Dernier héritier des rois capétiens et avant-dernier souverain français (avant Napoléon III), Louis-Philippe Ier arrive sur le trône par effraction, porté au pouvoir par les représentants de la bourgeoisie libérale, au nez et à la barbe des monarchistes légitimistes et des républicains.
Désigné comme « roi des Français » et non plus roi de France comme ses prédécesseurs, il va introduire en France une monarchie constitutionnelle à l'anglaise, avec pour seule ambition la paix et la prospérité communes.
Louis-Philippe est ainsi le seul souverain français à n'avoir jamais engagé de guerre. Mieux, il a réussi une Entente cordiale avec l'ennemie héréditaire, l'Angleterre. Malgré (ou à cause de) cela, il a été honni tant à droite qu'à gauche de l'échiquier politique...
Roi usurpateur
Le duc Philippe d'Orléans (56 ans), cousin des derniers rois Bourbons, est le fils du régicide Philippe d'Orléans, alias Philippe-Égalité. Lui-même a participé à la bataille de Valmy et il aime à se faire appeler M. de Valmy !
C'est donc un libéral bon teint. Il accepte le 7 août 1830, à l'issue de la Révolution des « Trois Glorieuses », de se voir décerner par les deux Chambres le titre de « roi des Français » sous le nom de Louis-Philippe Ier.
Les monarchistes « légitimistes » y voient une nouvelle trahison de la famille honnie des Orléans, branche cousine des Bourbons et contribuent avec les républicains, les socialistes et les bonapartistes à miner la « monarchie de Juillet » (ainsi qualifiée parce qu'issue de la Révolution de juillet 1830).
Du fait de ces ressentiments multiples, le régime est confronté à des émeutes et des manifestations parfois violentes dont la dernière lui sera fatale.
Dès le début du règne, Louis-Philippe devient la cible de la presse.
Déféré devant la cour d'assises pour offense au roi, le journaliste Charles Philippon en ressort le 14 novembre 1831 avec une planche de croquades immédiatement publié par La Caricature. Elle va pour toujours assimiler la tête de Louis-Philippe à une poire !
Les 5 et 6 juin 1832, les manifestations qui entourent les funérailles du général Lamarque, l'un des chefs républicains, se soldent par 600 morts ou blessés.
Quant aux ouvriers, c'est en vain qu'ils se révoltent contre l'écrasement des salaires. Le Président du Conseil Casimir Périer arrive à réprimer la première révolte des canuts de Lyon en 1831 sans effusion de sang. Le ministre de l'Intérieur Adolphe Thiers, futur massacreur de la Commune et président de la République, n'a pas les mêmes scrupules avec la deuxième, en 1834 : 600 morts.
Ce drame retentit dans la capitale : des barricades s'élèvent dans le quartier de Beaubourg dès le 13 avril 1834. Le général Bugeaud, avec 40 000 hommes, rétablit l'ordre sans trop de mal. Mais au 12 rue Transnonain (actuelle rue Beaubourg), d'où ont été tirés des coups de feu, les soldats répliquent et tuent tous les habitants. Le dessinateur Honoré Daumier va en tirer un dessin émouvant : il montre, non pas le massacre, faute de quoi la censure aurait interdit la publication, mais seulement de pitoyables victimes au pied de leur lit.
Le roi est aussi visé par un total de sept attentats dont celui du conspirateur républicain Giuseppe Fieschi, le plus meurtrier, le 28 juillet 1835. Sa machine infernale fait dix-huit morts dans le cortège royal sans atteindre Louis-Philippe. Le roi promulgue peu après les lois de septembre ou « lois scélérates » sur les actes de rébellion et la liberté de la presse.
Une France tranquille
Nonobstant ces crises, Louis-Philippe Ier apparaît comme le « roi-bourgeois » par excellence, mari aimant et bon père. Sa vie paisible aux Tuileries, auprès de la reine Marie-Amélie et de leurs cinq fils, reflète les aspirations de la bourgeoisie de son époque. Son règne est une longue période de paix et de relative prospérité durant laquelle, fait exceptionnel, n'apparaît aucun impôt nouveau. Honoré de Balzac témoigne dans son oeuvre romanesque, la Comédie humaine, de la petitesse d'esprit des rentiers et des propriétaires de cette époque.
La présidence du Conseil est assurée par des hommes de qualité, en particulier l'austère François Guizot, qui jette les bases de l'éducation publique mais sous-évalue les aspirations populaires à davantage de démocratie. Comme président du Conseil ou comme simple ministre sous l'autorité de Soult ou du comte Jean-Mathieu Molé, il demeure la principale figure du règne. Le maréchal Jean-de-Dieu Soult, duc de Dalmatie, dirige le gouvernement en père tranquille pendant une dizaine d'années au total, en 1832-1834, 1839-1840 et de 1840 à 1847.
Louis-Philippe Ier, dans un souci d'œcuménisme, restaure le palais de Versailles, à l'abandon depuis le départ de Louis XVI, en octobre 1789, et y installe un musée de l'Histoire de France, avec, au fronton, l'inscription : « À toutes les gloires de la France ». Il organise aussi le retour des cendres de Napoléon (15 décembre 1840) et fait élever, à l'est de la capitale, les colonnes du Trône, qui rappellent l'entrée solennelle de Louis XIV et Marie-Thérèse à Paris (tous les rois, à leur avènement, jusqu'à Louis XVI, procèdent à une « entrée solennelle » dans la capitale).
La paix par-dessus tout
La « monarchie de Juillet », à l'image du souverain, s'affiche résolument pacifique. C'est ainsi qu'en 1840, le roi démet prestement son jeune et turbulent Président du Conseil Adolphe Thiers, qui prétendait engager la France dans une nouvelle guerre avec l'Angleterre. Il rappelle à la tête du gouvernement le vieux maréchal Soult et tout rentre dans l'ordre.
Mieux encore, le roi des Français noue une relation cordiale avec la jeune reine d'Angleterre Victoria. Leurs embrassades bon chic bon genre au château d'Eu, en 1843, se conclut par une première « Entente cordiale » (l'expression est de François Guizot). Elle met fin à six siècles d'hostilité quasi-continue entre l'Angleterre et la France. La seule autre tentative de rapprochement entre les deux ennemies héréditaires remonte à François Ier et Henri VIII, au « camp du Drap d'Or », et avait piteusement échoué.
La seule guerre notable de cette époque est la conquête de l'Algérie, entamée par son prédécesseur Charles X et relancée par... Abd el-Kader. Louis-Philippe lui-même est le seul souverain français des derniers siècles qui n'ait jamais engagé une guerre de sa propre initiative !
Cet irénisme n'est pas du goût de tout le monde. Les bourgeois libéraux rêvent d'épopées, à l'image du poète et député Alphonse de Lamartine. À la tribune de l'assemblée, le 10 janvier 1839, il répond au président du Conseil Adolphe Thiers : « La France est une nation qui s'ennuie » !
Ces rêveurs vivent dans le souvenir de la Grande Révolution et de Napoléon Ier. Leur nostalgie est alimentée par le « Retour des cendres » ; leur opposition à la monarchie de Juillet se nourrit des caricatures qui ridiculisent la personne du roi et des scandales qui discréditent les grandes familles (ainsi le meurtre horrible de la duchesse de Choiseul-Praslin par son mari pendant l'été 1847).
Ils finissent par renverser le régime et imposer une IIe République au terme d'une brève révolution, endeuillée par le massacre du boulevard des Capucines, le 23 février 1848 (seize morts).
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