L'Amérique centrale et l'Amérique du Sud ont été colonisées par l'Espagne et le Portugal de façon quelque peu désordonnée, du XVIe au XVIIIe siècle.
L'indépendance des États-Unis, en 1783, puis la Révolution française et les conquêtes napoléoniennes vont réveiller les aspirations autonomistes de la bourgeoisie créole latino-américaine. Dans un remarquable mouvement d'ensemble qui débute en 1810, toute l'Amérique latine, à de rares exceptions, va gagner son indépendance en moins de deux décennies.
Notre animation multimédia présente les grandes lignes de cette aventure.
Les créoles sont les descendants des colons espagnols, parfois métissés d’Indiens. Ils possèdent l’essentiel des ressources économiques, mines et plantations, mais se trouvent souvent en conflit d’intérêt avec les hauts fonctionnaires délégués par Madrid.
Une première tentative d’insurrection a lieu en 1806 à l’initiative de Francisco de Miranda, un officier créole originaire du Venezuela, qui a combattu aux côtés des insurgés nord-américains puis des révolutionnaires français. Miranda tente de débarquer sur les côtes vénézuéliennes mais il est repoussé par les troupes légalistes et, battu, doit reprendre le bateau pour l'Europe. Le révolutionnaire invente à cette occasion le nom de Colombia (Colombie), en souvenir du découvreur du Nouveau Monde, pour désigner la fédération hispano-américaine dont il rêve.
Deux ans plus tard, la dynastie espagnole des Bourbons est renversée par Napoléon Ier, lequel impose sur le trône d'Espagne son frère Joseph. L’administration et l’armée espagnoles ne sont dès lors plus en mesure de résister aux insurrections et les créoles vont en profiter.
La bourgeoisie créole est très tôt confrontée à la spécificité latino-américaine : un espace immense et très peu peuplé (20 millions d'âmes sur 20 millions de km2), qui plus est fractionné par le relief (montagnes, plateaux), la végétation (déserts, forêt vierge) et la diversité des peuplements (Amérindiens de la forêt, Amérindiens de la montagne, noirs et métis, blancs...).
La colonisation européenne procède par tâches d'huile à partir de quelques centres administratifs sans lien les uns avec les autres. Ce sont les sièges des vice-royautés : Mexico (Nouvelle-Espagne), Bogota (Nouvelle-Grenade), Lima (Pérou), Buenos Aires (Rio de la Plata), Rio de Janeiro (Brésil). S'y ajoutent quelques villes secondaires : Caracas, Quito, Santiago, Salvador de Bahia... Rien à voir avec les implantations française et anglaise en Amérique du nord, concentrées le long du Saint-Laurent et à l'est des Appalaches.
Avec les insurrections indépendantistes, les créoles des différentes villes hispaniques vont prendre leur autonomie faute de pouvoir faire autrement. Ainsi vont se constituer les États actuels, farouchement attachés à leur indépendance et à leurs spécificités culturelles. Le Brésil portugais, du fait d'une émancipation en douceur, va quant à lui échapper au fractionnement.
1810
Le 19 avril 1810, à Caracas, au Venezuela, une municipalité insurrectionnelle enlève le pouvoir au capitaine général, le représentant officiel de Madrid, tout en se prononçant « pour le maintien des droits de Ferdinand VII » (Ferdinand VII est le roi légitime renversé par Napoléon Ier et ses intérêts continuent d'être représentés en Espagne par la junte insurrectionnelle de Cadix).
À Buenos Aires, capitale de la vice-royauté du Río de la Plata, les élites créoles, qui ont pris conscience de leur capacité militaire en luttant contre les Anglais en 1806, organisent méthodiquement leur prise du pouvoir. En l'espace d'une semaine, du 18 au 25 mai 1810, elles chassent le vice-roi d'Espagne, Baltasar Hidalgo de Cisneros, et mettent en place une junte destinée à gouverner la colonie. C'est la « Revolución de Mayo ». Il n'est pas encore question d'indépendance.
Dans la foulée, le 20 juillet 1810, une junte républicaine prend le pouvoir à Santa Fé de Bogotá, capitale de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade (la Colombie actuelle).
Peu après, le 11 novembre 1810, la bourgeoisie créole de la province de Carthagène, en Nouvelle-Grenade, proclame sa pleine indépendance vis-à-vis de Madrid. Son exemple est suivi dans les années suivantes par Cundinamarca, Antioquia puis Tunja. C’est l’époque de la « Patria boba » (Idiote Patrie) durant laquelle les provinces de Nouvelle-Grenade se déchirent au lieu de s’unir contre la métropole.
En Amérique centrale, dans la riche vice-royauté de Nouvelle-Espagne (le Mexique actuel), le 16 septembre 1810, le curé du village de Dolores rassemble ses ouailles et les invite à se rebeller contre les représentants de Madrid. Il conclut sa harangue par ce cri fameux : « ¡Viva la Virgen de Guadalupe ! ¡Viva Fernando VII ! ¡Abajo el mal gobierno ! » (Vive la Vierge de Guadeloupe, vive Fernand VII, à bas le mauvais gouvernement !). Mais sa rébellion tournera court et il sera arrêté et pendu par les autorités l'année suivante.
Le 18 septembre 1810, à Santiago-du-Chili, un groupe de créoles prennent également le pouvoir et portent à la tête de leur colonie le gouverneur Bernardo O'Higgins, fils naturel d'un Irlandais.
Entre le Brésil et le Rio de la Plata, dans des zones forestières délaissées par les planteurs tant portugais qu'espagnols, des jésuites avaient, au XVIIIe siècle, regroupé les populations indiennes dans des villages autogérés et pacifiques, à l'abri des chasseurs d'esclaves.
Mais les esprits « éclairés » d'Europe avaient obtenu en 1767 la dissolution de la Compagnie de Jésus. Par voie de conséquence, les « réductions » jésuites du Paraguay avaient été dissoutes, leurs villages brûlés et leurs habitants réduits en servitude.
Le territoire du Paraguay, rattaché à la la vice-royauté du Río de la Plata, profite de la « Revolución de Mayo » pour proclamer unilatéralement son indépendance sans effusion de sang dès 1811…
Comme la junte de Cadix n’entend pas céder une parcelle de son pouvoir, le Venezuela proclame unilatéralement son indépendance le 5 juillet 1811. Miranda devient généralissime et dictateur mais pour peu de temps. Il est battu à San Mateo le 25 juillet 1812. Le 6 août 1813, son rival, Simón Bolívar, reprend Caracas aux Espagnols et reçoit de la municipalité le titre de « Libertador » (le Libérateur).
Au Mexique, le 6 novembre 1813, le prêtre Morelos y Pavon prend la tête d'une nouvelle insurrection et proclame l'indépendance du pays. Mais sa tentative échoue comme la précédente.
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Les vice-royautés espagnoles d'Amérique du Sud, libérées de la tutelle de Madrid, vont s'émanciper dans le désordre.
Simón Bolívar tente non sans brutalité de réaliser leur unité sur le modèle nord-américain...
1814
En 1814, tandis que l'empire napoléonien s'effondre, le roi Ferdinand VII quitte sa résidence forcée et regagne Madrid. Son gouvernement dissout la Junte de Cadix, abolit les réformes libérales et reprend la main, tant en Espagne qu'en Amérique.
Au début 1816, toutes les colonies rentrent dans le rang (sauf le petit Paraguay, protégé par son isolement !).
1816
Le 9 juillet 1816, suite aux victoires du général José de San Martín y Matorras sur les troupes espagnoles, Buenos Aires proclame officiellement l'indépendance des « Provinces-Unies de la Plata ».
San Martín n'en reste pas là et décide de libérer le Chili et le Pérou. Franchissant les Andes avec quatre mille hommes, il remporte sur les Espagnols la victoire de Chacabuco le 12 février 1817. À la suite de celle-ci, le 12 février 1818, à Santiago, Bernardo O'Higgins, « directeur suprême » du Chili, peut renouveler avec solennité la proclamation d'indépendance du pays.
San Martín entame dans la foulée la conquête de la vice-royauté du Pérou, à l'exception de la partie intérieure (le haut-Pérou)...
1818
Pendant ce temps, Bolívar a quitté son exil d’Haïti et repris la lutte avec l'aide intéressée des Anglais. Débarquant à Angostura (aujourd'hui Ciudad Bolívar), où il réunit un Congrès constituant, il s'empare sans trop de mal de la région de l'Orénoque, vaste savane parcourue par quelques troupeaux accompagnés de leurs farouches vachers, les llaneros.
1819
Le congrès que Bolívar a réuni à Angostura concède au « Libertador les pouvoirs de président et dictateur militaire.
Constatant que le Venezuela n'était pas mûr pour l'insurrection, Bolívar décide de tenter sa chance dans la Nouvelle-Grenade voisine. Par une opération d'une grande audace, il franchit les Andes et tombe par surprise sur les Espagnols au pont de Boyacá, le 7 août 1819. Trois jours plus tard, le « Libertador » entre à Bogotá.
Le 17 décembre 1819, Bolívar proclame l'avènement d'une « Grande-Colombie » qui réunit théoriquement trois départements : Venezuela, Nouvelle-Grenade et Quito (Équateur).
1821
San Martín entre à Lima, abandonnée par le vice-roi espagnol. Ayant proclamé l'indépendance du Pérou le 28 juillet 1821, il songe à se faire désigner empereur des territoires libérés !...
1822
Ayant chassé les Espagnols du Venezuela et de l'Équateur, Bolívar rencontre à Guayaquil le général San Martín et le convainc de lui abandonner le Pérou. San Martín s'en va finir ses jours en Europe…
Entre temps, le 24 février 1821, en Amérique du Nord, la Nouvelle-Espagne a arraché son indépendance. Le 18 mai 1822, le général Iturbide se fait couronner empereur du Mexique sous le nom d'Augustin Ier.
Mais dans la foulée, la capitainerie du Guatemala, à l'exception de la province du Chiapas, fait sécession du Mexique, et proclame à son tour son indépendance sous le nom de Provinces-Unies d'Amérique centrale.
Au même moment, le Brésil, immense colonie portugaise d’un seul tenant, qui occupe la moitié du continent sud-américain, s’émancipe en douceur, sans un coup de feu. Pierre, qui a été nommé régent du Brésil par son père Jean VI, roi du Portugal, proclame lui-même l’indépendance du Brésil le 7 septembre 1822 et en devient empereur constitutionnel le 12 octobre suivant.
1826
Dans les régions andines, il ne reste plus au « Libertador » qu'à achever la conquête du Pérou... C'est chose faite après la victoire à l'arraché du général Sucre, le 9 décembre 1824 dans la vallée d'Ayacucho, sur l'Altiplano andin.
Suite à cette victoire, le haut Pérou, riche de ses mines d'argent, proclame son indépendance le 6 août 1825. Cinq jours plus tard, il prend le nom de... Bolivie en l'honneur du « Libertador » ! Et baptise sa capitale administrative du nom de son lieutenant : Sucre.
Fort de ces succès, Bolívar réunit un congrès panaméricain à Panama, du 22 au 25 juillet 1826, pour fédérer l'Amérique hispanique du Mexique au río de la Plata. Las, c'est un échec. Seule la Grande-Colombie ratifie le traité d'union. Les rivalités personnelles et les conflits d'intérêt prennent le dessus. Les méthodes autoritaires (pour ne pas dire plus) de Bolívar ne sont pas non plus du goût des délégués.
Peu après, la Colombie entre en guerre contre le Pérou et, dans le même temps, le Venezuela s'émancipe et met fin à la Grande-Colombie. C'est l'effondrement du rêve panaméricain. Malade et abandonné de tous, le « Libertador » quitte le pouvoir. Il meurt le 17 décembre 1830.
L’Amérique latine est désormais indépendante mais divisée, et ses structures sociales perpétuent les clivages ethniques de l’ère coloniale entre Blancs créoles, métis, Indiens, Noirs et mulâtres.
L'Espagne, chassée d'à peu près toutes ses anciennes colonies, réussit à revenir à Cuba et Porto-Rico. Dans ces deux îles des grandes Antilles, elle est accueillie avec soulagement par les planteurs qui craignent qu'une indépendance hâtive ne leur vaille le sort des planteurs de Saint-Domingue (Haïti).
Si le Brésil résiste avec souplesse aux tensions centrifuges, il n'en va pas de même des anciennes colonies espagnoles. En 1839, faute d'un centre fort et unificateur, les Provinces-Unies d'Amérique centrale éclatent en plusieurs pays : Guatemala, Salvador, Honduras, Nicaragua et Costa Rica.
Dans le même temps, le Texas, majoritairement peuplé de colons anglo-saxons, fait sécession du Mexique. Il demande peu après son rattachement aux États-Unis. Ces derniers entrent là-dessus en guerre contre le Mexique et lui enlèvent d'immenses territoires qui forment aujourd'hui le sud-ouest des États-Unis : Californie, Nevada, Arizona et Nouveau-Mexique.
Par la suite, des guerres malheureuses vont meurtrir les États continentaux : Paraguay et Bolivie. Pour finir, les États-Unis susciteront la création d'un État sur mesure, le Panamá, et chasseront les Espagnols de Cuba et Porto-Rico.
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