Margaret Thatcher (1925 - 2013)

La Dame de fer

François Mitterrand a dit d'elle qu'elle avait « la bouche de Marilyn et le regard de Caligula ».

Adulée et regrettée par beaucoup de Britanniques à qui elle a rendu un sentiment de fierté nationale, détestée et vilipendée par tous ceux qui voient en elle l'incarnation du libéralisme et de ses dérives, Margaret Thatcher, Premier ministre conservateur (tory) de 1979 à 1990, fait sans aucun doute partie des personnages les plus importants et les plus controversés de la fin du XXe siècle.

Yves Chenal

Une figure à part dans la politique britannique

Née le 13 octobre 1925 à Grantham (Lincolnshire), modeste bourgade anglaise, Margaret Roberts est la cadette d'une famille d'épiciers. Son père, auquel elle voue une immense admiration, est un prédicateur de l'Église méthodiste, bénévole et laïc. Elle l'assiste régulièrement dans sa boutique.

Margaret Thatcher (13 octobre 1925, Grantham ; 8 avril 2013, Londres), DRGrâce à une bourse, elle suit des études de chimie à l'université d'Oxford où elle est élue présidente de l'association des étudiants conservateurs. Par la suite, à 25 ans, elle tente sa chance dans une circonscription travailliste, à Dartford (Kent). Ayant échoué honorablement, elle reprend des études juridiques, trouve le temps de se marier à Dennis Thatcher, un entrepreneur de dix ans son aîné. Le couple a deux enfants en 1953, des jumeaux : Mark et Carol (« deux à la fois, pour ne pas perdre de temps », persiflent ses ennemis).

Après cet intermède familial, elle se fait élire députée de Finchley, circonscription bourgeoise du nord de Londres, le 8 octobre 1959, puis progresse régulièrement dans la hiérarchie du parti conservateur, devenant ministre de l'éducation en 1970 dans le gouvernement d'Edward Heath.

Son origine populaire tranche avec celle de la plupart des dirigeants conservateurs et lui vaut nombre de quolibets, mais s'avérera par la suite un atout pour faire adopter certaines mesures. Elle s'attire une première tranche d'impopularité en supprimant la distribution gratuite de lait aux enfants des écoles (en échange de crédits supplémentaires pour l'éducation).

À la tête du parti conservateur

Margaret Thatcher en septembre 1975 (13 octobre 1925, Grantham ; 8 avril 2013, Londres), DRInsistant sur la nécessaire réduction de la pression fiscale et la chasse aux dépenses inutiles, Margaret Thatcher ne s'inscrit pourtant pas dans la tradition conservatrice. Ainsi, en matière de moeurs, elle vote la décriminalisation de l'homosexualité et la légalisation de l'avortement contre la grande majorité de son parti. Le 11 février 1975, à la surprise générale, elle parvient à prendre la tête du parti conservateur à la place d'Edward Heath : c'est la première femme à occuper ce poste.

Elle donne aux tories - conservateurs - une nouvelle identité et un nouveau programme. Jusque-là, en effet, les conservateurs n'avaient pas réussi à proposer d'alternative à l'État-providence né après la Seconde Guerre mondiale, ni même réellement essayé.

Pour Margaret Thatcher, adepte de la doctrine ultralibérale et monétariste de Friedrich Hayek et Milton Friedman, il faut limiter la masse monétaire en circulation pour lutter contre l'inflation qui ronge l'économie. Il convient également de redonner à la population le sens de l'effort et de la réussite individuelle, en réduisant le rôle des syndicats et de l'État. À ses détracteurs, elle assène un cinglant : « There is no alternative » (résumé par l'anagramme TINA ; Il n'y a pas d'autre choix).

Cassante, incisive, elle affiche ses convictions et ses haines sans souci du consensus (« Elle croit ce qu'elle dit, elle dit ce qu'elle pense... C'est effrayant », dit l'un de ses proches). En matière de politique étrangère, l'URSS est le grand ennemi qu'elle dénonce à longueur de discours, ce qui lui vaut de la part des journalistes soviétiques le surnom de « Dame de fer ».

Un Premier ministre inflexible

L'hiver 1978-1979 voit une nouvelle flambée de grèves et une montée de la contestation, le « winter of discontent », expression tirée du Richard III de Shakespeare. Le Royaume-Uni apparaît comme un État en voie d'appauvrissement et en déclin accéléré, avec une industrie laminée par le désinvestissement et les grèves à répétition. C'est dans ce climat crépusculaire qu'explose la bombe Thatcher...

Soutenus par une campagne de publicité inspirée des pratiques américaines, les conservateurs remportent la victoire aux législatives et Margaret Thatcher devient ainsi le 4 mai 1979 la première femme Premier ministre du Royaume-Uni. Elle gardera le pouvoir pendant plus de 11 ans, jusqu'au 22 novembre 1990.

Elle met en oeuvre une politique de lutte contre les syndicats et de privatisation des entreprises publiques, mais son premier mandat est difficile. Les économies budgétaires restaurent le cours de la livre sterling et réduisent l'inflation mais aggravent le chômage et le déficit commercial. Les résultats se font attendre et le mécontentement demeure élevé. Des émeutes ouvrières éclatent, notamment à Brixton, au sud de Londres.

Elle doit au surplus affronter un regain d'agitation en Irlande du Nord. Des membres de l'IRA (Armée Républicaine Irlandaise), emprisonnés pour avoir commis des attentats meurtriers, réclament un statut de prisonnier politique. Margaret Thatcher, qui les considère comme des criminels, ni plus ni moins, le leur refuse. Le 5 mai 1981, leur chef Bobby Sands meurt après 65 jours de jeûne volontaire, comme après lui 9 autres prisonniers. L'émotion est immense dans les îles britanniques et dans le monde mais le Premier ministre reste de marbre, sans manifester aucune émotion.

Le tournant intervient au printemps 1982 : l'attaque argentine contre les Malouines lui fournit l'occasion de refaire l'unité nationale et de rendre ainsi à son pays une grandeur qu'il avait perdue, au prix de 905 morts dont 255 Britanniques. En 1983, elle est triomphalement réélue et peut donner un nouvel élan à sa politique. En octobre 1984, une bombe posée par l'IRA explose dans l'hôtel de Brighton où les conservateurs tiennent leur conférence, tuant cinq personnes mais manquant Margaret Thatcher et son mari Dennis. Elle prononce le lendemain un discours empreint d'une grande fermeté qui lui vaut une admiration générale.

Elle utilise notamment cette popularité lors de la grande grève des mineurs de 1984-85 : le gouvernement souhaite fermer nombre de mines, car cette industrie est publique, non rentables. Les mineurs entament une longue et dure grève mais les autorités ne cèdent pas et ne reculent pas devant la violence. Les syndicats, vaincus, sortent durablement affaiblis et les projets gouvernementaux sont acceptés.

Toujours convaincue des vertus de l'initiative privée et des méfaits de l'action publique, Margaret Thatcher multiplie les grandes privatisations :  British Aerospace,  Cable & Wireless,  Jaguar, British Telecom,  British Airways,  Rolls Royce,  BP,  British Steel,  Rover... Au total, un million de salariés sont concernés. On va jusqu'à confier à l'épargne privée le financement du tunnel sous la Manche. Il en allait en résulter un fiasco boursier qui ruina les petits épargnants mais fit les choux gras des banques, lesquelles raflèrent les actions à vil prix. Il semble toutefois que la  «Dame de Fer» considérait la privatisation des chemins de fer comme la privatisation de trop ; c'est son successeur qui la mena à bien.

Sous l'action du Premier ministre, le coût du travail diminue, la productivité s'accroît, mais aussi la précarité. Du reste, l'industrie britannique poursuit son déclin et si l'économie reprend des couleurs, c'est à la City de Londres et à la finance qu'elle le doit pour l'essentiel. La Bourse et l'immobilier se portent mieux que jamais.

Margaret Thatcher et Ronald ReaganÀ l'étranger, Margaret Thatcher suscite des réactions ambiguës : très proche de Ronald Reagan, avec lequel elle partage des convictions anticommunistes et ultralibérales, elle est moins appréciée en Europe où elle se bat pour obtenir que la Grande-Bretagne récupère une partie de l'argent versé au budget de la Commission Européenne.  « I want my money back », lance-t-elle dès son premier sommet européen, à Dublin, en novembre 1979.

En novembre 1990, affaiblie par le projet de création d'un impôt foncier extrêmement impopulaire, la « poll tax », elle est contrainte à la démission par sa propre majorité parlementaire et laisse la place à John Major sans avoir été désavouée par les électeurs.

Ce dernier ne parvient cependant pas à s'installer durablement. Il est très largement battu en 1997 par le « New Labour » de Tony Blair, lequel va poursuivre la politique thatchérienne tout en lui donnant un vernis plus humain et souriant.

Quant à Margaret Thatcher, elle se signale à l'opinion publique en accueillant ostensiblement l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, sous le coup de poursuites judiciaires par le juge espagnol Garzon, et en négociant grassement ses services à l'industrie du tabac. Ses dernières années sont assombries par la maladie d'Alzheimer (un point commun avec son ancien partenaire Ronald Reagan).

Publié ou mis à jour le : 2021-06-22 17:00:37
papamadit (08-04-2020 15:36:45)

Elle a au contraire remis son pays sur les rails. L'inverse fut Wilson qui ruinât à tour de bras son pays. Il voulait la paix sociale par exemple: il donnât des augmentations de 30% avec facilité entrainant le livre vers le gouffre.

Maryse (13-06-2016 11:28:51)

L'intervention du modèle Friedman dans l'économie du Chili a été dévastatrice. Sauf pour une certaine élite. L'ultra-libéralisme de Friedman au Chili de Pinochet, sa relation avec lui... c'est du dur.

Mangard (06-09-2014 05:49:33)

Bonjour, le prix à payer pour remettre en état un pays en déroute financière. Qu'il est difficile et compliqué de prendre les initiatives opportunes quand on est à la tête d'un gouvernement.

caliope3 (12-04-2013 16:03:59)

Cette personne ne mérite pas une ligne dans les livres d'histoire. L'héritage qu'elle nous laisse est fait de crise, de récession et de malheur social. Elle n'a pas "relevé" l'Angleterre... Elle a seulement permis à la classe possédante de devenir encore plus riche! Elle qui qualifiait Nelson Mandela de "terroriste", s'est compromise avec l'immonde Pinochet - Grâce à elle les hooligans du Heysel n'ont jamais été sanctionnés... Les mineurs, les catholiques irlandais, les chemins de fer britanniques lui doivent leurs malheurs... Et d'aucun voudrait lui dédier un rue à Paris...

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