Après le renversement en 1494 du fils de Laurent le Magnifique, Pierre de Médicis, qui provoqua des décennies de troubles politiques, une longue période de stabilité et de prospérité s’ouvrit pour Florence grâce à Côme Ier de Médicis.
L’instauration du grand-duché de Toscane en 1570 fit de la ville un brillant foyer scientifique et culturel. Florence, capitale de l’État toscan, devint ensuite brièvement au XIXe siècle la capitale de l’État italien en train d’achever son unification.
Des retournements politiques incessants
Après la fuite de Pierre de Médicis et l’occupation de Florence par les troupes françaises de Charles VIII, Savonarole instaura une république, inspirée par le modèle vénitien.
Le Grand Conseil élit solennellement Dieu à la tête de Florence, comme le rappelle l’inscription placée au-dessus de la porte du Palazzo Vecchio.
Le prédicateur fit régner dans la ville un climat de puritanisme et de repentance. En signe d’expiation, les citoyens furent incités à jeter dans les bûchers des vanités leurs biens les plus précieux : vêtements en soie, joyaux, mais aussi livres et œuvres d’art. De nombreux artistes, comme Botticelli, cessèrent de peindre et détruisirent volontairement leurs tableaux.
Certains renoncèrent à leur art et entrèrent dans les ordres monastiques, comme Fra Bartolomeo qui prit l’habit religieux au couvent de San Marco. D’autres, comme Michel-Ange, quittèrent Florence et se réfugièrent dans les grands foyers artistiques italiens, en particulier à Rome.
Cette période de terreur et d’exaltation collective prit fin en 1498 par la condamnation et l’exécution de Savonarole sur la Piazza della Signoria.
Grâce à l’action du gonfalonier Pier Soderini, la république florentine prit un tour plus modéré. Parmi les grandes personnalités du nouveau régime figurait Machiavel, nommé secrétaire de la deuxième chancellerie.
Il accomplit des missions diplomatiques importantes, notamment auprès de l’Empereur et du roi de France. Michel-Ange, revenu de Rome, acheva entre 1501 et 1504 son David qui fut placé devant le Palazzo Vecchio comme symbole de la victoire sur la tyrannie. Le groupe sculpté de Judith et Holopherne de Donatello, célébrant également le triomphe de la vertu sur la force brute, fut installé sur la Piazza della Signoria.
Les premières tentatives de retour au pouvoir des Médicis
En 1512, les fils de Laurent le Magnifique et de son frère Julien réussirent à reprendre le pouvoir à Florence et abolirent les nouvelles institutions républicaines.
Après avoir déjoué plusieurs tentatives de complots pour les renverser, ils furent à nouveau chassés de la ville par un soulèvement populaire en 1527.
Toutefois, pendant leurs quinze années à la tête de la ville, ils engagèrent des chantiers majeurs pour marquer leur retour au pouvoir. Jean de Médicis, devenu ensuite pape sous le nom de Léon X, chargea Michel-Ange d’achever la basilique de San Lorenzo, église paroissiale de sa famille.
Si la somptueuse façade dessinée par l’artiste ne fut jamais réalisée, ses projets pour la bibliothèque laurentienne et pour la Nouvelle Sacristie, qui abrite les tombeaux de Laurent et de Julien de Médicis, surmontés des allégories de l’Aurore, du Crépuscule, du Jour et de la Nuit furent achevés par ses successeurs.
À peine la République à nouveau instaurée, Florence dut subir un long siège en 1529-1530. Malgré la longue résistance des habitants (et la réorganisation de ses fortifications entreprise par Michel-Ange notamment sur la colline de San Miniato), la ville dut s’incliner devant les troupes de Charles-Quint et du pape, Clément VII, qui nomma bientôt son fils Alexandre de Médicis à la tête de Florence.
Les combats, la famine, sans oublier une violente épidémie avait alors réduit la population de moitié. La ville ne comptait plus que 60 000 habitants (sur les 120 000 recensés en 1529).
Le 1er mai 1532, Alexandre, soutenu par Charles Quint, abolit officiellement la république et renforça son pouvoir personnel. Le nouveau duc de Florence fit construire une imposante forteresse (la fortezza di San Giovanni, aujourd’hui appelée fortezza da Basso), moins pour protéger la ville que pour mater une éventuelle révolte populaire.
Située stratégiquement à l’extérieur de Florence, elle devait servir à accueillir les troupes impériales. Le danger vint toutefois pour Alexandre de sa propre famille. Il fut assassiné en 1537 par son cousin Lorenzo, surnommé Lorenzino ou Lorenzaccio qui souhaitait rétablir la république. Cet épisode historique fournit à Musset un magnifique sujet dramatique.
L’instauration du grand-duché de Toscane
Après une période de troubles, ce fut un autre Médicis qui tira profit du meurtre d’Alexandre : Côme le Jeune, issu d’une branche cadette, qui devint Côme Ier grâce au soutien du pape et de l’empereur. D’abord nommé duc de Florence, il chercha rapidement à étendre son pouvoir à toute la Toscane.
En 1555, la prise de Sienne, la grande cité rivale de Florence depuis des siècles, lui permit d’agrandir considérablement son nouvel état. Encouragé par le soutien du pape, il se fit couronner grand-duc de Toscane en 1570 et fut à l’origine d’une dynastie qui gouverna Florence jusqu’en 1737.
Grâce à son habileté diplomatique et à des alliances judicieusement négociées, comme son mariage en 1539 avec Éléonore de Tolède, fille du vice-roi de Naples, puis l’union de son fils François avec Jeanne d’Autriche, fille de l’empereur Ferdinand Ier de Habsbourg, il réussit à faire accepter aux grandes puissances européennes la création du nouvel État toscan et à accroître le prestige de sa famille.
Côme Ier chercha à matérialiser son pouvoir dans l’espace public. S’il était trop fin politique pour heurter les Florentins en faisant enlevant les symboles de la république abolie, comme le David de Michel-Ange, il tenta de les surpasser grâce à un chef-d’œuvre encore supérieur.
Il commanda à Benvenuto Cellini un Persée vainqueur de Méduse qui pouvait se comprendre comme une représentation de Côme ramenant l’ordre et la prospérité après le chaos… et surtout anéantissant ses ennemis. Selon le mythe grec, le regard de Méduse était capable de pétrifier ses adversaires.
La statue fut donc placée de manière à ce que la tête de Méduse fût tournée vers le David (sculpté dans le marbre). La réalisation d’une statue en bronze de cette taille constituait un véritable exploit : Cellini réussit à retrouver la technique de la fonte à la cire perdue, tombée dans l’oubli depuis l’Antiquité. Le dévoilement du Persée donna lieu à une grande cérémonie en 1554 mais, malgré sa virtuosité technique, la statue n’éclipsa jamais le David .
Parmi les autres statues qui furent érigées dans la ville à la gloire de Côme, la plus impressionnante est la statue de la Justice, sculptée par Francesco del Tadda, et placée sur la piazza Santa Trinità, au sommet d’une colonne provenant des thermes de Caracalla à Rome qui avait été offerte au grand-duc par le pape.
De la rive nord à la rive sud de Florence
Après avoir vécu quelque temps dans le palais Médicis de la Via Larga, Côme Ier s’installa de manière symbolique au Palazzo Vecchio afin de prouver qu’il incarnait à lui seul le pouvoir politique.
Il en fit renouveler l’aménagement intérieur par son architecte Vasari qui fut également chargé d’édifier à proximité les nouveaux bâtiments destinés aux organes d’administration de l’État : les Offices. Constitués par deux longues galeries réunies par une loggia s’ouvrant sur l’Arno, les bâtiments administratifs accueillirent dès 1580, par la volonté de François Ier de Médicis, les collections d’art de la famille, et devinrent ainsi l’un des premiers musées au monde.
Vasari réalisa également deux passages, l’un pour relier le Palazzo Vecchio aux Offices, l’autre pour mener des Offices au palais Pitti en traversant pour le Ponte Vecchio : le couloir ou corridor de Vasari. Le grand-duc pouvait ainsi circuler rapidement et en toute sûreté à travers les édifices les plus importants de sa capitale.
Le palais Pitti, construit par une famille rivale des Médicis, fut acheté en 1550 par Éléonore de Tolède, l’épouse de Côme Ier, pour en faire la résidence de la cour et le nouveau symbole du pouvoir des grands-ducs. Elle entreprit de le faire agrandir par l’architecte Ammanati et de réaliser un immense jardin sur la colline avoisinante de Boboli qui servit de cadre aux somptueuses fêtes des Médicis. La succession de bosquets et d’allées ombragées, animés de fontaines et de statues, de grottes artificielles et de pavillons, forme l’un des plus beaux modèles des jardins dit à l’italienne. Le palais Médicis de la Via Larga fut définitivement éclipsé par tant de splendeurs et fut vendu en 1665 à la famille Riccardi. Le siège du pouvoir s’était alors définitivement implanté au palais Pitti.
De nos jours, le palais Pitti n’abrite pas moins de sept musées (dont seulement cinq sont ouverts au public) : la galerie palatine qui présente dans les somptueux appartements de réception du premier étage des chefs-d’œuvre des plus grands noms de la peinture italienne, comme Botticelli, Raphaël, et Caravage ; les anciens appartements royaux réaménagés pour les souverains italiens au XIXe siècle ; la galerie d’art moderne consacrée à la peinture et à la sculpture du XIXe siècle et du début du XXe siècle ; le musée de l’argenterie qui expose les précieux objets d’art collectionnés par les Médicis; la galerie de la mode et du costume ; la galerie des tapisseries et le musée des carrosses. Sans oublier le charmant musée des porcelaines créé dans un pavillon de style néoclassique qui surplombe le jardin de Boboli.
À la suite des grands-ducs, l’aristocratie florentine qui avait dédaigné l’Oltrarno depuis des siècles, fit édifier des palais sur la rive sud. La piazza Santo Spirito et la Via Maggio, proche du palais Pitti, devinrent les nouveaux lieux à la mode.
La plus célèbre des demeures de la Via Maggio est le palais de Bianca Cappello, maîtresse puis épouse du grand-duc François Ier. Remanié par l’architecte Buontalenti, il est l’un des rares palais florentins à avoir conservé son décor mural extérieur, orné de grotesques et des armes parlantes de la famille Cappello symbolisée par un chapeau.
Pour faciliter la circulation entre les deux rives, les anciens ponts de bois furent reconstruits en pierre, comme le pont de Santa Trinità, conçu par Ammanati en 1567. Détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, il fut rebâti à l’identique, à l’exception de son décor sculpté définitivement perdu. L’architecte se serait inspiré des tombeaux des Médicis conçu par Michel-Ange pour réaliser l’élégant tracé de ses arches.
Le mécénat des Médicis
Les grands-ducs cherchèrent à favoriser les arts et les sciences et fondèrent dans toute la ville de nouvelles institutions destinées à encourager l’étude. Florence connut alors une nouvelle ère de développement économique et artistique.
Dans la continuité des jardins des Médicis établis près de San Marco, Côme Ier fit réaliser en 1545 par Niccolo Tribolo le jardin des Simples, l’un des premiers jardins botaniques d’Europe. L’étude scientifique des plantes se doublait d’un usage pharmaceutique.
Au fil des siècles, ce jardin, composé initialement à partir d’espèces toscanes, s’enrichit de végétaux exotiques qui font encore aujourd’hui sa réputation. L’intérêt des grands-ducs pour les recherches scientifiques est également célèbre grâce au soutien apporté par Côme II à Galilée. Il ne faiblit pas avec le temps : le grand-duc Pierre-Léopold fit aménager un observatoire astronomique en 1775 et un musée scientifique.
La plus ancienne école d’art au monde, l’Académie des Beaux-Arts, fut créée en 1563 à l’initiative la compagnie de Saint-Luc, la corporation des artistes. Michel-Ange fut son premier directeur. Deux siècles plus tard, le grand-duc Léopold Ier décida en 1748 de la doter d’une galerie pour y exposer des collections d’œuvres d’art destinées à servir d’exemples aux étudiants.
C’est ainsi que naquit la galerie de l’Académie, renommée pour son œuvre la plus célèbre, le David de Michel-Ange (placé à l’origine devant le Palazzo Vecchio, sur la Piazza della Signoria où il fut remplacé par une copie) qui y fut solennellement transporté en 1873 afin de le mettre à l’abri des intempéries.
Pour encourager un artisanat d’art typiquement florentin, le travail des pierres dures, Ferdinand Ier créa en 1588 l’Opificio delle Pietre Dure (manufacture des pierres dures). L’art de la glyptique y fut porté à un tel degrés de virtuosité technique que la « marqueterie florentine » fut recherchée dans toutes les cours européennes.
Ces œuvres de très haute valeur (à la fois artistique et financière) étaient formées à partir de minéraux et de pierres semi-précieuses, assemblées pour former de véritables tableaux : portraits, paysages, natures mortes… Cette production de grand luxe fut jusqu’au XIXe siècle une des fiertés du grand-duché de Toscane et un des fleurons de son économie.
Depuis le XXe siècle, l’Opificio assure une nouvelle mission qui demande tout autant de minutie et de savoir-faire : la restauration des œuvres d’art du patrimoine italien.
Le théâtre du baroque florentin
Dans une version plus sobre que son équivalent romain, le style baroque florentin matérialisa le faste de la Florence du XVIIe siècle.
Dans toute la ville, de nombreuses églises furent mises au goût du jour par l’adjonction d’une façade de style baroque comme à l’église San Marco et à l’église Ognissanti, ou d’une chapelle privée comme la cappella Sant’Andrea Corsini dans l’église Santa Maria del Carmine.
La ville se dota aussi de nouvelles créations de style entièrement baroque, comme l’église Santi Michele e Gaetano fondé par les théatins dans les années 1630 dont la façade d’aspect théâtral répond au somptueux décor de marbre de la nef.
Le pouvoir médicéen tira également profit de la dimension spectaculaire de ce nouveau style pour créer un somptueux mausolée : la chapelle des Princes de la basilique San Lorenzo.
L’Opificio delle Pietre Dure, chargé de réaliser les somptueux revêtements de marbres et de pierres dures qui couvrent le sol et les murs, mit plusieurs siècles à achever son ouvrage, conçu d’après un projet de Jean de Médicis, fils de Côme Ier, en 1602.
La chapelle s’organise de manière scénographique. La polychromie des matériaux et la virtuosité dans l’accentuation des axes diagonaux créent un effet spectaculaire de dilatation de l’espace.
Les grandes familles aristocratiques adoptèrent également ce style qui leur permettait de matérialiser leur richesse (et de compenser la perte de leur pouvoir politique). Bâti sur la rive nord de l’Arno, le plus fastueux palais baroque florentin fut élevé par les Corsini. Derrière l’immense façade donnant sur le fleuve se déploie toute la fantaisie de l’univers baroque, allant de la forme hélicoïdale complexe de l’escalier d’apparat à l’aménagement d’une grotte féérique au sein même du palais.
Ce goût pour l’univers théâtral se traduisit également par la création du théâtre de la Pergola, construit d’abord en bois en 1652, puis reconstruit en maçonnerie en 1754, dont la salle ovale « à l’italienne » et sa scène équipée d’une machinerie permettant les changements de décors entre les actes fournit le modèle de tous les théâtres d’Europe.
Dans le domaine du grand décor intérieur baroque, composé de peintures, stucs et dorures, ce fut naturellement le Palais Pitti qui reçut l’ensemble le plus somptueux. Le décor des grands appartements (également nommés appartements des planètes) du palais Pitti fut confié à Pierre de Cortone dans les années 1640.
Les fresques décrivent de manière allégorique l’éducation d’un jeune prince, mais font également référence aux recherches astronomiques de Galilée.
Chaque salle porte le nom d’une divinité romaine (et donc d’une planète) et compose une étape dans la progression du prince qui se détache des plaisirs matériels procurés par Vénus grâce à la sagesse prodiguée par Minerve, apprend les sciences grâce à Apollon, puis l’art de la guerre avec Mars et du bon gouvernement sous l’influence de Jupiter avant d’être accueilli dans l’Olympe par Saturne.
Ce majestueux décor connut un immense succès dans toute l’Europe et servit de modèle aux grands appartements du roi au château de Versailles.
Des Médicis aux Habsbourg-Lorraine
À la mort en 1737 du grand-duc Jean-Gaston, décédé sans héritier, la Toscane revint aux Habsbourg-Lorraine, selon les termes du traité de Vienne de 1738 (lien vers l’article 1733-1738 La guerre de la Succession de la Pologne), en échange de la Lorraine devenue française.
Après un relatif déclin dû aux piètres qualités des derniers Médicis, Florence redevint un grand foyer culturel et humaniste, notamment grâce aux grand-duc Pierre-Léopold qui entreprit de vastes réformes administratives et économiques.
Pour encourager les grandes familles florentines à soutenir l’agriculture et à mettre en valeur leurs terres par les moyens les plus modernes, le grand-duc soutint en 1753 la création de l’académie des Géorgophiles, installée tout près des Offices.
Dans la lignée du mouvement physiocrate européen, il cherchait ainsi à encourager le développement des sciences agraires. Il soutint également la recherche dans bien d’autres domaines scientifiques et fit ouvrir en 1775 un musée consacré aux sciences, nommé la Specola en raison de son observatoire astronomique. Mais son œuvre majeure fut sans aucun doute sa réforme du droit pénal, abolissant la torture et la peine de mort, selon les théories de Cesare Beccaria.
Si la dernière des Médicis ne put succéder à son père et à son frère à la tête du grand-duché, elle resta dans les mémoires comme la plus grande bienfaitrice de la ville. Seule dépositaire de tous les biens de sa famille, Anne-Marie-Louise de Médicis légua à Florence l’ensemble des trésors artistiques réunis depuis des siècles par la dynastie, à la condition qu’ils restent conservés dans la ville. Elle assura ainsi la préservation des chefs-d’œuvre qui valent encore aujourd’hui à Florence sa renommée mondiale.
Cela lui valut de devenir une des premières villes touristiques dès le XVIIIe siècle. Étape incontournable du « Grand Tour » entrepris par les jeunes gens de l’aristocratie européenne afin de parfaire leur éducation, Florence attira des visiteurs sans cesse plus nombreux. Une économie du tourisme commença dès lors à se mettre en place, alors que les industries qui avaient fait la réputation de la ville, comme la production textile, connaissait de grandes difficultés.
La grand-duchesse Elisa
Par la volonté de Napoléon Ier, le grand-duché de Toscane devint en mars 1801 le royaume d’Étrurie, gouverné par Louis de Bourbon (fils du duc de Parme) qui mourut en 1803. Son épouse, l’infante Marie-Louise (fille du roi d’Espagne Charles IV) devint alors « reine régente » au nom de son fils Charles-Louis âgé de 4 ans.
Rétabli en mars 1809, le grand-duché de Toscane fut confié à une des sœurs de Napoléon, Elisa Baciocchi. La nouvelle grande-duchesse s’employa à redonner sa splendeur artistique à Florence.
Elle donna un nouvel élan à la manufacture des pierres dures, et au travail du marbre de Carrare. Elle soutint également de nombreux artistes, surtout ceux d’origine française, comme François-Xavier Fabre, Louis Gauffier et bien d’autres pensionnaires de l’Académie de France à Rome, qui s’étaient réfugiés en Toscane en 1793 après les violentes émeutes dirigées contre les Français résidant à Rome.
Florence devint ainsi un éclatant foyer culturel et artistique international, notamment grâce à des personnalités comme la comtesse d’Albany, entourée du poète Alfieri, puis d’Ugo Foscolo. Canova fut également sollicité pour créer la Vénus Italique (afin de remplacer le plus beau chef-d’œuvre antique des Offices, la Vénus Médicis, exposé au Louvre selon les ordres de Napoléon), mais aussi des bustes et statues d’Élisa et de sa fille.
Le retour des Habsbourg-Lorraine
À la chute de l’Empire, Florence passa de nouveau sous contrôle autrichien. Cela n’empêcha pas Caroline Murat, ainsi que Jérôme Bonaparte et sa famille, de s’établir dans la ville.
L’ancienne reine de Naples, qui prit le titre de fantaisie de « comtesse de Lipona » (anagramme de Napoli), vécut jusqu’à sa mort en 1839 dans le palais Grifoni et fut enterrée dans l’église voisine d’Ognissanti.
Les grands-ducs autrichiens se montrèrent d’une grande tolérance envers les membres de la famille Bonaparte, comme le rapporte Alexandre Dumas dans Un an à Florence. L’écrivain séjourna dans la ville qui lui inspira plusieurs récits et romans, comme La Villa Palmieri et naturellement Les Médicis.
Il décrit notamment la mode des promenades aux Cascine : il était alors de bon ton dans la haute société de se rendre en fin d’après-midi (à cheval pour les hommes et en calèche pour les dames) dans ce parc situé à l’ouest de la ville.
Ancienne propriété des Médicis, cet immense domaine de 118 hectares venait d’être aménagé et ouvert au public afin d’offrir aux Florentins un lieu de promenade. Son nom venait des cascine, propriétés agricoles des Médicis qui tiraient des revenus de l’élevage bovin qui y était pratiqué depuis le XVe siècle.
À partir de la fin du XIXe siècle, des infrastructures sportives furent progressivement construites : piscine, courts de tennis, hippodrome… Équivalent florentin du bois de Boulogne, les Cascine forment toujours aujourd’hui le plus grand espace vert d’une Florence, particulièrement apprécié dans une ville au centre historique très minéral.
L’essor du tourisme
Tout au long du XIXe siècle, la fréquentation touristique ne cessa de croître. Au voyageur solitaire, admirant en dilettante les merveilles artistiques, tel Stendhal dont le trouble esthétique ressenti à Santa Croce inspira l’expression de « syndrome de Stendahl », succéda l’avénement du tourisme de groupe, organisé par des agences comme la célèbre agence Cook.
Pour accueillir des visiteurs toujours plus nombreux, les monuments historiques se transformèrent en hôtels, plus ou moins luxueux. Le palais Spini-Feroni (piazza Santa Trinità), renommé « Hôtel d’Europe », devint l’un des établissements les plus réputés. Franz Liszt y séjourna en compagnie de Marie d’Agoult.
Certains voyageurs finirent même par s’établir plus ou moins longuement à Florence, comme le poète Robert Browning et son épouse Élizabeth Barrett qui vécurent de 1846 à 1861 dans l’Oltrarno à la Casa Guidi, non loin du palais où Dostoïevski acheva la rédaction de L’Idiot en 1868.
Preuve du développement croissant de la communauté britannique, un cimetière protestant, également nommé « cimetière des Anglais », fut créé dès 1828 en périphérie de la ville.
De nombreux monuments historiques furent transformés en musées, comme le palais du Bargello célèbre pour ses superbes collections de sculptures et d’objets d’art, qui devint en 1865 l’un des premiers musées nationaux d’Italie.
D’autres furent embellis, et en particulier des églises, restées inachevées depuis le Moyen Âge, qui virent enfin la réalisation de leurs façades principales : la basilique de Santa Croce fut dotée d’une façade de marbre de style néogothique en 1863. Il en fut de même pour la cathédrale en 1887.
Florence capitale d’Italie
Pour réaliser l’unité italienne, l’annexion de la Toscane au royaume d’Italie entraîna la fin du grand-duché et le départ des Habsbourg-Lorraine en 1860. Mais cinq ans plus tard, Florence retrouva un rôle politique de premier plan. De 1865 à 1870, elle remplaça Turin comme capitale du royaume d’Italie, en attendant la prise de Rome qui était encore sous l’autorité papale.
La ville fut alors entièrement réorganisée afin d’accueillir toutes les nouvelles institutions et administrations, à l’échelle nationale, régionale et municipale. Le Parlement italien siégea dans le Palazzo Vecchio, tandis que le conseil municipal s’accommodait du palais Spini-Feroni ce qui entraîna un nouveau changement dans l’histoire mouvementé de ce bâtiment.
Le palais Pitti eut l’honneur de devenir palais royal, et les appartements des Habsbourg-Lorraine furent transformés pour accueillir le roi Victor Emmanuel et sa famille. Leur décor fastueux, caractéristique du goût de la fin du XIXe siècle est toujours visible aujourd’hui dans le parcours de visite.
Le développement de la ville amena la création de quartiers résidentiels destinés aux habitants les plus aisés, à l’écart du centre ville. Sur l’Oltrarno, un nouveau quartier fut bâti sur les collines du sud-est, autour d’une nouvelle place monumentale offrant un magnifique panorama sur la ville historique.
Elle fut dotée du nom de Piazzale Michelangelo en hommage au sculpteur dont une reproduction en bronze du David, entourée des quatre figures du Jour, de la Nuit, de l’Aurore et du Crépuscule réalisée pour les tombeaux des Médicis à San Lorenzo.
Moderniser Florence ?
Pendant cette période, Florence connut d’importantes évolutions urbanistiques. Un vaste projet de modernisation fut mis en place afin de la rendre digne de son nouveau statut de capitale.
Les remparts du XIVe siècle furent rasés (à l’exception des grandes portes fortifiées) pour laisser place à l’aménagement de nouveaux quartiers, organisés autour de larges avenues tracées au cordeau. Cette entreprise de destruction et de reconstruction se poursuivit jusqu’au début du XXe siècle.
Tout un ancien quartier, édifié autour du Vieux Marché jugé insalubre, fut détruit entre 1885 et 1895 afin d’aménager une immense place (actuelle Piazza della Repubblica) bordée d’élégants cafés et restaurants qui devint un des centres les plus animés de la vie mondaine florentine.
Un grand arc de triomphe y fut érigé en 1895 afin de rappeler les fastes années durant lesquelles Florence fut la capitale de l’Italie. La Loggia del Pesce (halle au poisson), édifiée en 1567 par Vasari, fut la seule rescapée de ce vaste chantier : elle fut transportée sur la piazza dei Ciompi.
Face à ces destructions, une campagne de protestation s’organisa et prit rapidement une ampleur internationale. Les innombrables critiques venues du monde entier mirent en évidence l’importance du patrimoine culturel florentin et la nécessité de sa préservation. Elles réussirent à faire abandonner le plan d’urbanisme qui prévoyait la démolition de la majeure partie du centre historique de la ville.
Une législation fut ainsi mise en place afin de protéger les monuments florentins. Le centre historique devint un véritable musée à ciel ouvert, destiné à accueillir toujours plus de touristes, tandis que les nouvelles constructions se limitaient à la périphérie de la ville.
Baptisé Firenze Nuova (Nouvelle Florence), la zone industrielle rassemble les bâtiments les plus modernes loin du centre de Florence. Seule exception, la gare de Santa Maria Novella, édifiée en 1935 par le « groupe toscan » rassemblant de jeunes architectes, comme Giovanni Micheluzzi et Piero Berardi, est considérée comme une réussite de l’architecture fonctionnaliste dont les matériaux (marbres, bronze…) s’inscrivent dans la lignée des édifices florentins.
Les destructions du XXe siècle
En dépit des récentes mesures de protection, le centre historique n’était pas pour autant à l’abri des guerres et des catastrophes naturelles. Deux événements majeurs causèrent d’innombrables destructions au XXe siècle et marquèrent les mémoires des Florentins.
En 1944, lors de la retraite de l’armée allemande, les bombardements et les dynamitages détruisirent tous les ponts (à l’exception du Ponte Vecchio) et de nombreux monuments historiques, en particulier les bâtiments édifiés sur les rives de l’Arno. Si les ponts furent reconstruits à l’identique, les immeubles, qui durent être rebâtis rapidement pour reloger les habitants, le furent sans grand souci esthétique.
En novembre 1966, une crue exceptionnelle de l’Arno dévasta Florence. Le niveau de l’eau dépassa de 6 mètres la hauteur des quais. Le flot boueux causa un véritable spectacle de désolation. Il endommagea d’innombrables trésors artistiques, notamment les fresques murales couvrant bon nombre d’édifices, et les collections des musées et bibliothèques.
Ironie de l’histoire, l’emplacement de la bibliothèque nationale avait été choisi dans les années 1930 sur la rive du fleuve comme étant le plus sûr pour éviter tout risque de catastrophe. En raison de l’incendie qui avait détruit la bibliothèque de Turin, le choix s’était porté sur un site placé à proximité de l’Arno.
D’ambitieux programmes de restauration furent aussitôt mis en place pour nettoyer et sauvegarder les œuvres d’art. Florence devint ainsi un centre majeur pour la restauration du patrimoine artistique.
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