voie d'eau à petit gabarit contribue à l'agrément et à la beauté du paysage mais ne sert plus guère au transport de marchandises. Elle a été inscrite par l'UNESCO au patrimoine mondial de l'humanité.

Sous le règne de Louis XV, Toulouse se dote de splendides monuments à la gloire du pouvoir, comme beaucoup d'autres capitales de province (Bordeaux, Rennes, Nancy...). C'est ainsi qu'est reconstruit en 1750 le Capitole, siège de l'actuelle mairie. Sur la façade classique, huit colonnes en marbre rose représentent les huit capitouls. Un escalier d'apparat donne accès au premier étage et à la Salle des Illustres, une « galerie des Glaces » version toulousaine.

Adepte du style classique, l'architecte Cammas conserve néanmoins la cour intérieure et la tour des Archives, surnommée le « Donjon », qui remontent l'une et l'autre à la Renaissance.

La récente rénovation de cet ensemble architectural en fait l'un des plus beaux de France.

Le « siècle des Lumières » est à Toulouse marqué par l' affaire Calas, du nom d'un négociant protestant injustement condamné à mort pour le meurtre de son fils. Voltaire va obtenir sa réhabilitation au terme d'un combat épique. Il tirera de son expérience des écrits lumineux sur la tolérance et la justice.

Toulouse et sa région vont connaître un net déclin politique, démographique et économique au XIXe siècle.

Après la Première Guerre Mondiale, la Ville Rose entrera dans la révolution industrielle avec l'implantation d'usines de munitions loin de la frontière allemande et d'une usine d'engrais azotés, la plus importante d'Europe (l'actuelle AZF!).

Cité de l'espace

La clé du renouveau tiendra surtout à l'aéronautique. Un brillant citoyen de la ville voisine de Muret, Clément Ader, a mis au point le premier avion (l'invention du mot lui revient), un engin en forme de chauve-souris à bord duquel il s'est envolé le 9 octobre 1890.

50% Plus tard, entre les deux guerres mondiales, le développement des premières lignes aériennes postales entre l'Europe et l'Amérique du sud suscite la création d'une entreprise prestigieuse, l'Aéropostale. Des pilotes de légende comme Jean Mermoz vont s'illustrer dans cette compagnie.

C'est à Clément Ader, Latécoère et aux pilotes de l'Aéropostale que Toulouse doit aujourd'hui sa place de capitale européenne de l'industrie aérospatiale.

Les heures de gloire de la Ville Rose, les plus anciennes comme les plus récentes, se lisent aujourd'hui dans les fresques de Raymond Moretti, qui décorent les arcades en briques de la place du Capitole.

Publié ou mis à jour le : 2023-11-22 15:57:52
BARRIER (12-07-2014 22:49:43)

Article très intéressant sur Toulouse
Le Mirail est effectivement un grand gachis. Dommage

Primo Haouzi (04-06-2014 17:53:31)

Il nous faut donc attendre la toute dernière partie, et entre parenthèse, pour que le mot "langue d'oc" (ou occitan, comme on veut) apparaisse enfin!!! Aucune référence ni à la culture, ni à la langue, encore moins à la littérature, dans la langue de la ville dont vous vous permettez d'écrire une histoire!
Et même lorsque cela va de soi : "capitoul", la référence au capitole romain n'est que tardive, le capitol étant avant l'exact équivalent du "chapitre" français, ce qui explique aisément le nom des membres de ce capitol. Il en est de même pour coca qui donne cocagne. Et les jeux floraux qui avaient pour objectif de perpétrer la tradition des trobadors, poètes et compositeurs de langue d'oc.
Non, l'occitan n'a pas été inventé par le Maire Louis Bazerque au milieu du XXème siècle pour nommer son nouveau quartier "Miralh"; c'est uniquement que c'est la langue de pays depuis 1000 ans au moins (si l'on s'en tient au "moment" où le latin courant se transforme définitivement en langue; mais presque le double si l'on considère l'occitan, comme toutes les langues latines d'ailleurs, comme l'adaptation locale (et dans le temps) du latin parlé).
Pourquoi faut-il toujours rappeler ces évidences, pourquoi faut-il toujours supplier pour obtenir le simple droit que l'on dise enfin la vérité historique et que l'on cesse de nier l'existence de nos langues et de nos cultures ???
Cela aurait-il écorché vif l'auteur de ce texte que de reconnaître à un moment donné que Toulouse (Tolosa), au-delà des clichés exotiques, au-delà des détails insolites (aussi intéressant que ce soit de savoir que le capitalisme y est né!), est aussi et avant tout une ville emprunte d'une culture et d'une langue qui l'ont marqué et continue de l'habiter aujourd'hui encore, malgré ce que croient ou laissent croire les récits nationalistes franchouillards. Dommage, pour un site qui cherche à faire référence... je vais de déception en déception face au traitement servile de ce qui touche "l'histoire officielle".

marcdufresne (19-05-2013 01:35:15)

j'ai vu Montaudran avec mon fils Luc de Toulouse,mon pellerinage personnel ou j'ai cru voir dans le lointain l'avion de mon très cher Saint-Ex qui a marqué toute ma vie par ses écrits sur le courag... Lire la suite

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