Mirabeau (1749 - 1791)

Orateur génial et débauché impénitent

Honoré Riquetti, comte de Mirabeau, corrompu et jouisseur, enlaidi par la petite vérole mais d'une laideur puissante, multiplie les frasques de jeunesse avant de chercher sa voie dans la Révolution et l'avènement d'une monarchie constitutionnelle.

Fabienne Manière

Frasques de jeunesse

Le père du futur inspirateur de la Révolution est lui-même une personnalité hors du commun. Originaire du Vaucluse, Victor Riquetti, marquis de Mirabeau, s'est établi dans son château du Bignon, dans le Gâtinais, après avoir fait carrière dans les armes. Il devint célèbre avec la publication d'un ouvrage d'économie, L'Ami des hommes ou Traité de la population (1756), truffé de contresens mais plein d'idées généreuses et progressistes en rapport avec la pensée des physiocrates.

Surnommé l'« Ami des hommes », il méritait toutefois très peu ce surnom par son comportement odieux à l'égard de sa femme et de son fils Honoré, le futur révolutionnaire. 

Celui-ci, pas moins débauché et libertin que son père, multiplie les frasques. Il s'échappe de l'armée ce qui lui vaut une première incarcération à l'île de Ré. Il va se battre en Corse puis épouse une riche héritière dont il ne tarde pas à se séparer. Son père le fait interner à Manosque, puis au château d'If, au large de Marseille, enfin au fort de Joux, près de Pontarlier. Le régime de semi-liberté et la fréquentation des salons l'amènent à séduire une jeune femme mariée. Il s'enfuit avec elle à l'étranger.

Condamné par contumace à la peine de mort pour rapt et adultère, il doit finalement rentrer. Son amante, qu'il appelle Sophie, est expédiée au couvent. Lui entre au fort de Vincennes le 7 juin 1777. Là, pendant ses 42 mois de détention, il écrit de fameuses Lettres à Sophie ainsi qu'un Essai sur les lettres de cachet et les prisons d'État. Il a l'occasion aussi d'en venir aux mains avec un autre libertin graphomane, incarcéré comme lui, le marquis de Sade

À sa sortie, ruiné et qui plus est abandonné par Sophie, il doit vivre de sa plume en publiant des libelles. Voyageant à l'étranger, il a l'occasion de rencontrer le roi de Prusse Frédéric II le Grand.

Un orateur aussi laid que séduisant

Le comte de Mirabeau, pa François Lonsing (musée des Beaux-Arts, Bordeaux)Rebelle permanent, Mirabeau se fait élire député du tiers état de la sénéchaussée d'Aix en 1789, quand le roi convoque les états généraux. Sa fougue et sa détermination lors de la célèbre séance du Jeu de Paume asseoient définitivement sa réputation d'orateur et de révolutionnaire. Après la célèbre apostrophe : « Nous sommes ici par la volonté du peuple... », il fait voter le principe de l'inviolabilité des députés.

Mirabeau suit un dessein précis : introduire en France une forme de démocratie conforme aux principes de Montesquieu tout en respectant, comme en Angleterre, les prérogatives de la monarchie.

C'est pourquoi, tout en contribuant à des réformes hardies comme la saisie des biens du clergé (2 novembre 1789), il ne tarde pas à mettre sa popularité et son intelligence politique au service du roi... en se gardant bien de le faire savoir au peuple et à ses collègues députés qui lui font confiance.

Ainsi écrit-il à Louis XVI le 10 mai 1790 : « Je promets au roi loyauté, zèle, activité, énergie et un courage dont peut-être on est loin d'avoir une idée ». Mais son revirement est au moins autant motivé par de sordides motifs financiers que par des convictions politiques et il se fait grassement rémunérer par le roi pour éponger ses dettes considérables.

Il transmet au roi des notes secrètes où il lui suggère de se servir de la Révolution pour restaurer son pouvoir. Pour cela, il suggère de forger à l'Assemblée un parti favorable à la monarchie, de corrompre certains opposants, voire de réclamer l'élection d'une nouvelle Assemblée. En cas d'échec, il laisse entrevoir la possibilité d'un coup de force. Le roi, dans ce cas, quitterait Paris pour prendre la tête de troupes favorables à sa cause et rentrer dans la capitale afin de mettre un terme à la Révolution.

Le squelette de Mirabeau sortant de l’armoire, caricature de l’armoire de fer, 1792, BnF, Paris.Mais Louis XVI et la reine Marie-Antoinette, qui le qualifie de « monstre », hésitent à lui faire pleinement confiance. Il est vrai qu'il est troublé par sa réputation sulfureuse et son double jeu qui l'amène à attaquer les nobles à l'Assemblée, dont il devient président en mars 1791.

Hélas, Mirabeau meurt prématurément le 2 avril 1791 après avoir prononcé, dit-on, ces mots prophétiques : « J'emporte dans mon coeur le deuil de la monarchie, dont les débris vont devenir la proie de factieux ».

S'illusionnant sur son honnêteté, l'Assemblée lui fait l'honneur d'être inhumé en l'église Sainte Geneviève, transformée pour l'occasion en Panthéon des gloires nationales. Il en sera exclu l'année suivante, après la chute de la monarchie, quand l'ouverture d'une « armoire de fer » découverte lors du sac du palais des Tuileries, le 10 août 1792, aura révélé sa correspondance avec le roi et les preuves de sa duplicité.

Publié ou mis à jour le : 2019-08-04 09:49:14

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