À sa mort, le 1er septembre 1715, Louis XIV a pour héritier légitime un enfant de cinq ans, son arrière-petit-fils le duc d'Anjou, qui devient roi sous le nom de Louis XV.
En attendant sa majorité, le duc Philippe II d'Orléans, neveu du Roi-Soleil, va prendre les reines du gouvernement. Cet intermède, qualifié de Régence, va durer huit ans jusqu'à sa mort.
Drôle de famille
Né le 4 août 1674 à Saint-Cloud, le futur Régent a pour père le frère de Louis XIV, de deux ans plus jeune que ce dernier.
Également prénommé Philippe, il a été élevé comme une fille, l'entourage du roi ayant l'obsession d'éviter qu'il ne complote contre son frère, comme avant lui Gaston d'Orléans complota contre son aîné Louis XIII !
Philippe hérite de Gaston le titre de duc d'Orléans en 1660.
Et comme on pouvait s'y attendre, il témoigna d'un penchant pour son sexe qui le dissuada de comploter contre son aîné. Mais il n'en montra pas moins un courage certain et de grandes aptitudes à la guerre.
Marié à Henriette d'Angleterre en 1661 et veuf neuf ans plus tard (« Madame se meurt... », Bossuet), il se remaria aussitôt avec la princesse palatine Charlotte Élisabeth de Bavière, dite Liselotte ou plus simplement la Palatine.
Aussi virile que son mari était efféminé, elle sut néanmoins plaire à Louis XIV par sa spontanéité, son franc-parler et sa culture. Grande épistolière (60 000 lettres), elle laissa de la Cour un intéressant témoignage.
Par obligation, le couple se donne la peine de faire trois enfants, dont le futur Régent, né le 2 août 1674 à Saint-Cloud, et Mlle de Chartres. Après quoi, ils conviennent de faire chambre à part : « Lorsque Son Altesse me fit cette proposition, je lui répondis oui, de bon coeur, Monsieur, j'en serai très contente pourvu que vous ne me haïssiez pas et que vous continuiez à avoir un peu de bonté pour moi... ».
Toutes les qualités sauf... la principale
C'est dans ce contexte que grandit Philippe, qui n'est encore que duc de Chartres (il hérite du titre de duc d'Orléans à la mort de son père en 1701). Il est défloré à 13 ans par une comtesse de cinquante ans son aîné. C'est le début d'une vie amoureuse très active, avec en particulier les danseuses et les prostituées qui fréquentent les galeries du Palais-Royal.
Il a parmi ses précepteurs l'abbé Guillaume Dubois, fils d'un apothicaire de Brive. Il l'élève plus tard aux plus hautes fonctions. En attendant, l'abbé arrange son mariage avec Mlle de Blois, l'une des filles de Louis XIV et Mme de Montespan. La princesse palatine s'indigne de cette mésalliance mais n'y peut rien. Philippe lui-même surnomme sa femme « Madame Lucifer » mais lui fait néanmoins huit enfants !
Dans ses Mémoires, Saint-Simon écrit à son sujet : « Le dégoût d'un mariage forcé et si inégal lui fit chercher à se dédommager par d’autres plaisirs ».
Philippe, qui a de qui tenir, se montre débauché mais aussi excellent chef de guerre. Son comportement héroïque à la bataille de Neerwinden, le 29 juillet 1693, dans la guerre de la Ligue d'Augsbourg lui vaut l'ire de Louis XIV ! Le vieux roi apprend en effet par des moyens détournés que son fils le duc de Maine, qu'il aime tant, s'est quant à lui comporté comme un pleutre. Du coup, il éloigne le jeune duc de Chartres des armées et de la Cour.
Écarté des affaires pour de longues années, Philippe gaspille ses talents dans l'oisiveté et l'opulence. « Il avait tous les talents excepté celui d'en faire bon usage, » écrit de lui sa mère.
En 1706, coup de théâtre. La France, engagée dans la guerre de la Succession d'Espagne, est menacée d'invasion après la défaite de Villeroy à Ramillies. Le roi se résigne à destituer son vieil ami et le remplace par le duc de Vendôme, naguère commandant de l'armée d'Italie. Et comme il manque de bons généraux, il se décide le 22 juin 1706 à rappeler le duc d'Orléans.
Philippe profite de sa faveur retrouvée pour demander au roi de bien vouloir le fils qu'il a eu de sa maîtresse Mlle de Séry. Accordé. L'enfant devient Grand Prieur et général des galères de France...
En Italie, où le duc doit en référer à deux généraux incapables, La Feuillade et Marsin, les opérations se passent mal et c'est bientôt la retraite devant l'armée du prince Eugène. Heureusement, l'année suivante, Philippe d'Orléans reçoit le commandement suprême de l'armée d'Espagne.
Son armée remporte sans lui une brillante victoire sur les Impériaux à Almanza (Castille-et-Leon). Là-dessus, Philippe d'Orléans, à la tête de ses troupes, prend la direction de la Catalogne et s'empare de la fameuse citadelle de Lérida le 12 octobre 1707.
À Versailles, cependant, quelques grands esprits commencent à trouver que la guerre a assez duré. Le duc de Bourgogne, fils aîné de Monseigneur et petit-fils de Louis XIV, n'est pas près de le penser aussi et suggère à son frère Philippe V d'Espagne d'abdiquer pour le repos du monde.
Philippe d'Orléans, fidèle à la cause de Philippe V, se dit toutefois que si celui-ci venait à renoncer... lui-même pourrait ceindre la couronne. Il évoque le sujet avec tact devant son beau-père, le roi de France.
Mais voilà qu'en 1709, l'un de ses fidèles est arrêté en Espagne avec un mémoire aux termes duquel « les principaux de la première noblesse [espagnole] » se résoudraient, en cas d'abandon de la France, « de mettre à leur tête M. le duc d'Orléans et de sacrifier pour le soutenir leurs biens et leurs vies » (Le Régent, Philippe Erlanger, 1938). Cela a tout l'air d'un complot et le roi a motif de s'en irriter.
Une nouvelle ère
En juillet 1714, quinze mois avant de mourir, le roi Louis XIV a pris la précaution de rédiger un testament par lequel il institue un Conseil de régence présidé par le duc d'Orléans, fils de son frère Philippe et premier prince du sang.
Mais comme il se méfie de ce débauché qui avait des vues sur le trône, il légitime aussi les deux bâtards qu'il a eus de Mme de Montespan, le duc du Maine et le comte de Toulouse. Il en fait des princes du sang, héritiers possibles du trône. Il confie enfin l'éducation du futur roi au duc du Maine, son fils préféré !
Dès le lendemain de la mort du vieux roi, Philippe d'Orléans réunit le Parlement de Paris et obtient de celui-ci qu'il casse le testament. À la suite de quoi il va avoir les mains libres pour diriger le pays, d'une manière somme toute équilibrée et pacifique...
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