Quel destin plus improbable que celui de Charles Louis-Napoléon Bonaparte, premier président de la République française et Empereur des Français sous le nom de Napoléon III ?
Né le 20 avril 1808 aux Tuileries, à Paris, il est le troisième fils de Louis Bonaparte, jeune frère de Napoléon Ier, par ailleurs roi de Hollande, et d'Hortense de Beauharnais, belle-fille de l'Empereur.
Avec la chute du Premier Empire, en 1815, le petit Louis-Napoléon doit suivre sa mère en exil en Suisse. De ce long séjour en terre alémanique, il va garder un accent germanique.
Le 22 juillet 1832, la mort du fils légitime de Napoléon Ier, le duc de Reichstadt fait de lui le chef légitime du parti bonapartiste, lequel, il est vrai, est encore insignifiant... Il est rejoint par un jeune homme de son âge, Persigny, et les deux amis tentent de soulever le 30 octobre 1836 la garnison de Strasbourg. Ils échouent piteusement. Louis-Napoléon doit s'exiler en Amérique.
Mais voilà que le transfert des Cendres de l'Empereur, de Sainte-Hélène à Saint-Louis des Invalides, le 15 décembre 1840, donne lieu à une cérémonie populaire et grandiose ! Le parti bonapartiste renaît de ses cendres et Louis-Napoléon décide d'en profiter sans attendre. Avec Persigny et une soixantaine de conspirateurs rassemblés à Londres, il traverse la Manche le 5 août 1840, se dirige vers une caserne et prononce un discours devant les soldats et les badauds médusés ! Arrive un capitaine. La détermination des conspirateurs flanche. Le prince tire un coup de pistolet et blesse un grenadier avant d'être arrêté.
Condamné cette fois à la perpétuité, l'héritier est enfermé au fort de Ham, dans la Somme. Il profite de sa douillette captivité pour compléter sa formation et beaucoup écrire. Il publie ainsi un ouvrage d'économie politique, L'extinction du paupérisme, dans lequel il affiche ses préoccupations sociales. Il s'évade enfin le 25 mai 1846 et se réfugie à Londres cependant que s'effondre la « monarchie de Juillet ».
Les « Journées de Février » amènent la IIe République.
Louis-Napoléon en profite pour rentrer en France. Il se fait élire en juin 1848 dans trois départements. Ses électeurs appartiennent aux nostalgiques de l'Empire (peu nombreux), aux défenseurs de l'ordre et de la propriété mais aussi aux laissés-pour-compte de la révolution industrielle, sensibles aux idées sociales du neveu de Napoléon le Grand. On commence à entendre des cris de « Vive l'Empereur » !
Louis-Napoléon se présente à l'élection présidentielle du 10 décembre. À la surprise générale, le jour venu, il bénéficie d'un raz-de-marée, bénéficiant d'un vote de ras-le-bol à l'égard de la République conservatrice bien plus que d'un vote d'adhésion à sa personne.
Se présentant dès lors comme un arbitre entre le peuple et la majorité conservatrice de l'Assemblée, le président cultive sa popularité.
Lorsqu'approche l'échéance de son mandat, les députés lui refusent le droit de se représenter. Qu'à cela ne tienne, le 2 décembre 1851, il organise un coup d'État qui renverse la IIe République et, un an plus tard, instaure officiellement le Second Empire.
La société française se transforme sous le Second Empire plus vite qu'en aucune autre période de son Histoire. C'est à ce moment qu'elle accomplit sa révolution industrielle.
L'empereur signe un traité de libre-échange avec le Royaume-Uni. Il institue aussi une union monétaire qui englobe, jusqu'à la Première Guerre mondiale, de nombreux pays. Il accorde le droit de grève aux ouvriers et relance l'instruction publique. Outre-mer, au Sénégal, au Cambodge, en Cochinchine, en Nouvelle-Calédonie, les troupes de marine jettent les bases d'un nouvel empire colonial que la IIIe République aura à cœur d'étendre.
La cour, aux Tuileries, à Compiègne et à Fontainebleau, se signale par une activité bourdonnante, au moins pendant les belles années du régime. Elle est ouverte à toute la bourgeoisie sans esprit de classe et se montre accueillante pour les gens de lettres.
Mais, imbu de principes humanitaires et désireux de faire prévaloir en Europe le « principe des nationalités » (une nation, un pays), l'empereur mène une diplomatie brouillonne. Il s'engage avec les Anglais dans la guerre de Crimée, secourt les chrétiens d'Orient puis subit de graves déconvenues au Mexique comme en Italie. Affaibli par la maladie et poussé de l'avant par l'opinion publique, il engage une guerre désastreuse contre la Prusse qui va lui coûter son trône et ternir le bilan de son règne.
Vos réactions à cet article
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Desavoy (08-11-2016 18:48:04)
On a tellement écrit " à charge sur Napoléon " que l'on peut apprécier un récit plus équilibré ! Les zones d'ombre sont bien connues.
Jean Loignon (07-11-2016 16:25:31)
Je m'étonne que cet article fasse totalement l'impasse sur le coup d'Etat du 2 Décembre 1851 qui fit des centaines de morts à Paris, sans compter la répression de l'insurrection républicaine de Haute-Provence. A Paris, le député Baudin tomba sur les barricades en proclamant "vous allez voir comment on meurt pour 25 francs" (l'indemnité journalière des députés). Des milliers d'opposants furent exilés ou déportés en Algérie et en Guyane.
La modernisation économique et sociale que permit la révolution industrielle en France durant le Second Empire ne doit pas masquer les zones d'ombre du régime, ce que ne manque pas de faire cet article par trop hagiographique.
MARY (07-11-2016 09:21:55)
Édifiant ! A découvrir !
peytavi (27-03-2011 14:45:32)
pour votre gouverne à lire l'excellent livre de PHILIPPE SEGUIN
NAPOLEON LE GRAND.