La Thaïlande est une monarchie parlementaire depuis 1932. « Le roi, la nation, la religion » sont objets d'une même vénération. Il n'empêche que le pays fait régulièrement les gros titres de la presse internationale en raison de son instabilité politique chronique et de la propension de ses militaires à renverser les gouvernements civils.
Au « royaume du sourire », pays de tous les contraires, la modernité de Bangkok, métropole parcourue de métros aériens et souterrains et hérissée de gratte-ciels, cohabite avec les images de cartes postales, marchés flottants, temples mêlant influences chinoises, indiennes et khmers, éléphants caparaçonnés d'or et montagnes noyées dans la brume.
La Thaïlande a été connue sous le nom de royaume de Siam avant que le 20 juillet 1948, l'Assemblée constituante change son nom pour celui de l'ethnie dominante, Thaïlande ou « terre des Thaïs ».
D'une superficie légèrement plus petite que la France, le pays abrite environ 65 millions d'habitants (2008). Située au carrefour de l'Asie du sud-est, il est bordé par la Birmanie à l'ouest et au nord, le Laos au nord et à l'est, la Cambodge au sud-est et la Malaisie au sud.
Soumis au régime des moussons, le pays se divise entre les zones montagneuses du nord qui culminent au Doi Inthanon, à 2595 m, puis une vallée centrale, la longue péninsule baignée par l'océan indien au sud et un plateau au sol ingrat du nord-est. Le Mékong dessine à l'est la frontière entre la Thaïlande et le Laos.
Le riz (premier exportateur mondial), le caoutchouc, la canne à sucre, le tabac, le coton et le maïs constituent les cultures principales. La Thaïlande produit également beaucoup de poissons et de crustacés. L'agriculture occupe encore plus de 50% de la population mais ne fournit que 10% du PIB. L'industrie (45% du PIB) se concentre en grande partie sur le textile, l'agroalimentaire et l'électronique. Le tourisme constitue aussi une source importante de revenus.
Les Thaïs constituent les 4/5 de la population thaïlandaise. Ils seraient originaires de la Chine du nord-ouest et auraient commencé à descendre vers le sud au XIIe siècle, pour échapper aux incursions de Gengis Khan. Le pays compte aussi des minorités chinoises, musulmanes malaises (4% de la population) et khmers dans le nord-est, ainsi qu'une vingtaine de groupes ethniques vivant dans les montagnes. La population est bouddhiste à 95% et suit la tradition du Petit Véhicule (dico).
Une civilisation florissante
À partir de 1238, le royaume thaï de Sukhothaï (« aube de la félicité ») s'épanouit dans la vallée du Mékong, au nord de la Thaïlande actuelle, profitant du déclin de l'empire khmer. Ce premier vrai royaume unifié s'étend progressivement vers le sud, au détriment des Môns.
Vers 1350, il est cependant éclipsé par la puissance des rois thaïs d'Ayuthaya (au nord de Bangkok). Ceux-ci progressent vers l'est, jusqu'à faire tomber Angkor, la capitale khmer.
Ayuthaya devient pour quatre siècles la capitale rayonnante du Siam. Proche de la mer, elle favorise le développement des activités commerciales. Un pouvoir centralisateur se met en place, tandis que s'épanouissent les arts -théâtre, sculpture, danse, peinture...- . Le bouddhisme du Petit Véhicule, venu du Sri Lanka, est décrété religion officielle du royaume.
Pendant cet Âge d'Or, le pays des éléphants de combat multiplie les guerres avec ses voisins. Il étend ainsi son influence sur le nord de la péninsule malaise. Mais au XVIe siècle, il est mis en difficulté par les Birmans, au nord du royaume. Ceux-ci vont même soumettre le Siam pendant quinze ans avant d'être enfin repoussés en 1584.
Versailles et la cour siamoise
Le XVIe siècle est également marqué par les premiers contacts avec les Européens : les Portugais sont les premiers à envoyer une ambassade à Ayuthaya, bientôt suivis des Hollandais et des Anglais qui y installent des comptoirs commerciaux. Cependant, les Hollandais deviennent rapidement trop envahissants aux yeux du pouvoir siamois.
En 1662, deux évêques français arrivent au Siam, pourvus d'une lettre du pape et d'une autre de Louis XIV. Ils sont reçus à la cour, véritable Versailles de l'Orient. Quelques années plus tard, la France obtient le monopole du commerce des épices dans le royaume. Des jésuites s'y installent et se lancent dans un prosélytisme énergique qui ne tarde pas à mécontenter le pouvoir siamois.
En 1687, Louis XIV tente d'imposer la présence de garnisons françaises à Bangkok. La réponse siamoise ne se fait pas attendre : les Français et les autres Européens sont boutés hors du royaume ! La phase de xénophobie qu'inaugure cet épisode durera 150 ans.
À la fin du XVIIIe siècle, les Birmans reprennent leurs attaques contre le Siam. Ils détruisent Ayuthaya, brisent les statues des temples et réduisent 10 000 Siamois en esclavage. Un général sino-thaï, Taksin, parvient finalement à les repousser et à rétablir la domination siamoise sur l'ancien royaume.
Taksin se proclame roi mais devient rapidement paranoïaque et mégalomane, se prenant pour le nouveau Bouddha. Il est assassiné par l'un de ses généraux, lequel se fait couronner le 6 avril 1782 sous le nom de Rama 1er. Premier roi de la dynastie Chakri, encore au pouvoir aujourd'hui, il déplace sa capitale à Bangkok.
Modernisation et nationalisme
Rama Ier écarte la menace birmane et asseoit la domination thaïe au Cambodge. Cependant, le Siam est de plus en plus encerclé par les Européens : Anglais en Birmanie et en Malaisie, Hollandais en Indonésie, Français dans la péninsule indochinoise, concessions étrangères en Chine.
Lorsque Rama II tente de poursuivre l'expansion territoriale du royaume vers la Malaisie, il trouve les Britanniques sur sa route.
Au milieu du XIXe siècle, Rama IV, ancien moine bouddhiste, ouvre le pays aux influences occidentales et signe des accords commerciaux avec les pays européens et les États-Unis.
Son pays échappe à la colonisation en jouant le rôle d'État-tampon entre les possessions françaises et britanniques.
En 1893, la France exige toutefois le rattachement au Laos de provinces qui s'étendent à l'ouest du Mékong. Le Siam est contraint de les lui céder. En 1907, il abandonne le Cambodge à la France, puis, en 1909, cède des États malais à la Birmanie britannique.
Au tournant du siècle, le roi Rama V entreprend une importante œuvre de modernisation inspirée de l'ère Meiji japonaise. Il abolit l'esclavage, développe l'enseignement, réforme l'armée et la justice, fait construire des voies ferrées et des routes.
Son fils Rama VI continue son œuvre mais se heurte à une forte poussée de nationalisme thaï et à une tentative de putsch militaire, en 1912 - première d'une longue série. Il refuse l'adoption d'une Constitution.
La fin de l'absolutisme
Le Siam participe à la Première Guerre mondiale aux côtés des Alliés. Sous le règne de Rama VII, la crise de 1929 frappe de plein fouet le royaume, entraînant l'effondrement des prix du riz. Ce contexte favorise l'opposition libérale, menée par des étudiants formés à Paris. 14 juin 1932 : un coup de force sans effusion de sang aboutit à l'établissement d'une monarchie constitutionnelle, avec partage du pouvoir entre civils et militaires.
Las du pouvoir, Rama VII abdique en 1935 et part pour l'Angleterre, laissant le pouvoir à son neveu âgé de seulement dix ans et lui-même en exil. Dès lors, l'emprise des militaires nationalistes sur le gouvernement devient quasi-totale.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils se rangent du côté des envahisseurs japonais et déclarent la guerre à la Grande-Bretagne et aux États-Unis. La présence japonaise au Siam est immortalisée par le film Le pont de la rivière Kwaï.
Certains artisans de la révolution libérale de 1932 luttent néanmoins contre la ligne pro-japonaise. Ils renversent le gouvernement militaire à la fin de la guerre et se rapprochent sans attendre des Alliés, ce qui permettra au Siam de ne pas figurer parmi les vaincus !
Le temps de militaires
En 1946, quelques mois après son retour d'exil, le jeune roi Rama VIII est retrouvé mort dans sa chambre, tué par balle dans des circonstances jamais éclaircies. Son jeune frère Bhumibol lui succède le 9 juin 1946. Réservé, économe de ses émotions et de ses sourires, le nouveau souverain, couronné le 5 mai 1950 à 23 ans sous le nom de Rama IX, va très vite gagner l'estime de ses sujets.
Le maréchal Pibul Songgram, au pouvoir avant la guerre, revient au gouvernement. La Constitution est suspendue et et le Siam baptisé Thaïlande ou « terre des Thaïs ». Résolument anti-communistes, les militaires mènent une politique proaméricaine : la Thaïlande participe à la guerre de Corée au côté des États-Unis et leur fournit des bases pendant la guerre du Vietnam.
Au cours des décennies suivantes, les coups d'État militaires se succèdent. En 1958, le général Sarit Thanarat prend le pouvoir, dissout le parlement et interdit toute opposition. Il se maintient au sommet de l'État jusqu'à sa mort en 1963. Des officiers prennent le relais jusqu'en 1973, quand surviennent de grandes manifestations d'étudiants contre la dictature.
Un gouvernement civil de coalition se met alors en place. Il abolit les lois anticommunistes et orchestre le départ des troupes américaines. Mais dès 1976, les militaires reprennent le pouvoir, écrasant dans le sang les manifestations d'étudiants, malgré la tentative de médiation du roi. De nombreux étudiants et intellectuels rejoignent alors les groupes communistes armés retranchés dans les montagnes.
Dans les années 1980, le pouvoir militaire entame un timide processus de démocratisation et de réconciliation avec les maquisards. En 1988, les élections portent au pouvoir un gouvernement civil.
Une démocratisation laborieuse
Entraînée dans le décollage de l'Asie, l'économie thaïlandaise connaît à la fin du XXe siècle une croissance à deux chiffres. Cette croissance est facilitée par les investissements japonais qui alimentent le développement de l'industrie légère (textile, électronique...), mais elle va de pair avec une corruption plus massive que jamais.
En 1991, les militaires renversent le gouvernement - il s'agit du 17e coup d'État depuis la mise en place du régime parlementaire ! Ils le remplacent par un « Conseil national de maintien de la paix » mais en 1992, des manifestations monstres ramènent les civils au pouvoir, avec une nouvelle Constitution.
L'euphorie qui accompagne le boom économique se heurte brutalement à la crise financière asiatique de 1997. Le système bancaire et monétaire thaïlandais s'effondre, le chômage et l'inflation explosent.
En 2001, le milliardaire populiste Thaksin Shinawatra devient Premier ministre, notamment grâce aux votes des classes défavorisées. Ses partisans, les « Chemises rouges », n'hésitent pas à descendre dans la rue pour réclamer des changements plus rapides ou protester contre les restrictions imposées par le FMI.
Impliqué dans des affaires de corruption, Thaksin est renversé par l'armée le 19 septembre 2006 et contraint à l'exil, au grand soulagement des investisseurs et des classes moyennes.
Mais l'agitation ne faiblit pas. Elle oppose les « Chemises jaunes » aux partisans de l'ancien Premier ministre. Les élections du 3 juillet 2011 amènent au pouvoir sa propre soeur, Yingluck Shinawatra. Elle est à son tour renversée par l'armée le 22 mai 2014, conformément à une tradition nationale bien ancrée.
13 octobre 2016 : la mort du populaire roi Bhumibol (Rama IX) après 70 ans de règne, relance les inquiétudes sur l'avenir de la monarchie et l'espoir d'un rétablissement de la démocratie.
Vos réactions à cet article
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Philippe MARQUETTE (03-05-2020 14:37:21)
Sans vouloir critiquer cet article, il me semble très incomplet.
J'habite la Thaïlande depuis février 2015 et je pensais trouver plus de matière.
Je reste sur ma faim de connaissances.
Je vais m'y intéresser de plus près.
Les élections de 2019 furent un simulacre de démocratie puisque le chef de la junte Prayut Chan Ocha a été réélu premier ministre.
La gestion du coronavirus est aussi débile que dans le reste du monde bien que le bilan soit dérisoire 54 morts à l'heure où j'écris, pour une population de près de 70 millions d'habitants.
Le climat y est sans doute pour beaucoup.