L'Histoire de l'Europe est jalonnée de guerres : au cours du précédent millénaire, il ne s'est écoulé aucune décennie sans que des armées s'affrontent ici ou là. Le Vieux Continent n'est pas pour autant une exception dans le monde. Il se trouve simplement que ces guerres sont mieux documentées que partout ailleurs parce qu'elles furent le fait d'États dotés de solides administrations.
Gardons-nous aussi d'une erreur de perspective. Les guerres qui mirent aux prises en Europe les souverains et les États-nations furent d'un point de vue strictement arithmétique moins coûteuses en vies humaines que celles qui affectèrent les grands empires asiatiques. Elles furent également moins meurtrières que les guerres civiles (note)...
Gestation douloureuse de l'Europe
La dissolution de l'Empire romain d'Occident se solda au milieu du Ier millénaire par la quasi-disparition de toute forme d'administration dans ce qu'on appellait alors le Regnum francorum ou royaume des Francs. Autour de l'An 800, Charlemagne repoussa ses frontières jusqu'à l'Ebre (Espagne), le Tibre (Italie) et l'Elbe (Allemagne) : les Saxons gardèrent longtemps le souvenir de sa manière brutale de leur révéler la Bonne Nouvelle (l'Évangile). Il ne manqua à Charlemagne que de soumettre l'Angleterre et la Scandinavie pour réunir la chrétienté occidentale sous un même sceptre.
La conversion de tous les peuples de l'empire carolingien au christianisme ne suffit toutefois pas à leur bonheur. La chrétienté d'Occident apparaît divisée en modestes seigneuries qui tirent leurs ressources de l'exploitation de la paysannerie et se combattent les unes les autres tout en luttant aussi contre les incursions vikings et sarrasines.
C'est autour de l'An Mil que de ce néant sociétal va naître à proprement parler la civilisation européenne :
Les guerriers qui tiennent le territoire se constituent en un groupe social prestigieux, la chevalerie. Sur les instances de l'Église, ils acceptent un code de l'honneur et des « trêves de Dieu » qui limitent peu à peu les dégâts causés par les guerres privées, d'autant que les stratégies défensives (châteaux forts) prennent le pas sur les stratégies offensives (batailles rangées).
De cette société féodale émergent quelques principautés à l'origine des futurs États nationaux dont les premiers et les plus importants sont le royaume capétien, autrement dit la France, et l'Angleterre consolidée par l'invasion normande et le couronnement de Guillaume le Bâtard en 1066.
À Clermont (Auvergne), un pape d'origine française, Urbain II, lance en 1095 un appel mémorable. Il invite ses compatriote à rouvrir par les armes les routes du pèlerinage vers Jérusalem, fermées par des nouveaux-venus redoutables, les Turcs. L'appel est perçu avec enthousiasme dans cette chrétienté en pleine expansion démographique et pétrie d'une foi profonde et naïve. Il s'ensuit un élan sans précédent qui porte des foules vers l'Orient. Ce mouvement plus tard qualifié de « croisades » est la première guerre offensive menée en Europe et elle est avant tout le fait des Français.
Un siècle plus tard, au XIIIe siècle, s'épanouit dans notre hexagone le « beau Moyen Âge ». Les interventions armées du principal souverain de l'époque, le roi Louis IX (Saint Louis), ne mobilisent jamais que quelques milliers d'hommes. C'est ainsi le cas à Taillebourg face aux Anglais, en 1242.
Dans le même temps, le monde slave, à l'Est, est assailli avec brutalité, d'une part par des moines-chevaliers allemands, les chevaliers Teutoniques et Porte-Glaives qui s'installent sur les bords de la mer Baltique ; c'est le Drang nach Osten (dico), d'autre part par les Mongols qui s'installent durablement au nord de la mer Caspienne. Il s'ensuit pour deux siècles la ruine de ce monde jusque-là épargné par les invasions.
La fin du Moyen Âge (XIVe et XVe siècles) se signale en Occident par de grandes épreuves, de la peste aux guerres dynastiques : guerre de Cent Ans, guerre des Deux-Roses, Guelfes et Gibelins, guerre de Castille et Reconquista. La chrétienté occidentale en sort renforcée mais aussi divisée avec l'émergence d'au moins trois grands États : la France, l'Angleterre, l'Espagne.
À peine la France a-t-elle retrouvé prospérité et vigueur que ses souverains se jettent à l'assaut de l'Italie sous les prétextes les plus incongrus. De 1494 à 1559, les Français vont ainsi agresser et tourmenter l'Italie sans en retirer aucun profit politique... Ils y gagneront quelque chose de plus important : les bonnes manières, le goût des belles choses, Chambord et la Joconde.
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Louis de Nouvelle-France (01-01-2025 14:37:46)
Quel bon résumé!
J'ajouterais l'aspect géographie physique (territoire et ressources) qui permet de comprendre les causes. La France est acculée a l'Extrême-Occident de l'Eurasie.
Au fond l'Eurasie est un grand bras qui part de la steppe eurasienne et se termine par une main a l'occident, avec de multiples doigts donnant moult accès à la mer. Au moins trois doigts sur la Méditerranée, qui donne accès aux 5 mers du sud, et d'autres doigts (plus l'île bastion britannique) qui donnent accès aux mers du Nord.
Et au bout la mer Océane.
Il y a un territoire extrême qui donne accès a la mer au sud, au nord et a l'océan, et protégé par des chaînes de montagnes au sud et au sud-est...
Une fois qu'on comprend cela, on voit bien que ce territoire est acculé et ne pouvait aller plus à l'ouest avant le 16e siècle. Que faire pour se défendre? Attaquer.
CQFD.
Mes 400 ancêtres sont partis de cette vieille France pour en créer une nouvelle encore plus à l'ouest, à l'ouest de l'Atlantique.
Cécil Artheaud (14-04-2024 11:30:48)
Excellent article, très informatif.
Personnellement j'éviterais de dresser un podium de l'agressivité des Nations. Ce sont les circonstances et l'enchaînement des évènements qui donnent ou non l'opportunité aux tyrans d'exprimer leur convoitises, pas leur nationalité. L'homme est fait de la même pâte partout dans le monde. Il se fait que certains ont bénéficié de circonstances favorables, Louis XIV, Staline, Poutine ?
Mannerheim (13-04-2024 14:11:08)
Trsè bon article comme toujours, mais il y a des trous: Hiver 1939-1940 guerre contre la Finlande et annexion de la Carélie et de Petsamo. Partage de la Pologne lors du pacte germano-soviétique, d'où Katyn. Annexion des pays Baltes d'une partie de la Pologne et de la Slovaquie en 1945, ainsi que de la Moldavie (maintenue sous la protection Russe en Transnistrie jusqu'à présent), ainsi que de l'Allemagne (Kaliningrad); annexion des Kouriles en 1945. Sous les tsar, participation du dépeçage de la Chine avec Port-Arthur. Occupation avant annexion pour l'Abkhazie et l'Ossetie du Sud, (cette dernière fera l'objet d'un prochain référendum dont on connait déjà le résultat), territoires géorgiens. En fait la Russie est Etat (ou Empire) qui ne cesse de grignoter ses marches.
Herodote.net répond :
La Guerre d'Hiver et le pacte germano-soviétique figurent clairement dans notre recension des guerres du millénaire.
Christian (12-04-2024 17:36:18)
Si l'on peut admettre que ce fut la France qui poussa l'Empire ottoman à déclarer la guerre à l'Empire russe en 1768, le traité russo-turc de Kutchuk-Kaïnardji, qui mit au conflit en 1774 et par lequel la Russie fut notamment reconnue "protectrice" des chrétiens orthodoxes vivant dans l’Empire ottoman, eut à long terme des conséquences désastreuses. Car les luttes d'influence entre les voisins immédiats de la Turquie (Autriche et Russie) et les puissances plus lointaines, mais également intéressées (Angleterre, en particulier), ne firent dès lors que s’exacerber en "question d'Orient" et finirent par déboucher, au terme d'une longue série de guerres balkaniques, sur la catastrophe de 1914.
Cette "question d'Orient" n'est d'ailleurs toujours pas réglée puisque le conflit israélo-palestinien, né sur les décombres de l'Empire ottoman et du "grand royaume arabe", n'en est que l'un des derniers avatars...
On peut également rappeler que c'est en violation du traité de Kutchuk-Kaïnardji que la tsarine Catherine II, impératrice de toutes les Russies, et son fidèle Potemkine procédèrent unilatéralement en 1783 à l'annexion du khanat de Crimée, dont l'indépendance avait été formellement reconnue par ledit traité...
Christian (12-04-2024 07:44:13)
Si Nicolas Ier est peut-être le tsar auquel on peut le plus clairement associer une guerre d'agression, il a été largement surpassé depuis par ses successeurs soviétiques et post-soviétiques. La palme de l'agressivité revient sans doute à Staline avec l'invasion de la Mandchourie en août 1929 (deux ans avant le Japon !), celle de la Pologne en septembre 1939, celle de la Finlande en novembre 1939, l'annexion des Etats baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) et celle de la Bessarabie en 1940, l'annexion du Tannou-Touva en octobre 1944 et l'invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord en accord avec les conseillers militaires soviétiques en juin 1950, sans oublier l'instauration de régimes communistes sous la pression de l'armée rouge en Pologne, en Roumanie, en Bulgarie, en Hongrie et en Tchécoslovaquie. Poutine fait presque pâle figure à côté de lui, mais n'oublions pas qu'il a entrepris sa première guerre d'agression dès septembre 1999 (alors qu'il n'était encore que premier ministre) en envahissant la Tchétchénie, qui disposait d'une quasi-indépendance depuis le retrait des troupes russes en mai 1997.
Coche (11-04-2024 18:23:50)
Excellent article mais en complet désaccord quant aux guerres menées par le Royaume de France et la République Française. de puis sa création le Royaume de France batailla pour sa survie. En réalité, la France dut desserrer des siècles durant les incursions anglaises et l'étau des Habsbourg. Les Habsbourg ne furent déloger de la frontière nord de la France qu'en 1794 (Fleurus- Jourdan). Bonaparte vengea la France jusqu'en 1815 lorsque les ennemis séculaires de celle-ci, les germano-anglo-saxons ( plus les Russes incidemment ), mirent fin au 1er Empire à Waterloo. D'accord avec vous quant aux expéditions erronées de François 1er en Italie ! Pas d'accord avec vous quant aux expéditions coloniales car il s'agissait, là encore, de se défendre face à l'Angleterre. la conquête de l'Algérie ne fut qu'une opportunité. Au départ, l'Angleterre sollicita la France pour le nettoyage de la Méditerranée des pirates algérois et ottomans; même des navires de guerre américains prirent part à l'opération. L'Angleterre a toujours rêvé de vassaliser la France; depuis 1945 elle laisse la suzeraineté aux cousins américains. Quant à l'Empire allemand, issu de l'Empire germanique, son rêve de dépecer la France existe depuis le traité de Meerssen (870). l'acharnement allemand face à Verdun (1916) relève d'une volonté obsessionnelle allemande de reprendre la rive droite de la Meuse. En 1940, le zone interdite en Lorraine et l'expulsion des Lorrains en est le plus clair aveu. La création de la Belgique en 1830, par l'Angleterre, fut un double châtiment: primo, enlever à la France les départements wallons, leurs houillères et leur métallurgie; secundo, permettre à l'Allemagne de menacer Paris en permanence par la traversée du territoire wallon . Charles de Gaulle écrivit dans ses mémoires que la Belgique, porte ouverte, représentait une menace existentielle pour la France. En 1914 comme en 1940, que de milliers de Français moururent, inutilement, sur le sol belge pour arrêter les envahisseurs Allemands !
Aujourd'hui, toute aventure guerrière de la France relèvera de sa vassalité aux USA et sa servilité à l'OTAN. une fois de plus, elle sera victime !
isabel milheiro (11-04-2024 03:57:17)
Mince... L'Espagne et le Portugal ont été exclus, pourtant ils ont bataillé e, 1000 ans...
Herodote.net répond :
Mais jamais à notre connaissance dans des agressions délibérées;-)
Célimène (10-04-2024 19:44:20)
Merci Mr Larané pour ce passionnant résumé...
Coche (10-04-2024 18:21:16)
Comme toujours, un article très fouillé et éclairant. Certes, le Royaume de France puis la République Française se lancèrent dans diverses guerres. Avant tout, il ne faut pas oublier que, dès la succession de Charlemagne, le Royaume de France, fut forcé de se battre pour sa simple survie. L'Angleterre et le Saint-Empire Romain Germanique, ces prédateurs séculaires, n'eurent de cesse que de l'étrangler et la mettre en charpie. profit. Rappelons : La Guerre de cent ans, les visées territoriales sur l'Aquitaine, la Lutte des Bourguignons contre les Armagnacs. Sans oublier les menées séditieuses des Ducs de Bourgogne, ces "Français reniés" ( dixit Charles VII). La mort de Charles le Téméraire qui offrit aux Habsbourg l'opportunité, par le mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien de Habsbourg, d'encercler le Royaume de France et de l'agresser jusqu'en 1794, lorsque les armées de la République les chassèrent définitivement. Certes François 1er dilapida troupes et finances en Italie pour la gloriole au lieu de détruire Charles-Quint à la frontière du Nord. Mais Henri IV fut assasiné à la veille de lancer une offensive contre Philippe II afin de récupérer les territoires romans (l'actuelle Wallonie, en Belgique) des Pays-Bas espagnols. A qui donc profita le crime ? Richelieu et Mazarin tentèrent le partage des Pays-Bas espagnols entre la France et les Provinces-Unies mais les Messieurs d'Amsterdam paniquèrent. Louis XIV parvint à rectifier la frontière face au comté de Flandre mais il ne put dépasser Givet. Louis XV conquit les Pays-Bas autrichiens mais "Bête comme la paix", il rendit les territoires gagnés aux Habsbourg d'Autriche. Fort heureusement, les armées de la République Française, en 1792 Dumourier ( Jemappes) puis en 1794 Jourdan (Fleurus), vengèrent Henri IV et effacèrent la royale bévue d'un Louis XV, en dentelles. Quant à Bonaparte, il ne faut pas oublier qu'il effaça jusqu'en 1815, en bousculant toutes les monarchies européennes, les siècles d'agressions et d'humiliations des dernières contre la France !
Depuis l'époque de la Restauration, la France subit le dénigrement de ses voisins, ennemis de toujours, et, malheureusement, elle en tient compte comme argent comptant. A l'exception du Général de Gaulle, le dernier véritable monarque, tous les dirigeants de la France vont soit se soumettre soit verser dans le mondialisme, l'européisme, à l'aune des germano-anglo-saxons. Il est urgent qu'elle tienne à nouveau la dragée haute à ses adversaires !
sivispace (10-04-2024 16:44:56)
Merci pour cette "digestion" de l'histoire des guerres sur plus d'un millénaire. L'histoire récente sur un siècle nous apprend que les guerres d'agression-invasion sont toujours perdues par l'agresseur. Fini le "bon temps" des guerres coloniales où les capacité techniques et stratégiques européennes permettaient de dominer les adversaires.
Restons à pouvoir se défendre et dissuader. Aller mettre son nez dans des conflits intérieurs, c'est jeter de l'huile sur le feu : contentons-nous d'aider l'agressé à se défendre.
Tontonmacoute (10-04-2024 15:45:38)
Un excellent article, précis, complet sans être rébarbatif, et surtout très précis quant aux causes et conséquences de certains 'illuminés' qui ont gouvernés tant chez nous qu'ailleurs chez nos aimables voisins. Toujours bon et encore bravo Mr Larané !
gem (10-04-2024 15:23:47)
hélas !c'est toujours à cause de leur égo et de leur incurie que ces puissants décideurs ont provoqué les guerres !...
phl1203 (10-04-2024 15:10:35)
excellent article
vous remercie