La naissance de l’islam et les premiers califes (622-661)
Commençons par la géographie des lieux. Le Hedjaz correspond à la partie occidentale de la péninsule arabique. Le versant abrupt des plateaux y permet quelques précipitations au sein d’une région globalement aride. C’est donc là que passe la route caravanière qui relie le Proche Orient et l’Arabie Heureuse.
Cette route a contribué à diffuser le judaïsme et le christianisme vers le Yémen pendant plus de trois siècles. La Mer Rouge constitue une deuxième voie de communication qui a permis à ces religions de se diffuser vers l’Ethiopie. Le Nil a également permis leur diffusion de l’Egypte vers le Soudan. Enfin on peut signaler le zoroastrisme de Perse qui s’apparente à une forme de monothéisme moins strict. Finalement, on voit que le Hedjaz demeure une enclave polythéiste de plus en plus influencée par le monothéisme environnant.
C’est dans ce contexte que naît Mahomet dans une tribu arabe implantée autour de La Mecque, qui n’est pas encore une ville selon les données archéologiques. L’endroit comporte déjà un petit sanctuaire polythéiste constituée d’un monument, la kaaba, qui enserre une pierre atypique, la pierre noire. Ce n’est pas le seul : d’autres pierres sacrées sont également vénérées plus au sud.
Mahomet commence à adhérer au monothéisme vers l’an 610, ce qui soulève l’animosité de son clan qui finit par le chasser en 619. Mahomet finit par trouver refuge à Médine en 622 avec quelques camarades monothéistes. Cet évènement appelé l’Hégire marquera le début du calendrier musulman.
Le groupe mené par Mahomet grossit rapidement : en 624, il peut mener une attaque victorieuse contre une caravane menée par son ancien clan devenu ennemi. Le butin engrangé par cette bataille de Badr renforce sa position dominante à Médine et pose les bases d’un premier état monothéiste dans la région. Mahomet y impose de nouveaux rituels : le Ramadan est institué en tant que mois de jeûne et un nouvel impôt sur la propriété est établi en tant qu’acte de foi, la zakat. C’est l’époque où l’islam commence à se détacher des monothéismes préexistants.
En parallèle, Mahomet multiplie les guerres contre les tribus voisines qui permettent d’accroître rapidement son état théocratique. En particulier, La Mecque est soumise vers 630. La kaaba se transforme en lieu de pèlerinage pour les musulmans et les prières se tournent dorénavant vers elle au lieu de Jérusalem. Les 5 piliers de l’islam sont déjà bien en place.
Mahomet meurt en 632 selon la tradition et le pouvoir revient à son compagnon Abu Bakr. Celui-ci devient ainsi le premier calife qui signifie simplement « successeur » mais prendra le sens de commandeur des musulmans. Il doit d’abord mater de nombreuses révoltes des tribus soumises, puis poursuit l’expansion de son état sur la totalité de la péninsule arabique.
Il se retrouve face aux empires perse et byzantin qui ont été ravagés par une guerre mutuelle. En 634, Abu Bakr entame la conquête de la Palestine et de l’Irak qui se poursuit sous son successeur Omar. En 636, les musulmans remportent à la fois la bataille du Yarmouk qui leur donne le contrôle de toute la Syrie byzantine, et la bataille d’Al Qadisiyya qui leur donne le contrôle de l’Irak perse. Il leur faut 2 ans pour finaliser ces 2 conquêtes. Puis en 639, Omar peut tourner son regard vers l’Egypte. Les musulmans s’emparent d’Alexandrie en 641 et fondent Fustat la même année qui deviendra Le Caire. Cette nouvelle conquête est finalisée 2 ans plus tard. En parallèle, les Arabes confortent leur conquête de l’empire perse en remportant la bataille de Nahavand en 642.
Omar est assassiné en 644 et Othman lui succède. La progression en Afrique ralentit : les musulmans échouent à conquérir la Nubie et cessent leurs raids vers Carthage en échange d’un tribut. Ils doivent renoncer à conquérir l’Anatolie mais s’emparent de l’Arménie et achèvent leur conquête de l’empire perse en 651. Enfin la flotte égyptienne leur permet de piller les îles de Crète et de Chypre.
On voit que l’expansion de l’état musulman au cours des 30 premières années est remarquable. Elle est liée à l’association du politique et du religieux qui a permis de fidéliser toutes les tribus autour d’une cause, à l’efficacité des cavaliers semi-nomades face aux lourdes armées des sédentaires, et à la faiblesse des empires perse et byzantin tout juste sortis de leur guerre dévastatrice.
Selon la tradition, c’est à cette époque que le texte du Coran est compilé. Othman nomme gouverneurs de nombreux membres de son clan, les Omeyyades, ce qui provoque des révoltes dans les provinces conquises, notamment en Irak. Othman est assassiné par les insurgés en 656 et Ali lui succède. Il révoque certains gouverneurs et quitte Médine pour s’installer à Koufa en Irak, mais le gouverneur omeyyade de Syrie Mu’awiya rejette son autorité, ce qui déclenche une guerre civile.
En 657 à la bataille de Siffin, Ali échoue à vaincre l’armée de Mu’awiya, ce qui affaiblit encore son autorité. Les Kharidjites, qui ne reconnaissent ni l’autorité d’Ali, ni celle de Mu’awiya, tentent d’assassiner les deux hommes en 661, mais seul Ali trouve la mort. Finalement, ça profite à Mu’awiya qui peut imposer son autorité politique sur l’ensemble du califat. Son autorité religieuse est toutefois contestée non seulement par les kharidjites, mais aussi par les chiites qui soutiennent les descendants d’Ali, notamment en Irak et en Iran. Les sunnites quant à eux reconnaissent le calife omeyyade comme le nouveau chef des croyants. Ces différentes communautés ne reconnaissant plus le même guide spirituel, leurs croyances vont peu à peu diverger jusqu’à constituer des courants bien distincts au sein de l’islam.
En 661 s’achève l’époque des premiers califes, mais les Omeyyades vont bientôt poursuivre leur œuvre encore plus loin. C’est ce que nous verrons dans le prochain épisode.
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henryboret (06-09-2022 17:49:23)
Bonjour, merci pour ces belles cartes animées qui remettent l'émergence de la puissance arabe en perspective. En revanche, et même si cela risque d'être un peu polémique, il me semble que vous reprenez textuellement l'histoire officielle de l'islam telle que racontée par les musulmans eux-mêmes. Pourtant, depuis plusieurs dizaines d'années, des ouvrages très bien documentés donnent une autre version de l'élaboration du Coran, une autre place à Mahomet et surtout une géographie très différente avec une création de la Mecque bien plus tardive et l'importance de la Syrie et des sectes judéo-nazaréennes. Je pense en particulier au "Messie et son prophète" d'Edouard-Marie Galliez qui est une thèse de doctorat de 2004, et à un ouvrage de vulgarisation avec une très belle iconographie des premiers temps de l'islam "Le Grand Secret de l'islam" par Odon Lafontaine. Il n'en reste pas moins que les guerres intestines entre tribus arabes de la première moitié du VIIème siècle sont bien décrites dans votre documentaire.
Jonas (31-08-2022 14:16:59)
Cet article est intéressant mais traite rapidement la bataille de la succession du prophète de l'islam. Je pense que le différent entre sunnites chiites avait commencé dès ce moment là et persiste encore aujourd'hui. Sans remonter a cette époque , il est difficile , pour ceux qui n'ont pas étudié l'histoire de Mohammad , de comprendre l'antagonisme entre le chiisme ( chi't-Ali) qui veut dire le parti d'Ali , ce dernier étant gendre et neveu du prophète de l'islam. Le chiisme représente le principal schisme de l'islam. Pour les chiites le Califat devait revenir à Ali et rester dans la famille du prophète c-à-d aux gens de la maison du prophète ( Ahl Al-Bayt). ceux que le prophète a pris sous son manteau, Fatima, Ali, et ses deux petits-fils , Hassan et Hussein , âgés de sept et six ans, que la tradition chiite nommera Ahl-Al-Kisa ( gens du manteau). Je rappelle , que trois des quatre premiers califes, dits " les bien guidés" avaient subi une mort violente sauf le premier . Abu Bakr.