Esclavage et traite des êtres humains

Heurs et malheurs de l'abolitionnisme

Le mouvement abolitionniste désigne le courant d'idées qui, à la fin du siècle des Lumières et au début du XIXe siècle, a pour la première fois dans l'Histoire de l'humanité contesté le principe même de l'esclavage et conduit à la mise hors la loi de la traite et de l'exploitation des êtres humains en Occident.

Il émerge en Angleterre, en France et en Nouvelle-Angleterre (futurs États-Unis). Dans le reste du monde, à la même époque, l'esclavage perdure sous diverses formes. Dans certaines régions balkaniques, en Afrique ou encore en Orient, c'est un élément central de l'ordre économique et social et, à ce titre, sa légitimité n'est nullement contestée...

Slave trade, execrable human traffic (1788, George Morland, National Maritime Museum, Londres)

Abolir la traite d'abord

Granville Sharp (1735-1813), abolitionniste anglaisLe projet radicalement nouveau qui a nom « abolitionnisme » apparaît seulement à la fin du XVIIIe siècle. 

Il naît dans les cercles philanthropiques et religieux anglais, à l'initiative de personnalités généreuses comme Granville Sharp. Il se diffuse outre-Atlantique chez les Quakers de Pennsylvanie. Un peu plus tard, en 1777, l'esclavage est pour la première fois au monde mis hors la loi dans la colonie anglaise du Vermont, en Nouvelle-Angleterre.

Les idées abolitionnistes se diffusent en Angleterre quand John Wesley, l'un des fondateurs de l'Église méthodiste, de retour d'Amérique, publie Thoughts on Slavery (Réflexions sur l'esclavage) en 1774.

Le mouvement abolitionniste s'amplifie avec la fondation en 1787 à Londres de la « Société pour l'abolition de la traite » (Society for the abolition of the Slave Trade) par une douzaine de militants chrétiens.

L'initiative anglaise trouve un écho outre-Manche avec la création en 1788 de la « Société des Amis des Noirs » par l'abbé Henri Grégoire, le journaliste Jean-Pierre Brissot et quelques autres personnalités remarquables comme les marquis de Condorcet, de Mirabeau ou de La Fayette.

Le 12 mai 1789, au Parlement de Westminster, William Wilberforce, un jeune député fraîchement converti à une église évangélique, prononce un premier discours en faveur de l'abolition de la traite, c'est-à-dire la déportation des Africains en Amérique ou dans les îles tropicales, où ils doivent travailler sur les plantations de coton ou de canne à sucre.

Les Danois devancent les Français et Anglais

Henri Grégoire (1750-1831), abolitionniste françaisCela dit, par un fait peu connu, le roi de Louis XVI a devancé d'une semaine le jeune Britannique ! À l'ouverture des états généraux, à Versailles, le 5 mai 1789, il a en effet, par la voix de son ministre Jacques Necker, demandé aux députés d'adoucir, voire abolir la traite et l'esclavage : « Un jour viendra peut-être, Messieurs, où vous étendrez plus loin votre intérêt ; un jour viendra peut-être où, associant à vos délibération les députés des colonies, vous jetterez un regard de compassion sur ce malheureux peuple dont on a fait tranquillement un barbare objet de trafic ; sur ces hommes semblables à nous par la pensée et surtout par la triste faculté de souffrir ; sur ces hommes cependant que, sans pitié pour leurs misérables plaintes, nous accumulons, nous entassons au fond d'un vaisseau pour aller ensuite à pleines voiles les présenter aux chaînes qui les attendent. ».

Lors de la célèbre Nuit du 4-Août, qui voit l'abolition des privilèges féodaux, le duc François de la Rochefoucaud-Liancourt propose en vain « l'abolition de l'esclavage des Nègres » dans les colonies (note).

Les premiers à agir sont en définitive les Danois. Sous l'influence des idées philosophiques, le ministre des finances de ce petit royaume, Ernst Schimmelmann, convainc ses concitoyens de prohiber la traite atlantique en 1792. Un délai de dix ans est accordée aux négriers pour s'adapter, ce qui entraîne une accélération du trafic jusqu'en 1803, l'année précédant l'entrée en application de l'interdiction.

L'Angleterre interdit à son tour la traite trois ans plus tard, en 1807, et sans plus attendre, elle initie une ambitieuse campagne internationale, imposant l’abandon de la traite à ses adversaires comme à ses alliés. La Royal Navy va même pour cela constituer en son sein un British African Squadron en vue de traquer les navires négriers au large de l’Afrique.

Les États-Unis imitent l'Angleterre en interdisant la traite l'année suivante, en 1808, sans toutefois renoncer à l'esclavage lui-même. L'interdiction de la traite est enfin avalisée au niveau international par le congrès de Vienne en 1815.

Abolir l'esclavage enfin

Sitôt la traite interdite par le Parlement de Westminster, William Wilberforce s'engage avec vigueur dans le combat pour l'abolition de l'esclavage. En 1823, il participe à la fondation de la « Société anti-esclavagiste » (« Anti-Slavery Society »). Atteint par l'âge, il transmet le flambeau à Thomas Fowell Buxton. Le 26 juillet 1833, celui-ci soumet au vote de la Chambre des Communes une loi d'émancipation qui abolit l'esclavage dans toutes les colonies britanniques en prévoyant de confortables indemnités pour les planteurs.

La France, à son tour, en 1848, quinze ans après les Anglais abolit l'esclavage (abstraction faite de l'abolition sans lendemain de 1794). Les États-Unis s'y rangent à leur tour en 1865 avec un XIIIe amendement à leur Constitution. Le dernier pays chrétien à abolir l'esclavage est l'Empire du Brésil, en 1888. Cette mesure d'humanité vaut à l'empereur d'être déposé l'année suivante par la bourgeoisie de son pays !...

En dépit de tout cela, rappelons que l'esclavage et la traite perdurent et même reprennent force en ce XXIe siècle dans différentes parties du monde, sous des formes mutantes...

Publié ou mis à jour le : 2023-02-12 08:26:16
Boutté Jacques (05-02-2013 06:47:21)

Dommage de ne pas dire l'opinion de M.de Voltaire sur ce sujet.Eût-il été du même avis que M.de Larochefoucauld-L. ?

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net