717 à 1204

Une épopée médiévale

Constantinople, prolongement de l'empire romain, a connu quatre siècles de grandeur grâce à trois empereurs remarquables : Constantin Ier, Justinien Ier et Héraclius.

Bien que menacé par les guerres civiles et les ennemis des frontières (Bulgares et autres Arabes), l'empire byzantin retrouve une nouvelle jeunesse aux VIIIe et IXe siècles.

André Larané

La dynastie isaurienne

L'ordre intérieur est restauré par un général originaire de Syrie qui se fait couronner à Sainte-Sophie sous le nom de Léon III le 25 mars 717. Avec lui commence la dynastie isaurienne. Comme Héraclius un siècle plus tôt, Léon III repousse une nouvelle attaque venue d'Orient. Cette fois, ce sont des Arabes qu'il défait sous les murs de Constantinople avec l'aide des Bulgares.

En 726, un édit du basileus condamne le culte qui entoure les images pieuses, culte qui confère aux moines une influence sur le peuple à son goût excessive. Il inaugure une querelle qui va diviser les Byzantins pendant plus d'un siècle : l'iconoclasme ou « querelle des images ».

Constantin V, fils et successeur de Léon III, poursuit la politique iconoclaste de son père, ce qui lui vaut de rester dans l'Histoire sous le surnom de Copronyme (en grec : l'Ordurier !). Il ne s'en montre pas moins compétent dans la guerre contre les Arabes, les Slaves, les Lombards et les Bulgares. Il périt en combattant ces derniers.

En 797, Irène, veuve de l'empereur Léon IV, fait crever les yeux de son fils Constantin VI et prend sa place sur le trône comme basileus (au masculin !). Intéressée par les affaires religieuses plutôt que militaires, elle rétablit provisoirement le culte des images, verse tribut au calife de Bagdad Haroun al-Rachid et demande la main de l'empereur d'Occident Charlemagne !

Irène finit par être déposée en 802. Elle est reléguée sur l'île de... Lesbos par son logothète (ou ministre des finances) qui monte sur le trône sous le nom de Nicéphore Ier. Il est battu et tué le 26 août 811 en combattant les Bulgares. Son vainqueur, le khan Kroum (ou Krum), de nature sentimentale, transforme l'auguste crâne impérial en une coupe à boire !

L'empire entre alors dans une longue période de troubles, sous la menace permanente des envahisseurs et en premier lieu des Bulgares.

Les coups d'État se succèdent et, pour ne rien arranger, voici que surviennent les premières querelles théologiques entre Église de Rome et Église de Constantinople à propos du Filioque (une question théologique subtile sur la place du Fils et du Saint Esprit dans la Sainte Trinité !).

Byzance missionnaire

Le IXe siècle est paradoxalement une grande époque missionnaire pour l'Église de Byzance. C'est ainsi que le patriarche Photius attire Boris, roi (khan) des Bulgares, dans le giron de Constantinople en le baptisant sous le nom de Michel en 865... Mais le baptême va rendre les Bulgares encore plus agressifs à l'égard de Byzance en leur donnant l'ambition de supplanter les Grecs à la tête de la chrétienté orientale.
Dans le même temps, deux frères, Cyrille et Méthode, disciples de l'illustre patriarche, vont en 860 évangéliser les Khazars, des barbares installés sur le cours de la Volga.
Trois ans plus tard, à la demande du duc de Moravie Rostislav, ils se rendent en mission auprès des Slaves de Bohème et de Moravie. Pour leur prédication, ils utilisent la langue slavonne (ancienne langue slave) et mettent au point un alphabet inspiré de l'alphabet grec qui perpétue encore leur souvenir dans le monde russe : l'alphabet « cyrillique ».

Dynastie macédonienne et apogée de Byzance

L'empire byzantin se redresse spectaculairement grâce à un ancien garçon d'écurie devenu le favori du basileus Michel III l'Ivrogne ! Il fait assassiner celui-ci et prend sa place sur le trône le 23 septembre 867 sous le nom de Basile Ier. Comme le nouvel empereur est né à Andrinople, en Macédoine, dans une famille d'origine arménienne, sa dynastie sera dite « macédonienne ».

Quand Basile Ier monte sur le trône, l'empire byzantin, si fragile soit-il, n'a plus guère de concurrents autour de la Méditerranée : l'empire de Charlemagne comme celui d'Haroun al-Rachid se délitent à grande vitesse. Les successeurs de Charlemagne se montrent incapables de résister aux invasions vikings et sarrasines. Quant aux Arabes, ils sont en passe d'être chassés de l'Histoire par les envahisseurs turcs.

Les empereurs macédoniens, à la suite de Basile, profitent de ces circonstances pour repousser les frontières de leur État. Ils bénéficient pour ce faire d'une armée de mercenaires de toutes origines, financée grâce au produit des impôts. Rien à voir avec les suzerains d'Occident qui, faute d'administration fiscale, ne peuvent compter que sur le bon vouloir d'une classe héréditaire de guerriers.

Des généraux au cœur fragile

À Byzance, sous les Macédoniens, la légitimité dynastique va emprunter de curieux sentiers de traverse... C'est ainsi que le basileus Constantin VII Porphyrogénète, lointain successeur de Basile Ier, abandonne la réalité du pouvoir à son fils Romain pour se consacrer à ses chères études. Il meurt en 959.

Le nouvel empereur Romain II a épousé en 956 la fille d'un cabaretier, Théophano. Elle lui a donné deux garçons avant de prendre pour amant un général énergique, Nicéphore Phocas. Romain II meurt en 963 (peut-être empoisonné par sa femme et son amant ?) et Nicéphore Phocas est hissé sur le trône par l'armée. Comme il a des manières, il épouse la veuve de son prédécesseur. Nicéphore Phocas repousse avec succès les limites de l'empire jusqu'à Antioche, siège du patriarcat de Syrie.

Mais on se lasse de tout, Théophano la première. L'impératrice prend un nouvel amant, encore un général. Celui-ci fait assassiner Nicéphore Phocas et monte à son tour sur le trône en 969 sous le nom de Jean Ier Tzimiscès. Comme le patriarche lui interdit d'épouser sa maîtresse, il se rabat sur la fille de l'ex-empereur Romain II.

Avec énergie, Jean Ier Tzimiscès poursuit le redressement de l'empire byzantin. Il annexe la Bulgarie orientale et, passant en Asie, reprend aux musulmans la Syrie et presque toute la Palestine à l'exception de Jérusalem.

À sa mort, le 10 janvier 976, les deux fils de Romain II lui succèdent ensemble sous les noms de Constantin VIII et Basile II, le premier laissant à son frère la réalité du pouvoir sans réticence d'aucune sorte.

Le danger bulgare écarté

Basile II entre en relation avec le grand-prince de Kiev, Vladimir, un farouche guerrier païen d'origine suédoise (ou varègue), réputé pour son harem (on lui prête 800 concubines). Il ne craint pas de lui donner en mariage sa propre soeur, Anne ! En échange de quoi, en 988, Vladimir se fait baptiser ainsi que tout son peuple (et congédie officiellement ses concubines). L'Ukraine et, après elle, toute la Russie entrent ainsi dans la mouvance byzantine. Vladimir sera récompensé de son initiative par son élévation posthume au rang de saint !...

Notons que l'arrière-petite-fille d'Anne et Vladimir, également prénommée Anne, donnera le jour au roi de France Philippe Ier.

Basile II ne s'en tient pas à la diplomatie. Le basileus poursuit avec brio les actions militaires de ses deux prédécesseurs. Il maintient leurs conquêtes moyen-orientales et porte ses principaux efforts sur les marges occidentales menacées par les Bulgares. Ceux-ci avaient constitué un immense empire balkanique sous l'égide de l'empereur Siméon Ier le Grand (893-927), fils du khan Boris (ou Michel), autoproclamé « tsar et autocrate de tous les Bulgares et les Grecs »).

Le 29 juillet 1014, Basile II remporte sur l'armée du tsar Samuel Ier une victoire décisive à Stroumitza (aujourd'hui Strumica, en Macédoine). Ayant capturé 15 000 Bulgares, il leur fait à tous crever les yeux, sauf à 150 d'entre eux qui sont seulement éborgnés afin qu'ils puissent guider la troupe jusqu'au tsar Samuel. Celui-ci meurt d'émotion à leur vue le 6 octobre 1014.

Cette aimable pochade vaudra beaucoup plus tard à Basile II le surnom de Bulgaroctone (le « tueur de Bulgares »)... En attendant, elle fait passer la Bulgarie sous domination byzantine.

Aux alentours de l'An Mil, l'empire byzantin s'étend du Danube aux portes de Jérusalem. Il inclut aussi l'Italie du Sud, la Cilicie et la Syrie.

En 1032, un stratège (général) du nom de Georges Maniakès s'empare de la ville d'Édesse, en Mésopotamie. Enfin, au pied du Caucase, la lointaine Arménie bagratide (du nom de la dynastie régnante) est annexée en 1045.

L'empire n'est pas seulement puissant. Il est également très riche. Constantinople attire les marchands de toutes religions et de tous pays. Sa prospérité, toutefois, se construit au détriment de la paysannerie, opprimée par le fisc et les grands propriétaires.

Premiers nuages

Le déclin survient dans le demi-siècle qui suit la mort de Basile II (15 décembre 1025), lequel, célibataire sans enfant, n'a pas pris la précaution de préparer sa succession. De nombreux coups d'État s'enchaînent alors. Crise économique et crise politique s'accompagnent d'une forte dévaluation de la prestigieuse monnaie d'or de Byzance, le nomisma.

Deux coups de semonce se produisent en 1071 avec à l'ouest, la prise de Bari, en Italie du Sud, par le Normand Robert Guiscard et à l'est, la cruelle défaite de l'empereur Romain IV Diogène à Malazgerd (Manzikert) face au sultan ottoman Alp Arslan.

Dans les années qui suivent, les prétendants qui se disputent le trône de Constantinople installent des mercenaires turcs dans les forteresses en leur possession en Asie mineure. Lentement, sans avoir à beaucoup combattre, les Turcs s'implantent ainsi en Asie mineure.

Bientôt, un cousin des Turcs Seldjoukides d'Iran, Souleyman, fonde à Nicée, non loin du Bosphore, un sultanat indépendant appelé « sultanat de Roum » parce qu'implanté dans un territoire anciennement « romain ». L'Asie mineure est dès lors perdue pour Byzance.

Après ces brutaux changements survenus en l'espace d'un demi-siècle, le rejeton d'une famille de riches propriétaires terriens reprend la situation en main. Neveu de l'éphémère empereur Isaac Ier Comnène (1057-1059), il s'empare du pouvoir en 1081 sous le nom d'Alexis Ier Comnène.

Dans un premier temps, il contient les Normands de Robert Guiscard avec l'aide intéressée des Vénitiens qui, en contrepartie de l'appui de leur flotte, obtiennent un quasi-monopole commercial à Constantinople. Il vainc aussi les Petchénègues, nomades cousins des Turcs, au Lébounion, le 29 avril 1091.

Le malentendu des croisades

Alexis, là dessus, multiplie les appels épistolaires aux souverains d'Occident et au pape en leur représentant la situation misérable des chrétiens d'Orient asservis aux Turcs. Les chevaliers francs, excellents guerriers s'il en est, ne se font pas prier pour combattre les Turcs sous la bannière du basileus.

Le mouvement prend une ampleur sans précédent en 1095 lorsque le pape Urbain II lui-même lance aux Francs un appel à combattre les infidèles. C'est la première croisade. Par centaines de milliers, humbles gens et guerriers se jettent sur les routes et prennent la route de Jérusalem... qui passe par Constantinople.

Quelque peu surpris et inquiet, le basileus reçoit les chefs des croisés, leur fait promettre de combattre sous ses ordres et s'empresse de les faire passer en Asie. Il profite de leur intervention pour dégager la grande ville de Nicée, qu'assiégeaient les Turcs mais il s'abstient pour le reste de les épauler. Les croisés répliquent en refusant de lui livrer les villes et les territoires repris aux Turcs. Il en va ainsi de la belle ville d'Antioche occupée par le Normand Bohémond de Tarente.

À la mort d'Alexis, le 15 août 1118, lui succède son fils Jean II. Vertueux et courageux, il consolide l'empire mais ne peut empêcher l'émancipation des Francs de Palestine et doit renouveler en 1126 les privilèges commerciaux accordés aux marchands vénitiens.

Profitant de son fructueux commerce avec l'Orient via Constantinople, la République de Venise connaît ses plus belles années.

Manuel Ier Comnène, fils cadet et successeur de Jean II, consolide tant bien que mal l'oeuvre de son père. Il épouse en secondes noces une princesse française, Marie d'Antioche, pour se rapprocher des croisés. Mais ses rêves de grandeur sont obscurcis par sa défaite face aux Turcs Seldjoukides à Myriocéphalon, en Asie mineure, en 1176. Sa mort, le 24 septembre 1180, ouvre une nouvelle crise de succession.

À la faveur d'un conflit entre deux prétendants, en 1182, les habitants de Constantinople se jettent sur les quartiers occupés par les Latins, notamment les Vénitiens, et se livrent à un massacre en règle. C'est le point de départ d'une animosité croissante entre les deux parties de la chrétienté médiévale.

La situation intérieure et extérieure de l'empire byzantin se dégrade très vite jusqu'au drame de 1204 qui voit une armée de croisés conduite par des Vénitiens mettre à sac la « nouvelle Rome » comme personne ne l'avait fait avant eux. -


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Justinien
Publié ou mis à jour le : 2021-03-22 18:57:53

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