Michel-Ange (1475 - 1564)

La démesure dans l'art

Le 18 février 1564, Michelangelo Buonarroti, plus connu sous le nom de Michel-Ange, rejoint Dieu et ses anges. L'artiste toscan meurt à Rome à 89 ans.

Jusqu'à sa mort en pleine gloire, il a poursuivi pendant près de sept décennies une collaboration âpre et féconde avec les Médicis de Florence et tous les papes de la Renaissance, au cœur du Cinquecento italien : Raphaël, Vinci, Bramante, Titien etc. etc.

Tourmenté par la quête de la beauté, il s'est illustré dans la sculpture, la peinture et la fresque, l'architecture et même la poésie.

Dès 1552, de son vivant, une biographie lui a été consacrée. Tentons de saisir les ressorts de cet artiste absolu...

Il Divino ! Michel-Ange, le génie de la Renaissance

Michel-Ange est né à Caprese, près de Florence, dans la famille d'un modeste fonctionnaire.

La vierge de Manchester, vers 1490 (National Gallery)À force d'obstination, il parvient à entrer à 14 ans en apprentissage chez un artiste important, Domenico Ghirlandaio. Celui-ci détecte immédiatement chez l'enfant des talents très supérieurs aux siens. Il l'introduit auprès de Laurent de Médicis, dit le Magnifique, maître tout-puissant de Florence et principal mécène de son temps.

Le jeune homme, qui manifeste assez vite une préférence pour la sculpture, va s'épanouir dans l'atmosphère follement optimiste et créatrice de la Florence de ce temps... Après la chute des Médicis, il se réfugie à Venise puis à Rome, auprès des papes. On est au temps où triomphe l'humanisme.

L'artiste ne tarde pas à subjuguer les amateurs d'art avec sa Pietà. C'est une statue représentant la Vierge éplorée tenant dans ses bras, le corps de son fils, Jésus-Christ. À 23 ans, Michel-Ange accède ainsi à la gloire et bientôt à la fortune.

Une gloire précoce

De retour à Florence, en 1501, il confirme son talent avec la statue de David, extraite d'un bloc de marbre de 2,5 tonnes et cinq mètres de haut, et gagne la faveur du souverain le plus emblématique de la Renaissance italienne, le pape Jules II.

La Sybille Lybique (1508, Michel-Ange, chapelle Sixtine, Vatican)En 1508, le pape exige de Michel-Ange qu'il décore d'une immense fresque la voûte de la chapelle Sixtine. Refus de l'artiste ! Il est sculpteur et non peintre ! Mais il a beau fuir, il est rattrapé et placé au pied du mur ! Ce sera son œuvre maîtresse. Il s'y épuisera pendant quatre ans, perché seul sur les échafaudages dans des conditions pour le moins inconfortables

De retour à Florence, auprès des Médicis, Michel-Ange travaille à leur tombeau, au couvent de San Lorenzo.

Le nouveau pape a vite fait de pardonner ses infidélités à Michel-Ange. Il commande lui aussi son tombeau à l'artiste, puis une nouvelle fresque pour le mur de l'autel de la chapelle Sixtine. Ce sera le grandiose Jugement dernier (16 mètres de haut sur 13 de large). 

Entretemps, la chrétienté a basculé dans une nouvelle ère avec les déchirements de la Réforme luthérienne. L'optimisme de la Renaissance a vécu. Michel-Ange exprime ce basculement à travers les corps torturés et contorsionnés de cette fresque, qui expriment tout à la fois son attachement aux traditions de l’art antique et sa vision sombre du destin de l’humanité.

Le Jugement dernier, le Christ et la Vierge (détail, 1534-1541, Michel-Ange, chapelle Sixtine, Vatican)
[voir l'image en grandes dimensions]

Avec la maturité, Michel-Ange sculpteur évolue vers une forme moins achevée que ses premières œuvres. C'est le non-finito, qui joue sur la matière même du marbre en la laissant par endroits à peine dégrossie, d'une façon plutôt moderne. Il va aussi s'engager dans de vastes projets architecturaux et urbanistiques : la place du Capitole, siège du Sénat de la ville, et la reconstruction de la basilique Saint-Pierre de Rome, délaissée depuis la mort de Bramante, 32 ans plus tôt. À 71 ans, Michel-Ange remanie donc les plans de son ancien rival et dessine une majestueuse coupole (136,50 mètres de hauteur totale). Il y travaillera jusqu'à sa mort à 88 ans. Il repose depuis lors à Florence, dans l'église Santa Croce.

Publié ou mis à jour le : 2020-10-28 12:19:30
aldo (30-05-2018 13:02:38)

Magnifique article,sauf pour cet anonyme.quand on critique on ne se cache pas

Gilles (21-05-2018 23:45:06)

Comment imaginer la survenue au monde d'un tel prodige! Sa longue destinée nous a offert tous ces chefs d'œuvre, vus et revus sans cesser d'être coi devant tant de beauté, de grâce, de force et de preuves d'amour. La beauté la vérité le naturel transfigurés. Bravo pour votre présentation et la qualité de vos textes et images. Merci
GM

Philippe (20-05-2018 23:52:37)

Quel sculpteur !
Plusieurs peintres de la Renaissance égalent Michel-Ange. Aucun sculpteur de son temps ou d'un autre temps n'a produit une oeuvre comparable à la Pieta du Vatican, non seulement pour la virtuosité formelle, mais pour la force de la conception (ou faut-il dire : de la vision). La puissance d'émotion de cette sculpture est sans équivalent.(même en photo, ce qui est rarissime !) Elle est, sans hyperbole, sublime - et donc bouleversante.
La disparité d'âge et de taille de la Vierge et du Christ (selon un critère réaliste évidemment inapplicable) est d'une justesse et d'une nécessité absolues selon une signification plus haute qu'on ne peut attribuer qu'à une puissance exceptionnelle de représentation religieuse, dont je ne vois pas d'équivalent dans le siècle de Michel-Ange, sinon peut-être dans les oeuvres les plus inspirées du Tintoret.
Et à 23 ans ! Et sur la scène la plus représentée de tout l'art chrétien !
C'est sidérant.

Anonyme (20-05-2018 22:42:42)

@ Aubrespin Georges
Il n'est pas si clair que Michel-Ange avait une vie dissolue et qu'il était païen. D'ailleurs que signifie au juste ce mot. Au reste on ne lui demande pas d'être un saint et même les saints n'étaient pas des gens parfaits. Mais c'est une autre histoire. Et puis Jules II n'a pas laissé le souvenir du plus vertueux des papes, même si la renaissance en a connu de bien pires (hélas !). Alors admirons la Piéta, cette oeuvre d'un sculpteur de 25 ans. Ce visage qui exprime la pureté ne peut être l'oeuvre d'un homme qui n'a pas de conscience ... même celle d'être comme nous le sommes tous : pécheur ! "Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre ".

Pierrot (20-01-2017 13:55:59)

Que dire de plus , que tout ce qui a été dit magnifiquement. Continuez c'est de la joie de vous lire.

Anonyme (15-02-2014 22:05:36)

INTÉRESSANT, CERTES, MAIS AUSSI UN PEU DÉCOUSU, HÉLAS

Boutté Jacques (19-02-2013 11:32:07)

Parmi les circonstances rarissimes il faut sans doute mettre en bonne place la chute de l' Empire d'Orient et l'arrivée à Rome de très bons artistes fuyant l' Islam .

claude (25-09-2012 08:14:50)

Les deux vers cités de Michel Ange illustrent le fil d'inspiration qui soutient et inspire une création: le fil de l'émotion.
Là où celle ci parle dans une oeuvre et se tourne vers une forme esthétisue ,parole , musique , image,...une représentation concrète d'une "idée" , allusive et sensée , l'artiste traduit ,communique son émotion.
"l'oeuvre sort plus belle d'une forme au travail rebelle "écrit le poète!Mais si l'émotion est absente ,l'oeuvre s'efface de la mémoire Collective!Les grandes oeuvres mémorielles allient la beauté à l'émotion car l'émotion n'a pas d'âge ni de frontière.

claude POSTEL (13-08-2012 15:09:44)

comme toujours la présentation de votre sujet , de vos sujets est très très agréables et laisse à chacun le droit , le soin , le choix d'y prendre ce qu'il veut

Claude POSTEL

AUBRESPIN Georges (04-11-2009 09:43:55)

Devant un tel débordement d'exceptionnels talents, il ne faudrait pas oublier que Michel-Ange était païen et avait mené une vie dissolue. Bien que l'Eglise ait fermé les yeux à ce sujet et qu'il ait été absous par un pape et non des moindres qui a marqué par son sens de l'humain la durée de son pontificat,il est incontestable qu'il faut reconnaître et admettre que Michel-Ange était un "immense génie" qui ne peut que perdurer dans le Temps.-

Nicolas F. (29-09-2008 10:03:42)

L'art et la politique ont toujours fait bon ménage. Pour affermir son trône il faut subjuguer ses assises. Faire rêver, certes. Impressionner, tout autant. Mais il est indispensable d'aiguiller les attentes du collectif vers l'imposante représentation architecturale ou décorative dénommé art tenu et soutenu par les cochers de nos sociétés, les créateurs des faiseurs d'opinion.
Cher Verone Ringo, vôtre message est juste et vôtre ton des plus sympathiques. Je vous lirai plus encore si j'en avais le temps. Toutefois, le plus impressionnant dans cette affaire, du moins la partie qui me surprend le plus, c'est la dissociation des mécanismes d'autorité, d'autoritarisme ou de coercition sociale. Comment peut-on s'imaginer un monde ou la quête et la conquête du pouvoir sont disjoints de l'appétit humain, de la notion de beau et d'agréable, des us et coutumes, de la coupe des arbres, ou du temps qu'il fait.
La distinction. Non pas celle de Bourdieu, mais celle qui sépare, classifie les notions, les événements, dans un but analytique au premier abord. Ce monde est tel quel, comme le disait un philosophe très connu et qu'il est inutile de citer : "Tout est lié" !
La frontière entre ces notions, est la même qu'entre celle de corps et d'esprit : elle est purement sémantique. C'est pourquoi, une seule chose permet de dissocier les choses de ce monde, comme l'art et la politique, pour les étudier indépendamment : c'est la naïveté.

Verone Ringo (04-06-2006 00:03:41)

Bonjour,
Si l'on s'interesse un peu plus au sujet de l'art, de la fécondité de la période renaissante, alors on pourra soulever un certain de nombre de choses primordiales qui nous aideront aussi à comprendre notre époque.

Tout d'abord, les différents conciles à l'orée de l'an 1000 où se dessine la volonté de mettre l'homme au centre du monde pour qu'il s'élève (à Dieu, et à la foi de manière générale). Il s'agit du plus beau rêve que l'occident ait pu faire en allant jusqu'au bout de celui-ci, et l'un des plus beaux rêves de l'humanité. Pour cela, l'ensemble de toutes les conditions intellectuelles dans l'ensembles des domaines (surtout des langages) connus ou inconnus devaient être mise à disposition dans la société qui devait être crée. En effet, l'idée même d'une société nouvelle avant la renaissance est le fruit de cette pensée qui mit plusieurs siècles à éclore (environs 3), et dont la première pierre fût la création des universités. C'est cette volonté des états d'investir dans le langage, dans les sciences, et dans les individus pour l'homme puisse s'élever qui à fait qu'un fils de boulanger ou de masson deviennent des artistes comme Michel-Ange ou Léonard de Vinci. Aujourd'hui, notre société pousse à la stérilité la plus totale car le rêve de la société est quelque chose que personne ne comprend : "la croissance" (...jusqu'où, pourquoi ! ...vraiment ?), et d'autre part le sujet individuel de l'homme qui était l'élévation est devenu l'argent.

Il suffira souvent de formuler ce rapport pour se voir insulté très rapidement (d'aristocrates, d'homme d'église, de communistes, de fasciste, -...cela dépend de la couche sociale et du pays). On ne le dira jamais assez, on n'a pas besoin de culture pour faire de l'argent, mais l'inverse est devenu vrai aujourd'hui, car c'est bien le choix de la culture de l'argent qui a été fait, et ce pour des raisons politiques et commerciales (surtout commerciales). Des thèses très intéressantes sur la création même de l'art contemporain par une classe sociale particulière (oups!) après une suite sans erreurs d'incompréhensions successives pendant un siècle et demi, ont abouti à la création pur et simple d'un art artificiel (qu'est-ce qu'on s'amuse!), qui comme les valeurs financières, sont baseés sur une valeur explicite et un discours qui est "politique" ou "stratégique" (ce sont les vocabulaires actuel aujourd'hui lorsqu'on décrit une oeuvre : "la politique de l'oeuvre", "la stratégie de l'artiste").

Alors, je laisse l'internaute réfléchir à des chose bien plus graves (allez! petit indices), notamment l'évolution du goût artistique depuis le nouveau régime jusqu'à aujourd'hui, et le plaisir à accorder de la sympathie à tout ce qui est mortifère, mélancolique, absurde, et le mythe de l'artiste comme tel quel depuis un siècle et demi...

Verone Ringo

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