Histoire de l'Amérique latine

Espagnols et Portugais à la conquête du Nouveau Monde

L'ensemble incluant le Mexique, l'Amérique Centrale, les Caraïbes et l'Amérique du Sud comporte 26 pays, dont la plupart sont de langue latine : seules certaines régions très limitées de cet ensemble ne font pas partie de l'Amérique latine.

Bien qu'aujourd'hui fragmentée politiquement, l'Amérique latine a connu une Histoire commune dans le passé, depuis sa colonisation par l'Europe.

Ce sont les empires ibériques qui ont créé cette unité, et toutes les indépendances acquises au début du XIXe siècle ont les mêmes origines. Notre animation multimédia présente les grandes lignes de cette Histoire commune.

Vincent Boqueho

Le partage du monde

L'Amérique a déjà une longue Histoire derrière elle avant l'arrivée des Européens, mais c'est sa redécouverte par Christophe Colomb qui fonde l'Amérique Latine en tant que futur ensemble culturel. À cette époque, l'objectif reste le commerce avec les Indes : l'Espagne et le Portugal sont alors les deux puissances maritimes capables de relever le défi.

Afin d'éviter que les deux royaumes chrétiens ne s'entredéchirent dans cette quête, le pape profite de l'existence de deux routes vers les Indes pour les répartir entre les deux pays : la route de l'est pour les Portugais, la route de l'ouest pour les Espagnols. C'est le traité de Tordesillas, qui divise le monde en deux dès 1494 : à l'ouest se trouve la chasse gardée des Espagnols, à l'est celle des Portugais.

En 1500, le Portugais Cabral en route vers l'Inde par l'est navigue volontairement très au large des côtes africaines, et découvre qu'une partie de l'Amérique appartient au domaine portugais : il s'agit du Brésil. C'est l'origine de la singularité du Brésil, pays portugais au sein d'une Amérique majoritairement espagnole.

À cette époque, l'Amérique précolombienne est dominée par deux empires : l'empire aztèque au Mexique actuel, et l'empire inca centré sur l'actuel Pérou. Hernan Cortes découvre et conquiert l'empire aztèque autour de 1520. Pizarre découvre et conquiert l'empire inca peu après.

En quelques décennies, les Espagnols ont ainsi constitué un vaste empire colonial. Les deux pôles économiques de l'empire espagnol correspondent précisément aux deux anciens centres précolombiens : cela forme deux nouvelles Vice-Royautés, la Nouvelle-Espagne et le Pérou. La colonisation du Brésil par les Portugais ne s'amorce véritablement qu'après 1540, surtout pour contrer les prétentions des Français.

Les maladies apportées par les Européens déciment rapidement la population indienne. Pour obtenir de la main-d'œuvre dans les plantations ou dans les mines, les colons commencent à amener des esclaves noirs d'Afrique. Comme ce sont les Portugais qui ont hérité de l'Afrique au traité de Tordesillas, la traite des esclaves est beaucoup plus massive au Brésil que dans l'Amérique espagnole. Elle ne prendra toute son ampleur qu'au XVIIIe siècle.

En 1580 surviennent deux événements majeurs en Europe : d'une part le roi d'Espagne hérite du Portugal, d'autre part les Pays-Bas déclarent leur indépendance vis-à-vis de l'Espagne. En 1630, les Pays-Bas en guerre contre l'Espagne s'emparent d'une partie du Brésil à présent espagnol.

Le Portugal retrouve son indépendance en 1640, ce qui lui donne une nouvelle vigueur : il récupère l'ensemble du Brésil et amorce enfin la colonisation de l'intérieur des terres. L'Espagne en revanche est affaiblie et ne peut plus défendre le traité de Tordesillas face aux prétentions des autres puissances : la ligne de Tordesillas n'est plus d'actualité. Hollandais, Français et Anglais s'installent alors dans les régions encore délaissées par la colonisation espagnole : petites Antilles, Guyanes, et Amérique du nord-est, notamment. C'est l'origine de certains États actuels qui ne sont pas de langue espagnole : Bélize et Jamaïque de langue anglaise, Haïti de langue française, Suriname de langue hollandaise.

En 1739, un premier redécoupage de l'empire espagnol est fait : la Vice-Royauté de Nouvelle-Grenade est créée, pour redonner de la vigueur à la région qui dépendait jusqu'alors d'autorités lointaines. C'est à cette époque que la traite des esclaves prend toute son ampleur, surtout aux Antilles et au Brésil pour les plantations.

La population d'Amérique Latine devient ainsi un mélange de peuples d'origines très diverses : Blancs venus de la métropole, Blancs nés en Amérique qu'on nomme les Créoles, Indiens et Métis issus de l'union entre Blancs et Indiens, Noirs et Mulâtres issus de l'union entre Blancs et Noirs. Ce sont les Créoles qui joueront un rôle majeur dans les indépendances à venir, sauf dans les Antilles où les Noirs et mulâtres sont devenus majoritaires.

En 1763, la fin de la guerre de Sept Ans en Europe a de nombreuses conséquences en Amérique : l'Espagne perd la Floride mais récupère la Lousiane à l'ouest du Mississipi. Par ailleurs, la colonisation espagnole progresse vers le nord au Texas et en Californie, mais elle reste très fragile.

En 1776, l'empire espagnol crée la Vice-Royauté du Rio de la Plata : l'objectif est surtout de rediriger l'argent des Andes vers l'atlantique, de sorte à optimiser les flux économiques. Les sous-divisions de l'empire espagnol appelées Capitaineries Générales préfigurent le futur découpage des pays d'Amérique Latine à l'indépendance.

Les encomiendas

Pour les premiers habitants du Nouveau Monde (les « Indiens »), l'irruption des Européens a des conséquences dramatiques sur le plan démographique. Les guerres et le travail forcé, mais plus encore les maladies comme la rougeole et la variole exterminent en quelques années les neuf dixièmes de la population. Celle-ci a été estimée par l'historien Pierre Chaunu à 80 millions d'âmes en 1492 et moins de 10 millions au milieu du XVIe siècle.

L'exploitation de l'Amérique par les Espagnols débute véritablement dix ans après le débarquement de Christophe Colomb sur l'île d'Hispaniola (aujourd'hui Saint-Domingue, dans les grandes Antilles). Elle est mise en oeuvre par Nicolas de Ovando, commandeur de l'ordre militaire d'Alcántara, nommé gouverneur de l'île en 1502 par les Rois catholiques d'Espagne.

Ovando arrive à Hispaniola à la tête de 2500 hommes. Ces conquérants ou conquistadores sont des aventuriers et nobles espagnols désargentés, généralement avides de gloire et de richesses. Pour établir son pouvoir sur l'île et récompenser ses hommes, il octroie à ceux-ci de vastes terres, généralement inculte, avec autorité sur les Indiens qui les peuplent.

Selon un terme d'origine médiévale, ces terres sont mises « en commende » et appelées pour cette raison encomiendas. Leur étendue et leur richesse sont proportionnelles aux services rendus par leur bénéficiaire au gouverneur.

Les bénéficiaires, les encomenderos, peuvent percevoir sur les populations de leurs encomiendas un tribut en métal précieux, en nature ou en corvées (travail). En échange, ils doivent protection... et instruction religieuse à ces populations, malgré tout considérées comme libres. Ils sont tenus de ne pas les maltraiter ni les réduire en esclavage. S'ils les font travailler, ils leur doivent un salaire, ainsi que le prescrit une cédule royale de 1503.

Les villageois indiens, à qui l'on n'a pas demandé leur avis, ne l'entendent pas de cette oreille. Et ils refusent par-dessus tout de travailler dans les placers aurifères de l'île (rivières riches en poussières d'or), y compris contre un misérable salaire.

Les encomienderos et leurs contremaîtres ont vite fait de contourner les lois et règlements. Ils oppriment leurs Indiens, et les traquent sans merci lorsqu'ils s'enfuient de leurs villages. Le système d'encomienda va s'étendre à l'ensemble du continent sud-américain au fur et à mesure de la progression des conquistadores.

En réaction contre les excès de la colonisation s'élèvent les voix des dominicains. Le premier à protester est Antonio Montesinos, en 1511. Il n'hésite pas à refuser les sacrements aux encomienderos indignes et à les menacer d'excommunication. Il est rappelé en Espagne mais obtient de la Couronne la promulgation des lois de Burgos en 1512, qui imposent de meilleures conditions de travail pour les Indiens.

Ces lois ne sont pas mieux respectées que les précédentes. Alors s'élève à son tour la voix de frère Bartolomeo de Las Casas, qui participa à la colonisation avant de se dévouer à la protection des Indiens. Il est l'inventeur des droits de l'Homme. Il obtient la promulgation en 1542 de lois nouvelles, les Leyes nuevas, qui exigent des vice-rois du Pérou et des tribunaux de Lima et de Guatemala de sévir contre les abus des encomienderos et de ne plus atttribuer de nouvelles encomiendas. Il s'ensuit une révolte des encomienderos et même la mort du premier vice-roi du Pérou.

Le système va peu à peu décliner et disparaître au XVIIIe siècle, non sans avoir au passage ruiné les structures sociales traditionnelles des Indiens, un désastre dont l'Amérique hispanique ne s'est pas encore remise.

Vincent Boqueho
Publié ou mis à jour le : 2025-03-17 09:30:12
dixi (29-09-2017 02:58:14)

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