L'archéologie, toute une histoire !

L'expédition d'Égypte et la pierre de Rosette

112 cm de haut, 75 cm de large, 28 cm d'épaisseur : voici la taille de la clé qui a permis de résoudre une des plus importantes énigmes de l'archéologie, l'écriture égyptienne. Mais avant de nous dévoiler des siècles de civilisation, la pierre de Rosette, à peine sortie des sables, a été l'objet de bien des convoitises...

« Pierre trouvée à Rosette, (partie supérieure, en écriture hiéroglyphique) », illustration tirée de la Description de l'Égypte, 1809. En agrandissement : Jean-François Champollion, Étude de l'inscription de Rosette, reproduction, Musée Champollion, Figeac.

Rien ne se perd

« 1er juillet 1798 : débarqué sur la terre des Pharaons, il va partout, suivi d'une Commission de savants et d'artistes qui n'avaient jamais caracolé à dos de chameau », image tirée d'un livre pour enfants, 1892.

Aucun doute, les Anglais ne vont pas se laisser faire ! Débarqué en Égypte le 1er juillet 1798, Bonaparte sait bien qu'il doit protéger ses arrières pour mieux avancer dans les terres. Et comme il ne laisse rien au hasard, comme à son habitude, il envoie de suite un détachement du Génie redonner belle allure à la citadelle de la ville de Rosette (El-Rashid), située dans le delta du Nil.

Rebaptisé Fort Jullien, du nom d'un aide de camp de Bonaparte, le vieux château avait déjà fait l'objet de consolidations au Moyen Âge, et c'est donc sans suprise que les ouvriers découvrent dans ses murs toutes sortes de pierre récupérées ici ou là.

Le 19 juillet 1799, les travaux de terrassement s'arrêtent sur ordre du lieutenant polytechnicien Pierre Bouchard : on vient de le prévenir de la découverte d'une stèle étrange, noire, couverte d'inscriptions. Transformé en remblai, le bloc de granit a perdu une bonne partie de son sommet mais l'essentiel est là, et il est de toute beauté !

Une armée de savants

Bouchard en est persuadé : la découverte est exceptionnelle. Il a bien repéré les hiéroglyphes situés dans la partie supérieure et reconnu le grec, dans le bas, mais la troisième langue, au centre, lui est inconnue.

Rapidement, son supérieur, le général Ménou, fait transporter les 762 kg de la pierre au Caire où est installé le tout jeune Institut d'Égypte. C'est Bonaparte qui a tenu que près de 160 savants l'accompagnent dans son aventure exotique. À l'origine imaginée dans un but militaire et politique, l'expédition prend ainsi l'apparence d'une entreprise scientifique destinée à étudier et faire connaître l'Égypte ancienne.

On imagine bien l'enthousiasme de nos spécialistes en apprenant la découverte de ce trésor tout à fait inattendu ! Les hellénistes se précipitent pour traduire les 54 lignes de grec qui se révèlent être la copie d'un décret de Ptolémée IV (IIe s. av. J-C.) qui devait être affiché dans chacun des temples du royaume. Et on commence à rêver : et si ces mots étaient la traduction des deux autres textes, les 32 lignes de démotique (écriture simplifiée des anciens Égyptiens) et les 14 de hiéroglyphes ?

Experts observant la pierre de Rosette pendant le Congrès international des orientalistes, 1874, Londres, British Museum. En agrandissement : Détail de la Pierre de Rosette, IIe siècle av. J.-C., Londres, British Museum.

La pierre au bûcher ?

La Pierre de Rosette, IIe siècle av. J.-C., Londres, British Museum. En agrandissement : Joseph Kosuth, Ex libris ou La Place des Écriture, agrandissement au sol de la pierre de Rosette, Figeac, 1991.Rapidement, dès mars 1800, une copie des inscriptions parvient à Paris à l'Institut de France tandis que Bonaparte lui-même s'empresse de faire connaître ce qu'il considère comme une découverte majeure. Mais en Égypte, le vent tourne, l'armée décimée par la peste ne peut plus tenir face aux Anglais. Bonaparte étant rentré en France, c'est le général Menou qui négocie la capitulation. Les discussions sont acharnées : les Français refusent de livrer leurs collections d'art ancien, et menacent même de les détruire : « Nous brûlerons nous-mêmes nos richesses. […] C'est de la célébrité que vous visez ? Eh bien, comptez sur les souvenirs de l'histoire : vous aurez aussi brûlé une bibliothèque dans Alexandrie ! » (Geoffroy de Saint-Hilaire). Finalement, les deux parties font des concessions et acceptent que seules les pièces les plus importantes rejoignent l'Angleterre. Au milieu de ce butin de guerre trône la pierre de Rosette qui reçoit pour l'occasion une nouvelle inscription, sur l'un de ses côtés : « Captured in the Egypt by the British Army in 1801 ». Quelques mois plus tard, en juillet 1802, le roi George III fait ajouter ces quelques mots : « Presented by King George III » avant de l'offrir au British Museum d'où elle ne sortira que pour trouver refuge, en 1917, dans le métro.

Un lecteur avisé

La pierre de Rosette aurait pu finir oubliée au fond de sa salle d'exposition si un jeune capitaine, Louis de Champoléon (sic), n'avait montré une copie d'un relevé de la stèle à son jeune cousin de 12 ans, Jean-François Champollion. Celui-ci ne put jamais admirer la véritable pierre mais saura tirer parti des lithographies établies au Caire par l'imprimeur de l'expédition, Jean-Joseph Marcel. Après des années de travail marquées par une belle rivalité avec l'anglais Thomas Young, notre petit génie des langues peut annoncer au secrétaire de l'Académie française, le 27 septembre 1822, que les hiéroglyphes égyptiens sont redevenus une écriture comme une autre. La pierre de Rosette n'aura pas passé 20 siècles encastrée dans un vieux mur pour rien !

Thomas Milton, Ville de Rosette, 1801-1803. En agrandissement : Dominique Vivant Denon, Vue des environs de Rosette, 1802, Londres, British Museum.

Sources :

Laure Murat et Nicolas Weill, L'Expédition d'Égypte. Le rêve oriental de Bonaparte, éd. Gallimard (« Découvertes »), 1998.

Découvrez la pierre de Rosette en 3D sur le site de British Museum.

Publié ou mis à jour le : 2023-08-22 12:11:40
Gilles (14-05-2021 15:18:29)

Merci pour Vos si beaux résumés historiques: pour Napoleon il est à signaler que l'histoire du pseudo esclavage a effacé son aventure inouïe d'Egypte qu'il a fait renaître, les prédateurs anglais n'ont guère été à la hauteur.

Ginchereau, Normande (12-05-2021 15:11:50)

Superbe idée d'avoir présenté « la Pierre de Rosette », ce trésor si admirable GRAND MERCI.
Je vais inviter « parents et amis » pour qu'ils lisent votre article.

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