Anthelme Brillat Savarin (1755 - 1826)

Premier théoricien du goût

« La découverte d'un mets nouveau fait plus, pour le bonheur du genre humain, que la découverte d'une étoile. » (Physiologie du goût, 1825)

Le nom de Brillat-Savarin a acquis une certaine notoriété grâce à un gâteau et un fromage. Pourtant, l'homme fit principalement carrière en politique. Il écrivit aussi un ouvrage capital pour l'avenir de la gastronomie : la Physiologie du goût. Partons à la rencontre de ce fin gourmet...
Pénélope Pélissier

Les aphorismes de Brillat-Savarin. Carte postale, 1900.

Avocat en France, professeur de français à l'étranger

Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826). Dessin de Lambert, Jean Baptiste Ponce. Source : gallica.bnf.fr, BnF Jean Anthelme Brillat-Savarin est né à Belley dans une famille bourgeoise d'un père avocat et procureur du roi.

Tout petit, Brillat-Savarin baigne dans une atmosphère propice au développement de son palais. La beauté de sa mère Aurore inspire le cuisinier de la maison. Ce dernier crée à son intention un pâté en croûte exceptionnel de forme carrée réunissant de nombreuses viandes, plusieurs farces et des pistaches : « l'oreiller de la Belle Aurore »

Quant à Jean Anthelme, il se lance dans une carrière juridique : à 25 ans, il devient avocat et maire de Belley. Il participe aux états généraux en tant que député du Tiers état. Durant la formation de l'Assemblée nationale, il s'oppose fermement à la peine de mort. Puis, il rentre chez lui et travaille pour la Cour de cassation.

Chassé de ses fonctions en raison de ses opinions politiques, Brillat-Savarin fuit la France pour s'exiler en Suisse, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et aux États-Unis. Il y donne des cours de français et joue du violon. En 1796, il rentre en France et devient magistrat. Il est ensuite nommé commissaire du Directoire puis conseiller à la cour de Cassation. En co-créant la Société d'encouragement pour l'industrie nationale en 1801, il participe à la Révolution industrielle. En juin 1804, il est fait chevalier de la Légion d'Honneur par Napoléon, puis chevalier de l'Empire en 1808.

Brillat-Savarin a rédigé plusieurs ouvrages consacrés au droit, parmi lesquels Théorie judiciaire (1808), De la Cour suprême (1814)... Mais c'est son dernier livre qui fait sa renommée : la Physiologie du goût.

La Physiologie du goût, un ouvrage fondateur

Physiologie du goût par Brillat-Savarin. Affiche illustrée par Alphonse Farcy,1847. Source : gallica.bnf.fr, BnFAnthelme Brillat-Savarin est un épicurien dans l'âme. À la veille de sa mort, en 1825, il publie anonymement le recueil de ses impressions gourmandes, La Physiologie du goût, qu'il vend à bas prix. Le sous-titre du livre, moins connu, donne tout son sens à l'ouvrage : Méditations de gastronomie transcendante, ouvrage théorique, historique et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes parisiens, par un Professeur, membre de plusieurs sociétés littéraires et savantes. Pour la première fois, la gastronomie est considérée comme une science à part entière, un art.

Brillat-Savarin déploie dans son livre une vingtaine d'aphorismes sur la nourriture, parmi lesquels :
« Ceux qui s'indigèrent ou qui s'enivrent, ne savent ni boire ni manger. »
« Les animaux se repaissent ; l'homme mange ; l'homme d'esprit seul sait manger. »
« Dis-moi ce que tu manges : je te dirai ce que tu es. »

L'écrivain fait un éloge du « plaisir de manger » : «Le plaisir de manger est la sensation actuelle et directe d'un besoin qui se satisfait. Le plaisir de la table est la sensation réfléchie, qui naît des diverses circonstances de faits, de lieux, de choses et de personnes qui accompagnent le repas. Le plaisir de manger nous est commun avec les animaux ; il ne suppose que la faim et ce qu'il faut pour la satisfaire. Le plaisir de la table est particulier à l'espèce humaine ; il suppose des soins antécédents pour les apprêts du repas, pour le choix du lieu et le rassemblement des convives. Le plaisir de manger exige, sinon la faim, au moins l'appétit ; le plaisir de la table est le plus souvent indépendant de l'un et de l'autre. Ces deux états peuvent toujours s'observer lors de nos festins. »

Avec la Physiologie du goût, vingt ans après que le poète bourguignon Joseph Berchoux eut inventé le mot gastronomie et que Grimod de la Reynière eut publié son Almanach des gourmands, Brillat-Savarin devient pour la postérité le théoricien de la tradition culinaire bourgeoise. En 1838, l'ouvrage est réédité avec, en préface, le Traité des excitants modernes de Balzac et la Physiologie du mariage en 1839.

Malheureusement, le gastronome n'aura pas l'occasion de rencontrer les admirateurs de son oeuvre : il meurt le 1er février 1826, des suites d'une pneumonie contractée à la basilique Saint-Denis, lors d'une cérémonie organisée en commémoration de la mort de Louis XVI.

Un nom passé à la postérité

Trente ans après la mort de Brillat-Savarin, en 1856, on donnera son nom à un savoureux gâteau fait de pâte à baba et moulé en forme de couronne : le « savarin ». Anthelme de Brillat-Savarin aurait découvert le secret de la recette du sirop du baba au rhum et l'aurait confiée aux frères Julien, des pâtissiers parisiens. Ces derniers remplacèrent le rhum par du kirsch.
En 1930, c'est un succulent fromage à pâte molle, l'« excelsior », qui est rebaptisé « brillat-savarin » par un fromager parisien. Longue vie donc à ce bec fin que fut Brillat-Savarin !

Brillat-savarin. Photographie de Pierre-Yves Beaudouin, Wikimedia Commons

Publié ou mis à jour le : 2021-04-23 16:59:47

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