Cavelier de la Salle (1643 - 1687)

Première victime du mirage de la Louisiane

René-Robert Cavelier de La Salle est honoré au Québec en sa qualité d'explorateur du Mississipi. Jeune homme, il n'a d'autre rêve que d'explorer la Chine et tente de l'atteindre... par les Grands Lacs canadiens !

C'est ainsi qu'il descend la  « Grande Rivière » qui traverse le continent nord-américain du nord au sud et prétend en prendre possession  au nom de Louis XIV. Il baptise « Louisiane », en l'honneur du Roi-Soleil, la très vaste région qui s'étend du golfe du Mexique aux Grands Lacs. 

Le roi, sagement, qualifiera de « fort inutile » cette annexion mais acceptera de confier à Cavelier de la Salle le soin d'établir une colonie de peuplement à l'embouchure du Mississipi. Le « nouveau Cortès » échouera tristement dans cette entreprise et se fera tuer par ses compagnons d'infortune, ceux-ci ne supportant plus sa brutalité...  

Camillle Vignolle
Prise de Possession de la Louisiane et du Fleuve Mississipi au Nom de Louis XIV, par Cavelier de la Salle, le 9 Avril 1682 (lithographie par Bocquin, BNF)

Naissance d'une vocation

Né à Rouen le 21 novembre 1643, dans une famille de riches négociants, René-Robert Cavelier de La Salle est formé par les jésuites et se réjouit de partir en mission en Chine mais, après qu'on lui eut refusé cette perspective, il se fait relever de ses voeux au prétexte d'« infirmités morales ». En 1667, il rejoint son frère, prêtre sulpicien établi à Ville-Marie, sur l'île de Montréal, en Nouvelle-France. Le jeune homme acquiert une terre à l'ouest de l'île. Comme il se montre obsédé par l'idée de rejoindre la Chine par la « mer Vermeille » (l'océan Pacifique), sa terre sera appelée par dérision « Lachine ». C'est encore aujourd'hui un faubourg de la métropole québécoise... 

En juillet 1667, Robert Cavelier de la Salle, qui ne veut « laisser à un [aucun] autre l’honneur de trouver le chemin de la mer du Sud et par elle celuy de la Chine », recrute une vingtaine d'hommes, y compris des missionnaires, et prend la route de l'Ohio. Mais, par manque d'expérience et de préparation, il ne peut dépasser le lac Érié et doit s'en revenir à Montréal.

Robert Cavelier de la Salle (Rouen, 21 novembre 1643 ; 19 mars 1687)Le jeune homme entre en 1672 au service du nouveau gouverneur de la Nouvelle-France, Louis de Buade, comte de Frontenac.

Devenu un bon connaisseur des Iroquois dont il parle la langue, il organise à la demande du gouverneur une grande assemblée des cinq Nations de cette importante tribu amérindienne sur les bords du lac Ontario, où il fonde le fort Frontenac (aujourd'hui Kingston), autour duquel s'organisera le commerce des fourrures, seule richesse monnayable de la région.

C'est un succès même si les Iroquois ne tarderont pas à entrer en guerre contre les colons français et leurs alliés, les Hurons.

Cavelier de la Salle peut dès lors revenir en France où, le 12 mai 1678, il obtient du roi Louis XIV des lettres patentes qui lui donnent le « privilège de découvrir la partie occidentale de l’Amérique ».

Avec une trentaine d'hommes dont son ami Henri de Tonty, un aventurier napolitain, La Salle atteint, l'année suivante, les chutes du Niagara puis explore sur un canot le lac Michigan. Il fonde le fort Miamis à l'embouchure de la rivière du même nom, au sud-est du lac, puis le fort Crèvecœur, dans le pays des Indiens illinois, à l'emplacement de l'actuelle ville de Peoria.

Vient enfin le moment du grand saut. L'aventurier se dispose à emprunter le chemin ouvert par Louis Joliet et le père Marquette. Ces deux missionnaires ont reconnu dix ans plus tôt le Mississippi, (en indien, Missi Sepe, la « Grande Rivière » ou le « Père des Eaux ») mais ils n'ont pas dépassé la région des Grands Lacs.

À la poursuite d'un rêve

Un total de 54 personnes se disposent à participer à l'expédition. Parmi elles, selon la liste dressée par Tonty, figurent vingt-quatre Français, mais aussi dix-huit Indiens abénaquis originaires de la Nouvelle-Angleterre, destinés à approvisionner la compagnie en venaison, ainsi que dix femmes indiennes pour la préparation des repas. Les Indiens se voient promettre cent peaux de castor chacun au terme de l'expédition.

Le départ est enfin donné au fort Miami le 16 décembre 1681. L'expédition longe le lac Michigan puis les rivières de Chicago et des Illinois, encore gelées. Elle atteint le fort Crèvecoeur puis, le 6 février 1682, le Mississipi. Cavelier de la Salle le rebaptise « fleuve Colbert » en l'honneur du grand ministre de Louis XIV mais ce nom n'aura pas de succès.

L'expédition descend le fleuve à bord d'une douzaine de canots en écorce d'orme. L'armurier Prud'homme ayant disparu au cours d'une chasse, Cavelier fait une pause, le temps de le rechercher, et fait ériger le fort Prud-homme, à l'emplacement de l'actuelle capitale du Tennessee, Memphis.

Un peu plus loin, au confluent avec la rivière Arkansas, point le plus méridional atteint par Joliet et Marquette, l'expédition entre en contact avec des Akansas. D'abord menaçants, les Indiens offrent le calumet de la paix et un festin de maïs aux étrangers.

Cavelier de la Salle (timbre-poste)Moins accommodants seront les Kinipissas, cannibales établis sur le cours inférieur du fleuve. L'expédition aura soin de les éviter. Enfin, le 6 avril 1682, au terme de 1500 kilomètres de navigation sur le « Père des Eaux », elle atteint son embouchure, ou plutôt son immense delta, sur le golfe du Mexique.

Revêtant un manteau écarlate galonné d’or, Cavelier de la Salle fait dresser une croix en bois ainsi qu'un poteau avec une plaque de cuivre décorée de deux lys et sur laquelle est inscrit : « Louis le Grand, Roy de France et de Navarre, règne le 9e avril 1682 ».

Le notaire de l'expédition consigne alors sa déclaration, fort solennelle, dans l'air du temps : « Je, René-Robert Cavelier de La Salle, en vertu de la commission de Sa Majesté que je tiens en mains, prêt à la faire voir à qui il pourrait appartenir, ai pris et prends possession, au nom de Sa Majesté et de ses successeurs de sa couronne, de ce pays de la Louisiane, mers, havres, ports, baies, détroits adjacents et de toutes les nations, peuples, provinces, villes, bourgs, villages, mines, minières, pèches, fleuves, rivières compris dans l’étendue de ladite Louisiane. »

Les déconvenues d'une entreprise « fort inutile »

De retour en France, l'explorateur est qualifié de « nouveau Cortés » par les courtisans. Il offre la « Louisiane » au Roi-Soleil mais celui-ci hésite à l'occuper, craignant de trop disperser ses forces. Il juge l'annexion « fort inutile ». Néanmoins, il se laisse convaincre d'établir une colonie de peuplement à l'embouchure du fleuve, que chacun situe par erreur plus à l'Ouest, près de la Nouvelle-Espagne (le Mexique actuel). Ce serait une façon d'avoir à l'oeil le grand rival d'outre-Pyrénées.

Cavelier de La Salle obtient donc de revenir en Louisiane. Il quitte La Rochelle le 1er août 1684 avec quatre vaisseaux, le Joly, une frégate de 36 canons, et trois barques de transport, la Belle, l'Aimable et le Saint-François. La flotille est placée sous les ordres du capitaine de Beaujeu. Elle compte 288 personnes, dont une centaine de soldats, six religieux, une douzaine de femmes, quelques enfants et deux neveux de l'explorateur.

René Robert Cavelier de la Salle (gravure du XVIIe siècle)La flotille entre dans le Golfe du Mexique 58 jours plus tard et relâche à Saint-Domingue où le Saint-François est pris par des flibustiers.

Cavelier de la Salle repart vers son objectif mais, suite à une erreur sur la longitude, il dépasse le delta du Mississippi sans le savoir.

C'est ainsi qu'il touche terre début janvier 1685 dans une baie de la côte du Texas moderne qu'il appelle baie Saint-Bernard, devenue depuis la baie Matagorda, située entre les villes modernes de Corpus Christi et de Houston, à environ 150 km au nord-est de la première et 200 km au sud-ouest de la seconde.

Mais au sein de l'expédition, l'atmosphère s'alourdit. Le capitaine de Beaujeu ne supporte plus la brutalité de La Salle.

Après deux mois de recherche d'un site d'installation, il débarque l'explorateur, les membres de son expédition et tout leur équipement, ne leur laissant qu'un petit navire, La Belle ; le deuxième, l'Aimable, s'est échoué quelques jours auparavant. Lui-même rentre en France le 12 mars avec le troisième bateau, le Joly.

Expédition de Robert Cavelier de La Salle à la Louisiane en 1684 (Théodore Gudin, 1844, musée de Versailles)

Mort d'un rêveur impénitent

Cavelier de la Salle, demeure sur place avec environ 180 personnes, diminuées par la maladie et le découragement. Il fait construire un camp et lance ensuite la construction d'un fort. Il explore la côte avec la Belle et une trentaine d'hommes, toujours en quête de l'embouchure du Mississippi, tandis que son fidèle Joutel commande le fort Saint-Louis avec une colonie réduite à 34 hommes, femmes et enfants.

La Salle passe encore plus d'une année à chercher le Mississippi tout en voyant sa colonie fondre à vue d'oeil, du fait des conditions de vie insalubres et des escarmouches indiennes.

Enfin, la Belle s'étant échouée dans la baie de Matagorda, il décide d'aller chercher du secours en Nouvelle-France, au nord du continent nord-américain ! Il part avec plusieurs compagnons mais, exténués et fatigués des errances de leur chef et de ses exigences, ceux-ci l'attirent dans une embuscade et le tuent le 19 mars 1687. Les survivants, au nombre de sept, achèvent l'impossible voyage à pied jusqu'au fort Saint-Louis des Illinois et rejoignent la civilisation. C'est la triste fin d'un aventurier victime de son obsession

Publié ou mis à jour le : 2020-12-19 16:28:15

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