Gaston Fébus (1331-1391)

Un chevalier dans la guerre de Cent Ans

En visitant le château de Pau, au pied des Pyrénées, tout un chacun reste interdit devant le berceau légendaire du nourrisson qui allait devenir le roi Henri IV, rien moins que la carapace d’une tortue géante... En sortant dans les jardins, vous passez devant une statue du XIXe siècle.

Statue de Gaston Fébus devant le château de Pau regardant les Pyrénées.Beaucoup moins connue que la tortue, elle représente un autre habitant du château, Gaston Fébus (1331-1391), sous les traits d’un grand et bel homme aux cheveux longs et bouclés, un chien à ses pieds.

Gaston III Comte de Foix, Souverain Vicomte de Béarn, Vicomte de Marsan, de Gabardan, de Nébouzan, de Lautrec, des Terres-Basses d’Albigeois, et co-seigneur d’Andorre, fut l’un des féodaux les plus importants des Pyrénées. Dépositaire d’une grande renommée dans toute la chrétienté, il était aussi fin diplomate, guerrier couronné de multiples succès, croisé, savant, littérateur, bref, un représentant exceptionnel de la chevalerie moyenâgeuse et de la société du XIVe siècle. Il se faisait surnommer Phoebus ou Fébus (« soleil » en grec).

Mais, attention. Derrière ce brillant palmarès se cache une face plus sombre et mystérieuse. Au lendemain de Noël 1362, trois mois après la naissance de son premier et seul fils légitime, Gaston III a brusquement répudié sa femme Agnès. En 1380, il aurait tué de ses propres mains ce même fils, « le jeune Gaston ».

Avant de comprendre, voire spéculer sur ces événements, partons à la rencontre de l’homme en pierre dont le regard s’étend sur les jardins du château de Pau.

Fébus trône en majesté entouré de ses veneurs, miniature du Maître des Adelphes, vers 1407, Livre de chasse, Paris, BnF. En agrandissement, légende : Ci devise comment le bon veneur doit chasser et prendre le cerf à force,  Livre de chasse, Paris, BnF.

Gaston Fébus, un grand seigneur au début de la guerre de Cent Ans

À l’instar des rois de France du « miracle capétien », les Gaston ont régné sur Foix-Béarn (et quelques petites parcelles supplémentaires aux alentours) sans interruption et en ligne droite de 1052 à la mort de Gaston III, en 1391. Il avait 12 ans en 1341 lorsque son père Gaston II mourut en Espagne, où il participait à la Reconquista.

Fébus chassant le lièvre, miniature du Maître de Bedford, Livre de chasse, vers 1407, Paris, BnF.Comme Gaston III était encore mineur, c’est sa mère, Aliénor de Comminges, qui assuma la régence jusqu’à sa majorité. À 14 ans, Gaston III accède formellement au pouvoir, sa mère continuant de l’assister dans la gestion des finances.

Les deux comtés de Foix et de Béarn étaient devenus un seul ensemble politique en 1280 en dépit de leur séparation géographique, l’un jouxtant le Roussillon et les Pyrénées orientales, l’autre le pays basque, à l’Ouest. Ils sont séparés par le Comminges et la Bigorre.

À cause de cette séparation, Gaston III a été tiraillé dans le domaine de la diplomatie entre les deux superpuissances de l’époque : la France et l’Angleterre.

Les hommes de Jean d'Armagnac et du sire d'Albret se rendent à Fébus lors de la bataille de Cazères en 1376. Ils sortent de la ville par un trou réalisé dans les remparts, Chroniques de Froissart, XVe siècle, Besançon, bibliothèque municipale.Pour résoudre cette contradiction assortie de conflits féodaux, Gaston III trouva une solution inédite et risquée. En 1347, il proclama unilatéralement la souveraineté du Béarn. Quand cela était possible, il préférait cependant une solution diplomatique à ces « guerres privées ».

Au Moyen Âge, la diplomatie passait en premier lieu par les mariages entre rejetons de grandes familles. En 1349, le mariage de Gaston III avec Agnès, la sœur du roi de Navarre, en est un exemple. Agnès de Navarre accoucha d’un fils bien-portant après 13 ans de mariage, à l’automne 1362, et le « jeune Gaston » fut à son tour marié en 1379 avec Béatrix d’Armagnac en vue de rapprocher les deux clans ennemis.

carte politique des Pyrénées au XIVe siècle.

Après avoir passé trois mois en prison pour avoir trempé dans un complot ourdi par Charles le Mauvais pour renverser son père, le roi de France Jean II le Bon, Gaston III est relâché et, sitôt de retour dans ses états de Foix-Béarn, il part en croisade contre les païens de Prusse et de Lituanie. Hors d’atteinte du roi anglais aussi bien que du roi de France, il jouissait en tant que croisé de la protection de l’Église, et ses possessions étaient également protégées.

Fébus chassant le sanglier. Livre de chasse, Paris, BnF. En agrandissement, légende : Ci devise comment on doit aller laisser courre pour le cerf,  Livre de chasse, Paris, BnF.

Fébus et la Grande Jacquerie

Rentrant de la croisade en 1358, Gaston III massacre les paysans révoltés à Meaux. Après cet exploit, il prit le surnom de Fébus, en raison de sa chevelure blonde mais aussi parce que Fébus-Apollon, dans la mythologie grecque, incarne tout à la fois le soleil, la beauté, la jeunesse, la vérité, la virilité !...

La plus grande victoire militaire du règne de Gaston Fébus a peut-être été celle remportée contre les Armagnac à la bataille de Launac, le 5 décembre 1362. Grâce aux nombreux Armagnacs que Fébus fait prisonniers à Launac, Gaston III perçoit des rançons immenses qui constitueront sa fortune.

Trois semaines après sa victoire à Launac et trois mois après la naissance de son fils, il chasse son épouse Agnès de la cour comtale de Foix-Béarn ! En 1380, son fils « le jeune Gaston », âgé de 17 ans, quitte Foix-Béarn pour rendre visite à sa mère et à son oncle Charles le Mauvais qui aurait raconté à son neveu que, pour réconcilier le comte de Foix-Béarn avec sa femme Agnès, il suffirait au jeune homme de mettre une certaine poudre magique dans les mets de son père.

Le drame d'Orthez selon le récit de Froissart, Le Jeune Gaston, dit l'ange de Foix, Claudius Jacquand, 1838, Paris, musée du Louvre. En agrandissement, illustration de Gustave Doré pour le Voyage aux Pyrénées d'Hippolyte Taine. Gaston Fébus, qui tente d'assassiner son fils, est arrêté par ses chevaliers et ses écuyers, Pau, musée national du Château.

Séduit par la possibilité de réconcilier ses parents, le jeune homme rentre avec une escarcelle farcie de poudre. Gaston III découvre qu’il s’agit d’arsenic et fou de rage, jette aussitôt son fils dans une cellule du château d’Orthez, où le jeune homme commence une grève de la faim. On dit encore que Gaston III aurait, « par accident », tranché la gorge de son fils en lui rendant visite dans sa cellule. Le seul fait avéré est la mort du jeune Gaston suite au coup de couteau fatal de son père.

Chasseur passionné sa vie durant, Gaston III a écrit un traité (Le livre de la chasse) et fait publier un recueil religieux dont il n’est pas entièrement l’auteur, Le livre des Oraisons. À sa cour somptueuse, Gaston III a vécu entouré de troubadours, de ménestrels, de jongleurs et d’artistes. En 1391, à près de soixante ans, il jouit encore d’une pleine santé.

Le 1er août, comme il le faisait souvent, Gaston Fébus s’adonne à sa passion, la chasse. Ce jour-là, c’est le redoutable ours brun des Pyrénées qu’il pourchasse. Juste avant le repas du soir, il est terrassé par une crise cardiaque (ou une attaque cérébrale). Il va pousser son dernier soupir, entouré de ses meilleurs amis et de ses chiens de chasse, laissant derrière lui une grande aura et bien des mystères.

Gaston Fébus, Le livre de chasse, Paris, BnF. Première illustration : de l'ours et de toute sa nature. En agrandissement, les chiens de chasse.

Publié ou mis à jour le : 2021-01-05 18:01:48

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