L’Histoire ancienne des Amérindiens ou Indiens d’Amérique est de mieux en mieux connue grâce à l’archéologie mais aussi la génétique et la linguistique.
Il existe plus de 600 langues précolombiennes, autrement dit antérieures à l'arrivée de Christophe Colomb en 1492, et autant de peuples, mais nous allons ici nous concentrer sur les peuples les plus dynamiques et entreprenants en commençant par les premiers arrivés...
Et l’Homme découvrit l’Amérique !
Le continent américain est de loin le dernier à avoir été peuplé par notre espèce Homo Sapiens. C'est il y a un peu plus de 17 000 ans que les hommes ont pour la première fois posé le pied sur ce continent (c'est l'époque à laquelle quelques autres Sapiens gravaient et peignaient la grotte de Lascaux)...
Les anthropologues n'en finissent pas de débattre sur les conditions de ce peuplement. En l'absence d'indice archéologiques probants, l'hypothèse la plus communément admise est celle d'une entrée par la région du détroit de Béring, un bras de mer large de plus de 80 km qui sépare aujourd'hui l'Alaska de la Sibérie et relie l'océan Arctique à l'océan Pacifique.
Il y a 17 000 ans, à la fin de la dernière glaciation (Würm IV), cette région était un isthme, une langue de terre froide, car le niveau des océans était plus de cent mètres en-dessous du niveau actuel.
À partir de l'étude d'insectes et de plantes fossilisés extraits de carottes de sédiments prélevée à une cinquantaine de mètres au fond de la mer de Béring, des chercheurs ont pu montrer que l'isthme de Béring était en partie couvert de lichens et parsemée de quelques arbustes, saules et bouleaux. Il formait une toundra parcourue par de grands mammifères. Tout comme la Sibérie voisine, il était apte à nourrir de petites communautés de chasseurs.
Dans leur étude publiée en 2014, dans la revue Science, ces chercheurs expliquent ainsi l'intervalle de près de dix mille ans qui, d'après les analyses d'ADN mitochondrial prélevé sur des ossements, sépare les premiers Amérindiens de leur émergence comme groupe ethnique spécifique il y a un peu plus de 25 000 ans en Sibérie (source).
Cela signifie donc que par simple expansion démographique, des Sibériens ont atteint la Béringie, nom donné par les savants à l'isthme de Béring avant qu'il ne soit recouvert par les eaux de la fonte des glaces. Ils ont vécu là - végété devrait-on dire - pendant plusieurs milliers d'années. Puis, avec la remontée des glaciers vers le nord et le radoucissement du climat, ces clans humains ont peu à peu occupé le continent américain jusque vers la Terre de Feu, dans l'Antarctique !
Cette occupation s'est faite de proche en proche. En Amérique du nord, les plus anciens vestiges archéologiques remontent à 12 000 ans avant notre ère. Ce sont des pointes de javelot ovales en pierre finement taillées sur les deux faces. Elles caractérisent la culture de Clovis, ainsi dénommée d'après le premier site découvert en 1920 près d'une gare isolée du Nouveau-Mexique (le chef de gare avait ainsi baptisé le lieu car sa fille était passionnée par l'Histoire de France !).
Des anthropologues essentiellement sud-américains contestent l'antériorité de la culture de Clovis (Clovis first !) en vertu de la découverte en 2020 dans la grotte mexicaine de Chiquihuite de niveaux datés de 33 000 et 31 000 ans avant notre ère. Il en est aussi pour revendiquer une occupation humaine remontant à 40 000 ans ou davantage. Mais dans ces cas, les méthodes de datation demeurent fortement contestées...
Beaucoup plus tard, en l'An Mil de notre ère, un Viking du nom de Leif Eriksson a atteint la péninsule du Labrador, sur la rive atlantique opposée, et fondé une petite colonie. Mais à la différence des Sibériens, les Vikings n'ont pas fait souche et leur exploit est resté sans lendemain...
L’Histoire de l’Amérique commence dans les Andes
Les premières civilisations amérindiennes se développent dans la cordillère des Andes, au bord de l’océan Pacifique.
On peut repérer trois grandes familles de langues qui s’identifient plus ou moins aux trois grands centres des civilisations anciennes : il y a d’abord l’aymara sur les plateaux andins autour du lac Titicaca. L’empire de Tihuanacu a dû jouer un rôle essentiel pour amorcer sa diffusion sur un large espace entre le VIIIe et le Xe siècles.
Il y a ensuite le quechua, originaire de la côte pacifique. Le prestige du sanctuaire de Pachacamac a joué un grand rôle dans sa diffusion sur un vaste territoire, d’abord sous l’impulsion de l’empire Huari, puis à la fin du XVe siècle sous l’empire inca qui a contribué à uniformiser les langues quechuas.
Aujourd’hui, le quechua est la langue amérindienne la plus parlée au Monde avec 8 millions de locuteurs, et l’aymara la 3e plus parlée avec 2 millions.
Le troisième pôle est celui des langues Chimu sur la côte pacifique nord, dont le mochica est la principale : il était peut-être déjà parlé dans la culture Moche au IVe siècle, et à coup sûr dans la culture Chimu au XIVe siècle. Cependant l’expansion de l’empire inca suivie de la conquête espagnole ont fini par faire disparaître ce troisième pôle linguistique.
On va maintenant sortir de ce cœur civilisationnel pour traiter des peuples de l’Amazonie. Deux groupes linguistiques se distinguent par des migrations remarquables : celui des Arawaks au nord et des Tupi au sud. Leur point d’origine semble correspondre à deux confluents majeurs des rivières venus des Andes, et l’influence des civilisations andines a pu jouer un rôle dans cette expansion. On ne connaît pas la date de démarrage mais cela remonte au moins au Ier millénaire av JC.
Il s’agit de deux migrations spectaculaires par leur étendue. Cependant, les nouveaux arrivants ne remplacent les anciens peuples qu’en certains endroits et il ne s’agit donc pas de territoires uniformes. Cette réussite est basée sur la culture du manioc et du maïs combinée à la chasse, la pêche et la collecte.
La migration des Arawaks se poursuit ensuite au-delà des mers avec la conquête des Antilles et des Bahamas. Les Indiens que Christophe Colomb a abordé pour la première fois en posant le pied sur le Nouveau Monde étaient des Arawaks appelés les Tainos. Ces peuples ont pratiquement disparu suite à la conquête espagnole.
Parmi les vagues d’expansion des Tupis, la plus spectaculaire est sans doute celle des Guaranis. Ceux-ci viennent s’installer dans l’actuel Paraguay peut-être au IXe siècle avant de se répandre jusqu’à la côte brésilienne. Avec 5 millions de locuteurs qui résident essentiellement au Paraguay, c’est le peuple amérindien le plus nombreux du continent après les Quechuas.
Il est possible que certaines migrations des Tupi aient été provoquées par l’expansion des Arawaks, elle-même favorisée par l’influence andine, qui est attestée par le développement de villes dans la forêt au pied des Andes. Il pourrait donc s’agir de vastes réactions en chaîne s’échelonnant sur deux millénaires, qui impliqueraient l’expansion de deux autres groupes situés plus à l’est : les Gê au sud de l’Amazone et les Caribes au nord.
La linguistique suggère en effet une ancienne proximité de ces deux groupes tout en mettant en avant une influence des langues tupis. Il faut toutefois noter que la diffusion des langues Gê semble nettement plus ancienne que celle des langues Caribe. Ces derniers étaient d’ailleurs en train de gagner les petites Antilles au moment de l’arrivée de Christophe Colomb, ce qui a donné les noms de Caraïbes et de cannibales. Notons que la Guyane française reste aujourd’hui un carrefour entre les Arawaks, les Caribes et les Tupi.
Enfin je terminerai ce tour d’horizon d’Amérique du Sud en citant le peuple mapuche du Chili qu’on appelle aussi les Araucans. Ce peuple est surtout connu historiquement pour avoir réussi à stopper l’expansion de l’empire inca à la fin du XVe siècle, puis pour avoir résisté à la conquête espagnole. La résistance mapuche ne sera finalement matée qu’après les indépendances de l’Argentine et du Chili à la fin du XIXe siècle. Il en reste aujourd’hui environ 2 millions de locuteurs.
La Mésoamérique ou Amérique centrale, deuxième foyer de civilisation
Les langues mayas témoignent encore aujourd’hui de l’ancienne prospérité de cette civilisation entre 300 av JC et 1200. Il en reste environ 2 millions de locuteurs, mais répartis entre plusieurs langues.
Plus au nord, les peuples sédentaires des plateaux ont toujours été vulnérables face aux populations des steppes venues du nord qui étaient beaucoup plus mobiles et qu’on appelait les Chichimèques. Ces envahisseurs ont donné naissance à des peuples bien connus comme les Toltèques, puis les Aztèques.
Ces migrations répétées du nord au sud expliquent la taille considérable du groupe uto-aztèque qui inclut des peuples très variés depuis les Nahuas de Mésoamérique jusqu’aux Comanches des Grandes Plaines. Le maintien de connexions avec les terres originelles a sans doute contribué au développement des remarquables villages anasazis dans l’ouest américain au début du XIIIe siècle.
Cette époque singulière marque à la fois le déclin de la civilisation maya, le remplacement des Toltèques par les Aztèques, et le développement des villages anasazis.
Ces Amérindiens seront plus tard appelés les Pueblos du fait de cette architecture, mais ils ne constituent pas une unique famille linguistique. Aujourd’hui, c’est la langue des Aztèques, le nahuatl, qui reste de loin la plus parlée avec environ 2 millions de locuteurs.
Il existe d’autres groupes linguistiques d’étendue plus limitée au Mexique. En particulier, le groupe otomangue inclut les Zapotèques et les Mixtèques qui ont joué un grand rôle dans l’histoire de la Mésoamérique.
Peuples nomades de l'Amérique du nord
Voyons maintenant les autres peuples d’Amérique du Nord dont le contact avec les Européens est globalement plus tardif. L’agriculture s’est diffusée dans la région dès le Ier millénaire av. J.-C., notamment la culture du maïs, des haricots et des courges.
En revanche, le cheval n’existait pas en Amérique avant l’arrivée des Espagnols, et son utilisation ne s’est répandue qu’à partir du XVIIe siècle. C’est aussi à cette époque que les contacts avec les Français et les Britanniques introduisent les premières armes à feu, qui vont contribuer à modifier rapidement les équilibres en place.
Je vais commencer par l’immense groupe des Algonquiens, qui inclut le peuple algonquin proprement dit aux côtés de nombreux autres comme les Cris, les Micmacs et les Innus. Le point d’origine de cet ensemble est encore très incertain, peut-être vers le lac Supérieur, et leur expansion démarre sans doute peu avant notre ère pour des raisons largement inconnues. Ce sont les principaux peuples rencontrés par les Français et les Britanniques lors des premiers contacts.
Par la suite, la pression des Européens entraîne plusieurs phénomènes de migration dont la plus spectaculaire est celle des Cheyennes qui sont progressivement rejetés jusque dans la région des grandes plaines où ils changent complètement de mode de vie. Les Cheyennes sont connus pour la résistance qu’ils mènent face aux colons américains au XIXe siècle, incarnée par la bataille de Little Big Horn où ils jouent un rôle essentiel aux côtés des Sioux.
Le groupe des Sioux est originaire de la région du Mississipi. Ils sont rejetés vers l’ouest pour la même raison aux XVIIIe et XIXe siècles. Cette migration s’accompagne de pratiques guerrières très efficaces qui les rendent dominants sur un espace immense jusqu’aux sources du Missouri. Ils vont finalement s’imposer comme les principaux opposants aux colons américains lors de la conquête de l’Ouest, et seront popularisés par le genre du western.
Les Iroquoiens sont un autre groupe linguistique, surtout connu par la puissante confédération des Iroquois qu’ils ont formé au sud du St Laurent et qui était plutôt alliée aux Britanniques. Les Français quant à eux pouvaient compter sur le soutien des Hurons aux côtés de nombreux peuples algonquiens.
Bien avant l’époque coloniale, certains Iroquoiens ont migré en direction du sud des Appalaches, peut-être en réaction à la pression algonquienne : ils y forment plusieurs peuples dont les plus connus sont les Cherokees. Ils y côtoient d’autres groupes linguistiques d’étendue plus limitée : parmi ces peuples moins mobiles figurent notamment les Creeks qui sont les plus connus.
J’ai gardé deux derniers groupes pour la fin parce qu’ils sont arrivés plus tardivement que les autres sur le continent américain. Il s’agit d’abord du groupe athabaskan, qu’on appelle aussi les Dénés. Leur migration depuis la Sibérie remonte peut-être à l’optimum climatique autour de 6000 av JC, mais avec une grosse incertitude. Ils restent longtemps cantonnés en Alaska avant d’amorcer une nouvelle expansion vers le sud autour de l’an 1000. La cause de cette expansion reste inconnue mais on peut constater qu’elle correspond à l’optimum climatique médiéval.
Puis une dernière phase de migration se produit vers le XVe siècle et mène certains groupes très loin vers le sud : elle concerne notamment les Apaches et les Navajos qui s’installent vers le Nouveau-Mexique aux dépens du groupe uto-aztèque. Du fait de leur position à l’ouest du continent, les Athabaskans seront soumis tardivement par les Américains et les Britanniques à partir des années 1860.
Enfin je terminerai par le groupe eskimo-aléoute qui inclut essentiellement les Inuits, derniers venus sur le continent. Ces peuples ont toujours été fondamentalement tournés vers la mer, et ils se sont concentrés sur la colonisation des côtes et des îles. Leurs ancêtres ont traversé le détroit de Béring peut-être vers 3000 av. J.-C., avant de diverger entre la branche aléoute d’une part, et celle des Yupiks et Inuits d’autre part.
Bien plus tard, après l’An Mil de notre ère, les Inuits ont ensuite profité de l’optimum médiéval pour s’étendre sur toute la côte nord du Canada, avant d’atteindre le nord du Groenland vers 1200, puis le nord du Québec vers 1500. C’est alors la fin de l’ère précolombienne et le commencement d’une nouvelle Histoire, la nôtre.
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