Fils d’Écossais catholiques ayant fui les guerres religieuses qui déchirent les îles britanniques, Étienne MacDonald, le futur maréchal d’Empire, est issu d’une famille à l’histoire étonnante et complexe qui a changé de nom à plusieurs reprises… Étienne, futur grand acteur de l’épopée napoléonienne, aimera la France au point de risquer sa vie pour elle. Il en recevra fortune et gloire tout en nous laissant une longue correspondance avec sa fille Nancy particulièrement émouvante et riche d'informations historiques.
La France et l'Écosse : un lien immémorial
Le premier MacDonald s’appelait en réalité Neil Mac Eachen. Né vers 1719 dans une famille catholique résidant sur l’île de South Uist, dans les Hébrides écossaises, il décida tout simplement… d’emprunter ce nom.
Le passage de Mac Eachen à Mac Donald fut probablement décidé pour des raisons pratiques après son installation en France. Le nom de cette famille a beaucoup évolué puisqu’elle s’appelait MacLean avant son installation à South Uist (note).
Il faut replacer l’itinéraire de Mac Eachen dans le cadre de la guerre de religions qui secoue la Grande-Bretagne après la « glorious Revolution » de 1688. Les clans écossais sont alors déchirés entre plusieurs religions : les catholiques défendent Jacques II et les protestants Guillaume d’Orange !
Les Britanniques restés fidèles à Rome, essentiellement en Écosse et en Irlande, créent un vaste mouvement culturel, politique et philosophique, le « jacobitisme », autrement les « partisans de Jacques ». Devenue un bastion catholique après la révocation de l’Édit de Nantes (1685), la France leur sert occasionnellement de refuge.
Le lien des Écossais avec la France est ancien. Ils conservent en mémoire la vieille alliance de revers nouée en des temps immémoriaux, la « Auld alliance », renouvelée par François Ier et Marie Stuart en 1543. Cette alliance érigée en principe permettait de doter automatiquement les réfugiés écossais de la nationalité française.
En 1736, Neil Mac Eachen quitte son île pour suivre, pendant un an, les cours du Collège écossais de Paris (note) afin de devenir prêtre. Il est aidé par un banquier parisien, Aeneas MacDonald, important mécène de la cause jacobite (note). Revenu dans son île, il abandonne sa vocation d’origine et devient précepteur.
Certains documents suggèrent qu'il aurait participé, aux côtés de Flora MacDonald, à l’évasion vers la France de Charles Édouard Stuart en juin-juillet 1746, après la bataille décisive de Culloden, avant de s’engager dans le régiment Albany, l’un des régiments français de jacobites (1747). En 1749, il est muté au régiment jacobite d'Ogilvy, à Saint Omer.
Ces régiments, pleinement intégrés aux armées du roi, sont à vrai dire surtout composés d’Irlandais. Ils furent dissous après la Guerre de Sept Ans (1763). C’est à cette époque que Neil épouse Marie Alexandrine Gounaut, née à Saint-Omer en 1739. On les retrouve à Sedan en 1765, où naît leur fils unique Étienne Jacques MacDonald (note). Puis ils s'installèrent définitivement à Sancerre en 1767 où, au sein de la petite communauté jacobite, aidés par les Mac Nab afin qu’ils ne sombrent pas dans la pauvreté.
L’éducation d’Étienne Jacques fut en effet prise en charge par ses compatriotes, le comte Naerne et Edward Mac Nab, maître des Eaux et Forêts, le plus important représentant de l’État à Sancerre (note).
Étienne suivit les pas de son père. Passé par l’école militaire de Douai (où se trouvait également un collège écossais), il rejoignit le régiment d'Ogilvy à Saint Omer. Lors de la Révolution, il choisit de ne pas émigrer, contrairement à d’autres Écossais, ce qui lui permet une progression rapide parmi le corps des officiers supérieurs.
Il est général de brigade en 1793 et général de division l’année suivante. Il affronte les Anglais avec ardeur puis participe au coup d’État du 18 brumaire (note) et devient l’une des figures militaires de l’Empire. Devenu très charismatique, le général MacDonald n’hésita pas à se brouiller avec l’Empereur par fidélité au général Moreau, mais fut vite pardonné, fait maréchal et Duc de Tarente, l’un des titres de la nouvelle noblesse.
Une correspondance émouvante et instructive
Le maréchal MacDonald a laissé son empreinte dans l’histoire militaire mais il aurait aussi pu se faire un nom dans la littérature épistolaire, comme le montre sa correspondance avec sa fille Nancy, dont l'intérêt historique s'avère considérable (note).
Nancy, à l’état civil « Antoinette Charlotte », est née à Saint-Germain-en-Laye en 1792, où se concentrait d’ailleurs l’essentiel de la communauté jacobite. Ce surnom d’usage, Nancy, est le seul indice qui peut nous renvoyer à ses racines lointaines. Pas de tropisme britannique dans la correspondance, à part quelques séjours à Londres.
Elle tient une place à part. Aînée des enfants des trois mariages de son père, elle est orpheline de mère à l’âge de cinq ans et se retrouve, en 1797, seule aux côtés de sa sœur cadette Adèle. Quelques années plus tard, en 1803, naîtra sa demi-sœur Sidonie. Pendant plus de quarante ans, elle nouera par la plume une relation privilégiée avec son père.
Durant son enfance, Nancy revient sans cesse sur le thème de l’absence. Les voyages incessants de son père l'incitent à bien apprendre l’histoire et surtout la géographie afin de suivre ses déplacements sur une carte. Avec le temps, la correspondance devient presque quotidienne.
Pendant que le Général s’illustre sur les champs de bataille ou prend la charge d’ambassadeur au Danemark, elle est élevée au pensionnat de jeunes filles de Madame Campan à Saint-Germain-en-Laye, où elle côtoie les enfants Beauharnais et Bonaparte. En 1805, elle s’installe dans la toute nouvelle maison d’Éducation de la Légion d’Honneur à Ecouen, jusqu’à son mariage en 1810.
Elle épouse à l’âge de 18 ans le fils du ministre de la Justice et duc de Massa, Nicolas Régnier, qui deviendra préfet de l'Oise en 1815. Son premier enfant meurt en bas âge. Devenue duchesse de Massa, et alors que l'Empire s'effondre, elle accouche d’un garçon en 1814 puis d’une fille un an plus tard. Nancy évoquera avec effroi dans sa lettre du 9 avril 1814, l’arrivée des « occupants ». Au nom de leur attachement à Napoléon Ier, les MacDonald approuvèrent, par réalisme, son abdication. Le maréchal se rallia alors à Louis XVIII, qui confirma son titre (note).
Ni son mari ni son père ne soutinrent l’Empereur à son retour de l’île d’Elbe. Nancy croyant que son père rallierait aussitôt Napoléon évoque, dans sa lettre du 10 mars 1815, l'opportunité d'un « renouvellement d’enthousiasme pour notre Roi ». Notons qu'elle précise toujours « l’Empereur », jamais « l’Usurpateur ». Waterloo s'apparentant à une tragédie, la correspondance deviendra beaucoup plus espacée pendant les Cent-Jours.
Sous la première Restauration, la famille est domiciliée au Palais de la Légion d’Honneur. et lors de la seconde Restauration, Nicolas Régnier est nommé Pair de France. Nancy doit attendre la Monarchie de Juillet pour être pleinement intégrée à la Cour du Roi et devenir dame d'honneur de la reine Marie-Amélie et de ses filles. Le maréchal meurt dans son château de Courcelles, à Beaulieu sur Loire (Loiret) en 1840.
En 1857, Nancy publia anonymement « Le Conscrit » (note). Écrit d’une plume alerte, ce roman met en scène les tourments de Nanette, une fille de Tours tiraillée entre sa jeunesse et l’attente du retour de son promis, parti en Algérie faire son service militaire.
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Philippe CHAPELIN (12-02-2023 16:46:22)
L'article n'est pas centré sur le maréchal McDonald mais il existe bien des histoires à son sujet (notamment à l'époque du 18 brumaire). Ce que j'ai trouvé intéressant est la formidable correspondance échangée avec sa fille, qui montre le lien naturel avec l'Empire et l'entourage de l'Empereur jusqu'aux Cent-Jours. Avant de faire le choix pragmatique d'une certaine continuité par le ralliement au Roi. Il est peu probable qu'ils aient songé à l'émigration, à cause de leur héritage jacobite. La fidélité à la France fut totale quelque soit le régime (Nancy se rendait parfois à Londres).
Jean MUNIER (15-01-2023 16:43:51)
Jacques Etienne Mac Donald est très sympathique , il n'a pas émigré parce qu'il était amoureux. Napoléon l'a fait maréchal de France après Wagram par respect (pas d'Empire nuance ) Je suis étonné d'appendre qu'il était déjà général en 1793 ,28 ans .