XVIIIe siècle

La folie des sciences chez les Lumières

La folie des sciences au XVIIIe siècle (Spécial Historia, 2016)S’il est admis que la pensée scientifique émerge au XVIIe siècle, le Grand Siècle des Sciences, elle débouche au siècle suivant sur ce que Victor Battagion  qualifie très justement de « folie des Sciences » dans le Spécial Historia (2016) qu'il lui a consacré.

Tous les grands bourgeois ont alors à cœur de s’offrir un cabinet de curiosités ou, mieux encore, un laboratoire dans lequel ils se livrent à des expériences plus ou moins pertinentes.

Certains y réussissent admirablement, tel Antoine Lavoisier, fermier général (collecteur d’impôts) de son état et chimiste devant l’Éternel. Mais l’inventeur le plus représentatif de ce siècle est sans doute l’Américain Benjamin Franklin, qui allie inventivité, pragmatisme et sens des affaires.

Charlatans et vrais savants

« Entre magie, charlatanisme et science véritable, la frontière n’est pas toujours claire : dans toute l’Europe, des institutions savantes sont chargées de distinguer la science de la supercherie », note Olivier Coquard dans l’introduction du Spécial Historia. La tâche est rude. On dit aussi que l’illustre Newton lui-même était passionné par l’alchimie et l’astrologie…

Il faudra les expérimentations impeccables de Lavoisier pour en finir avec la théorie phlogistique de l’Allemand Georg Ernst Stahl, qui voit l’origine de la combustion dans un élément autonome qui serait la flamme (phlox en grec).

À la veille de la Révolution, l’Académie royale des sciences dénonce les expériences de Jean-Paul Marat (le futur Montagnard) sur la thérapie électrique et s’inquiète des billevesées du docteur allemand Franz Mesmer sur le magnétisme animal, censé guérir toutes les maladies.

Le mesmérisme séduit néanmoins l’astronome Bailly. Le 4 septembre 1784, il évoque le magnétisme animal devant l’Académie des Sciences : « L’imitation et l’imagination, deux de nos plus étonnantes facultés : ce sont des faits pour une science encore neuve, celle de l’influence du moral sur le physique ».

Engouement populaire et mondain

Expérience de la bouteille de Leyde (Van Loo de Prusse)Vraies ou fausses, les avancées du siècle suscitent un incroyable engouement. Ainsi de la découverte de l’électricité à travers l’expérience de la bouteille de Leyde, réalisée pour la première fois en 1745.

Elle consiste à stocker de l’électricité dans une bouteille d’eau par l’intermédiaire d’un clou électrisé par un générateur. Les spectateurs s’offrent des émotions en posant la main sur la bouteille et en la déchargeant.

L’expérience est popularisée en France par l’abbé Nollet, successeur du physicien René Ferchault de Réaumur à l’Académie royale des sciences en 1757 et maître de physique des enfants royaux.

Comme lui, à partir du milieu du siècle, savants et inventeurs recueillent un succès fou auprès du public.

Ainsi Guillaume François Rouelle au Jardin du Roy avec ses expériences de chimie et Jacques de Vaucanson au Palais-Royal avec ses automates. « Le Canard digérateur, qui se lève sur ses pieds, bat des ailes, mange des grains et les défèque, est vu par des milliers de personnes, même si le ticket d’entrée équivaut au salaire hebdomadaire d’un ouvrier », note Pascal Brioist.

Les femmes ne sont pas moins passionnées que les hommes par la science expérimentale. « Elles cultivent la chimie, la physique et même la botanique. Le règne des lettres est passé ; les physiciens remplacent les poètes et les romanciers ; la machine électrique tient lieu d’une pièce de théâtre », écrit Louis-Sébastien Mercier à la fin du siècle.

Même frénésie, cinquante ans plus tard, avec les ballons gonflés à l’air chaud (« montgolfière ») ou à l’hydrogène (« charlière »). Ces aérostats permettent pour la première fois aux hommes d’échapper à la gravitation terrestre et de s’élever dans le ciel. Mais ils n’auront guère d’incidence industrielle.

Il en va autrement de la machine à vapeur. En 1712, le mécanicien anglais Thomas Newcomen conçoit une machine en vue d’extraire l’eau des mines de charbon, en s’inspirant des travaux de Denis Papin, au siècle précédent.

Un demi-siècle plus tard, en 1769, l’ingénieur écossais James Watt améliore considérablement les performances de la machine et lui ouvre de nouveaux champs d’utilisation (transports, textile, métallurgie). La même année, à l’arsenal de Paris, l’ingénieur lorrain François Cugnot conçoit un « fardier » à vapeur capable de transporter 4 à 5 tonnes à 4 kilomètres à l’heure. Mais la disgrâce de son protecteur, le duc de Choiseul, mettra fin à l’expérience.

Pas de chance non plus pour le marquis Claude de Jouffroy d’Abbans. Le 15 juillet 1783, il réussit avec un bateau à moteur à remonter la Saône de Lyon à l’île Barbe mais, faute de soutien officiel, il ne peut poursuivre ses recherches… C’est seulement au siècle suivant que la machine à vapeur dévoilera ses atours.

Mesurer la Terre et le Ciel

Les astronomes du XVIIIe siècle mettent à profit les progrès dans l’instrumentation… et la navigation pour vérifier les hypothèses émises au siècle précédent par Christian Huygens ou encore Isaac Newton.

Ainsi, des expéditions partent dans toutes les directions pour observer le passage de Vénus devant le Soleil le 6 juin 1761. En pleine guerre de Sept Ans, ce sont pas moins de 120 observations du phénomène tout autour de la Terre.

On remet ça pour le passage du 3 juin 1769. À cette occasion, la Royal Society de Londres confie à James Cook le soin de conduire une expédition scientifique sur l’île du Roi George (Tahiti). Histoire d’amortir le voyage, le capitaine embarque aussi à bord de son modeste Endeavour des botanistes et des naturalistes. Et il va aussi chercher une hypothétique Terra australis. Ce sera l'Australie… Après la raison au XVIIe, la folie au XVIIIe…

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2022-01-26 19:41:55

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