Il est un coin d'Asie, coincé entre Orient et Occident, qui a vu passer les plus grands conquérants et a su tirer de ces visites un art à la fois unique et pluriel. Entre Pakistan et Afghanistan, les chefs-d'oeuvre gréco-bouddhiques restent le symbole d'une fusion originale de plusieurs cultures dont l'exemple le plus impressionnant a longtemps été les grands bouddhas de Bamiyan, désormais anéantis.
C'est au cœur de l'Asie, entre mer Caspienne et Himalaya, que s'est développé un des arts les plus originaux de la fin de l'Antiquité. Il naît précisément au Gandhara, région alors située aux frontières du Pakistan et de l'Afghanistan actuels, et qui va lui donner son nom. Dès le VIe siècle av. J-C. c'est le Perse Cyrus II qui prend le contrôle de cette plaine fertile, ne se doutant pas un instant qu'un jeune Macédonien ambitieux allait venir mettre la région sous influence occidentale.
Mais comment résister à Alexandre le Grand...
Très vite la langue grecque s'imposa dans l'administration, l'armée et les échanges commerciaux. Le prouvent les édits rupestres que fit rédiger au IIIe siècle du côté de Kandahar (Afghanistan) le souverain Açoka pour inviter ses sujets à suivre les principes bouddhiques : 6 siècles après l'arrivée d'Alexandre, c'est toujours dans un grec très pur que le roi continue à faire graver ses préceptes, même si le peuple ne le parle pas.
À la fin du IIe siècle av. J.-C., c'est sous le règne du roi indo-grec Ménandre que l'on situe la rencontre entre les cultures grecques et bouddhiques. Sa conversion au bouddhisme permet la naissance d'un nouveau type d'art appelé art du Gandhara, du nom de la région où il s'est épanoui. Alors que le Bouddha était jusqu'alors représenté de façon symbolique, les artistes habitués aux dieux grecs vont lui donner forme humaine en en faisant l'aboutissement de plusieurs influences. Taillé dans du schiste, le Bienheureux hérite d'un visage digne d'Apollon, à l'arcade sourcilière bien disposée dans le prolongement d'un nez droit que soulignent parfois de belles moustaches à l'iranienne. A l'ondulation de ses cheveux, relevés en chignon, répond la souplesse des drapés caractéristiques de la mode hellénistique. Enfin, sous l'apparence du Bodhisattva (avant l'entrée dans le Nirvana), il apparaît couvert de parures tout droit héritées des populations nomades iraniennes. Cette image, née d'un mariage harmonieux entre Orient et Occident, s'est largement diffusée à travers les siècles puisqu'aujourd'hui encore, c'est avec un profil grec et une toge méditerranéenne que les bouddhas sont représentés.
Si les Grecs avaient le goût de la beauté, ils avaient aussi celui du gigantisme. On l'a oublié mais plusieurs de leurs œuvres aujourd'hui disparues sont passées dans l'Histoire à cause de leur taille : c'est le cas de la statue de Zeus à Olympie, celle d'Athéna, créée par Phidias pour le Parthénon, et bien sûr le Colosse de Rhodes. Cette tradition va traverser les océans pour donner naissance à 200 km de la ville actuelle de Kaboul à trois bouddhas géants. Érigés entre le IIIe et le VIIe siècle, ils veillaient sur la vallée de Bamiyan, un des plus importants lieux de pèlerinage bouddhique sur la route de la soie puisqu'il a accueilli jusqu'à 3 000 moines dans ses quelque 700 grottes. Le plus grand des géants, haut de 55 mètres, portait semble-t-il un masque d'or, ce qui expliquerait l'aspect lisse de l'emplacement de son visage.
De telles réalisations ne peuvent qu'attirer l'attention ! Pourtant si Gengis Khan, en 1222, massacre la population de la vallée, il épargne les bouddhas. Ce n'est pas le cas des visiteurs suivants, notamment un roi perse du XVIIe siècle qui fait tirer au canon dessus. En 1924, l'archéologue de la Croisière jaune, Joseph Hackin, a ce constat amer : « Les musulmans ont volontairement détruit ces images, hérétiques à leurs yeux. Ils ont martelé avec frénésie les visages, enduit de goudron les peintures pour les brûler, puis tiré à bout portant sur les effigies des « Bienheureux ». La population locale hazara chiite, quant à elle, considérait ces statues comme un homme et une femme représentant des ancêtres. C'est pourquoi lorsque les talibans, d'origine pachtoune et sunnite, s'installèrent dans la vallée en 1998, les grands bouddhas devinrent un symbole à abattre. Le 26 février 2001, le mollah Omar, autorité suprême des talibans, ordonna la destruction des statues, ce qui sera fait 2 semaines plus tard malgré la mobilisation mondiale.
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Bernard (05-06-2021 16:43:06)
Il faut les reconstruire, à l'identique.
Sinon la barbarie aura triomphé.
pmlg (02-06-2021 08:53:01)
Et heureusement que certaines sculptures sont toujours conservées au Musée Guimet, au British Museum ou au Metropolitan Museum ... Cela donne à réfléchir sur la façon dont les oeuvres doivent être (légitimement !) restituées aux pays d'origine.