Le Conseil d’État

Le cœur discret du pouvoir

Avec l’Inspection Générale des Finances et la Cour des Comptes (légèrement moins prestigieuse toutefois), le Conseil d’État fait partie des « grands corps » que rêvent d’intégrer les élèves de l’ENA mais aussi les hauts-fonctionnaires au cours de leur carrière.

Institution discrète, mal connue, elle est pourtant au cœur de l’État depuis deux siècles, résistant à tous les changements de majorité et de régime.

Carte postale représentant le Conseil d’État, Paris, XIXe siècle. L'agrandissement montre le Conseil d’État de nos jours.

Le conseil napoléonien, juge et conseil

Issu du conseil du Roi, supprimé en 1791, le Conseil d’État est fondé par la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) dont l’article 52 dispose que «  Sous la direction des consuls, un Conseil d’État est chargé de rédiger les projets de loi et les règlements d’administration publique, et de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative ».

Les révolutionnaires ayant interdit aux institutions judiciaires, en réaction aux Parlements d’Ancien Régime, d’intervenir dans les affaires administratives, il fallait trouver un moyen de contrôler les décisions administratives. C’est le Conseil d’État qui s’en chargera, ainsi que les « conseils de préfecture », ancêtres des tribunaux administratifs placés comme leur nom l’indique sous la tutelle des préfets. À la fois conseil du gouvernement, il peut examiner successivement un projet de texte pour avis, puis à être saisi d’une requête en annulation de ce texte.

Vivement soutenu par Bonaparte, le Conseil prend une part importante dans la la rédaction des grandes codes napoléoniens et forme de nombreux fonctionnaires.

Malgré ses liens avec le régime napoléonien, le Conseil d’État survit à la Restauration et à tous les changements de régime du XIXe siècle. Celui de 1870 manque lui être fatal, en raison entre autres de l’opposition de Gambetta, mais loi du 24 mai 1872 le restaure finalement et adapte son fonctionnement.

En réaction à cette instabilité et aux purges, le Conseil d’État promeut à la fin du XIXe siècle le modèle d’une administration politiquement neutre et dégage les grands principes permettant de protéger les agents publics des purges politiques. Par ailleurs, il s’affranchit de son rôle de conseil en matière judiciaire, jusqu’à l’abandon définitif en 1889 par l’arrêt Cadot du principe de la « justice retenue » selon lequel il rendait la justice au nom du gouvernement.

Depuis les années 1880, le Conseil d’État a oeuvré avec continuité et opiniâtreté au développement du droit administratif au travers de ses « grands arrêts », le droit administratif étant largement « prétorien », c’est-à-dire dégagé par le juge et non fixé par des textes.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le Conseil d’État se retrouve de nouveau sur le devant de la scène, soutenu par le maréchal Pétain. L’institution, dont les membres juifs ont été épurés, se fait l’exécutant docile des mesures de Vichy au moins jusqu’à 1942.

Épuré à la Libération, le Conseil d’État voit son rôle s’accroître dans la vie administrative du pays, malgré les critiques dont il fait l’objet, y compris du général de Gaulle lorsque l’institution s’oppose à lui en 1962, et plus récemment pour les « pantouflages » de ses membres entre privé et public qui incarnent un certain dévoiement de l’esprit public, ou pour la complaisance envers l’administration dont ce juge est toujours soupçonné.

Publié ou mis à jour le : 2023-05-13 16:35:37

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